En 2018, A Very English Scandal, première saison d'une série anthologique de la BBC retraçant les affaires les plus marquantes de l'histoire contemporaine du Royaume-Uni, abordait celle du procès de Jeremy Thorpe (Hugh Grant), sous la direction de Russell T. Davies (It's a Sin). En 1979, le leader du Parti libéral était accusé d'avoir tenté de faire assassiner son ancien amant (Ben Whishaw).
Trois plus tard, la mini-série A Very British Scandal (toujours en trois épisodes) créée par Sarah Phelps (Le Cheval pâle) relate cette fois-ci le divorce ultra-médiatisé du Duc et de la Duchesse d'Argyll dans les années 1960 en Angleterre. Une époque conservatrice qui n'a pas fait de cadeau à Margaret d'Argyll, femme mondaine qui a payé cher ses moeurs libérées en avance sur son temps.
Lorsqu'elle demande le divorce à son époux, Ian, alcoolique et négligent, fait tout pour la décrédibiliser. Pour salir son image dans la presse, il va jusqu'à faire diffuser des photos intimes de son épouse sans son consentement, faisant de Margaret la première victime de revenge porn de l'histoire.
Dans le rôle du Duc d'Argyll, l'acteur Paul Bettany (Avengers, WandaVision), donne la réplique à Claire Foy, qui tient ici un autre rôle de sang royal après avoir incarné la Reine Elizabeth II dans les deux premières saisons de The Crown.
"J'ai échangé avec Sarah Phelps, la scénariste, qui était vraiment brillante. J'ai ensuite eu un long entretien avec la réalisatrice, Anne Sewitsky. Elle m'a présenté sa vision de la série et ça avait l'air d'être quelque chose de très sincère, ce que je n'avais jamais vu auparavant", explique-t-il, retraçant son arrivée sur le projet. "J'aimais l'idée qu'une réalisatrice norvégienne, une "outsider", fasse une série sur le système de classes britannique."
Récit de l'humiliation publique d'une femme et de la misogynie d'une époque, A Very British Scandal explore aussi la guerre des classes, selon l'acteur. "Margaret est une transfuge, elle vient d'une classe différente. Son père était un ouvrier, un homme qui s'est bâti tout seul.
Elle s'est hissée toute seule dans l'aristocratie, et au moment où le scandale éclate, toute cette caste protège Ian et la détruisent (...) Tous ses soi-disant amis lui tournent le dos. Il y a un vrai sentiment d'horreur là-dedans. En cela, je trouve la série particulièrement britannique."
Pour interpréter Ian, Paul Bettany a puisé dans de nombreux articles et ouvrages sur la famille d'Argyll, même si, modère-t-il, tous ont été écrits par des hommes, ce qui biaise potentiellement l'image qui a pu être brossée de lui.
Né en France, il combat pendant la Seconde Guerre mondiale, avant d'être capturé et envoyé dans un camp de prisonniers où il est torturé et affamé. Il hérite ensuite du duché d'Argyll suite au décès de son cousin en 1949, et épouse Margaret Whigham en troisièmes noces deux ans plus tard.
"Ce qui ressortait des recherches que j'ai faites était que de nombreux dégâts intergénérationnels avaient cours dans cette famille. Je pense que [Ian] s'est senti comme un raté toute sa vie, et une profonde haine de soi en rejaillissait. (...)
Je pense qu'il était vraiment sadique ; il aimait torturer les gens, et en particulier les femmes qui partageaient sa vie. Ian était une sorte de pervers narcissique non diagnostiqué. Et ayant passé près de trente ans dans l'industrie du cinéma, je n'ai pas eu besoin d'alller chercher bien loin pour trouver des pervers narcissiques dont je pouvais m'inspirer", ironise l'acteur vu dans Margin Call, Master & Commander, Victoria : les jeunes années d'une reine ou encore Dogville de Lars Von Trier.
Si Margaret échoue à obtenir le divorce face à Ian, celui-ci finit par payer cher sa victoire, puisqu'il meurt peu de temps après la fin de leur relation des conséquences de ses diverses addictions à l'alcool, au tabac et aux amphétamines. "Je pense que Margaret l'emporte à la fin en refusant de continuer à jouer ce jeu avec lui. Ian n'a pas survécu très longtemps après qu'elle l'a quitté."
Saluant le travail de sa partenaire à l'écran, Paul Bettany révèle que la raison pour laquelle il a accepté de jouer dans la série, avant même d'en connaître le sujet, était qu'il s'agissait d'un projet avec Claire Foy, récompensée aux Golden Globes pour sa prestation dans The Crown. "C'est une actrice incroyable. J'avais l'impression qu'elle serait une partenaire de jeu très amusante. Et en effet, c'était le cas !"
Lorsqu'on l'interroge sur le grand écart qui sépare un personnage malveillant comme le Duc d'Argyll et un personnage solaire comme celui de Vision dans le MCU, Paul Bettany répond avec amusement.
"C'est agréable d'avoir des programmes différents. Passer de quelqu'un d'incroyablement chaleureux, la personnification de la chaleur humaine et de l'amour pour sa femme, à quelqu'un qui est l'incarnation de la cruauté froide et du narcissisme égocentré... C'était une vraie bouffée d'air frais de pouvoir être méchant !"