Maigret est sorti dans les salles de cinéma mercredi, avec Gérard Depardieu sous le chapeau du célèbre enquêteur créé par Georges Simenon. Adapté un nombre de fois incalculable à l'écran, le personnage est cette fois-ci présenté par Patrice Leconte, réalisateur des Bronzés et de La Fille sur le Pont.
AlloCiné a pu avoir le passionnant cinéaste au micro pour évoquer son travail avec l'un des acteurs français les plus célèbres autour d'un héros littéraire qui ne l'est pas moins.
AlloCiné : Vous aviez déjà adapté un roman de Georges Simenon à l'écran, Monsieur Hire, qui a connu un succès critique certain. Qu'est-ce qui vous a fait vous remettre à cet auteur et à Maigret en particulier ?
Patrice Leconte : (...) Simenon n'a jamais été loin de moi. C'est Jérôme Tonnerre avec qui j'ai écrit ce projet, qui m'a dit "Maigret, ça fait longtemps qu'il n'y a pas eu d'adaptation". Donc nous ne cherchions pas à faire nos malins à nous dire "tiens, on va faire notre Maigret", c'était une envie de se frotter à ce personnage tellement emblématique, de proposer sans arrogance notre vision du personnage, tel qu'on le voyait, qu'on le ressentait, c'était ça l'idée.
Chose assez rare, vous cadrez vous-même vos films. Qu'est-ce que ça fait de mettre l'oeil à la caméra et d'y voir Gérard Depardieu, que vous dirigiez pour la première fois ?
Eh bien c'est bouleversant. C'est toujours bouleversant de filmer des comédiens quand ils ont du talent. Ils vous donnent de ces trucs... Depardieu, j'ai souvent eu les larmes aux yeux de voir ce qu'il me donnait, comment il s'abandonnait à la caméra avec discrétion, retenue, émotion.
Je ne suis pas loin de penser que le fait de cadrer soi-même induit cela, cette confiance qu'ont les acteurs en celui qui est derrière la caméra, en train de faire le film. C'est comme si on était seuls, même s'il y a 50 personnes autour (rires). Il y a une vraie intimité, qui est propice à des confidences d'acteurs.
Il y a tout un mythe autour de Depardieu : est-ce qu'il se laisse diriger ? Est-ce qu'il vous a proposé des choses ?
Sincèrement, je n'ai pas eu besoin de le diriger beaucoup. D'abord parce que ce n'est pas dans ma nature de prendre les acteurs à part et de leur expliquer l'enfance du personnage, je n'ai jamais fait ça et ça ne m'intéresse pas vraiment. Quant aux acteurs, parfois ça les encombre plutôt qu'autre chose. Avec Gérard, il y a eu quelque chose de très immédiat, on savait qu'on était sur une longueur d'ondes commune.
Nous n'avons pas eu besoin de nous dire grand-chose, car c'est un homme qui a un sens du jeu, du rythme, et de la scène. Nous avons testé des choses, bien sûr, j'allais le trouver et je lui disais "tiens, fais-en une un peu comme ça", mais en 2-3 prises c'était bouclé. J'aime bien ce côté immédiat, on est dedans tout de suite.
Dans son costume, et avec la carrure de Depardieu, on a un Maigret presque en armure, avec ce grand manteau qui le couvre entièrement, comme dans les romans. En revanche, vous avez choisi de délaisser la pipe, elle aussi emblématique du personnage. Pour quelle raison ?
Dans tous les romans de Maigret, il fume la pipe. Simenon, qui était aussi un fumeur de pipe n'a jamais privé Maigret de sa pipe, mais moi ça me barbait, cet accessoire. Je trouvais ça lourd à porter, donc quand avec Jérôme Tonnerre on a eu cette idée du médecin disant à Maigret qu'il doit arrêter de fumer, j'étais aux anges car c'est une idée tellement simple ! Et c'était pour éviter le cliché de la trilogie convenue : chapeau-manteau-pipe...
C'est aussi un ustensile assez daté.
Ah ça, c'est vrai que fumer la pipe de nos jours... Les fabricants de pipe doivent trinquer car qui fume la pipe aujourd'hui ?
Face à Depardieu, il y a entre autres Jade Labeste, comment s'est-elle imposée à vous pour le rôle de Betty ?
Personnellement, je ne fais pas de bouts d'essai, je préfère rencontrer les gens, discuter avec, les sentir. Alors je me suis fait aider, car les jeunes comédiennes, je ne les connais pas. Je vais beaucoup au théâtre et au cinéma, mais [ma directrice de casting] Tatiana Vialle m'a fait rencontrer 5 ou 6 filles qui sortaient du Conservatoire. Et la rencontre avec Jade s'est très bien passée.
Hormis Les Bronzés, vous n'avez jamais donné de suite à l'un de vos films. Maigret se prête bien à la saga, il a été beaucoup adapté en séries, est-ce que vous envisagez de tourner une seconde aventure du commissaire ?
Jamais. Il n'y aura jamais de numéro deux, il n'y aura jamais "Maigret fait du ski" ni rien, ce serait une absurdité, ça voudrait dire qu'on entrerait dans une espèce de routine, de resservir la même soupe dans la même soupière, et puis que pourrait-on ajouter à ce qu'on a fait ? Pardon, ça semble prétentieux, mais je n'ai rien de plus à vous dire à propos de Maigret.