ATTENTION - L'article ci-dessous contient un léger spoiler sur "Matrix Resurrections", dans la mesure où il évoque le contenu de l'une de ses scènes. Veuillez passer votre chemin si vous n'avez pas encore vu le film et souhaitez ne rien savoir dessus.
Comme beaucoup de celles qui composent le premier acte, cette scène de Matrix Resurrections ne devrait pas manquer de faire sourire. Alors que le film lui-même s'interroge sur l'héritage de la saga, Lana Wachowski met en scène une équipe créative qui se pose les mêmes questions. L'occasion, pour la réalisatrice, de balayer quelques interprétations erronées, et d'en évoquer d'autres.
Dont celle qui voudrait que Matrix soit une métaphore de la transidentité. Une théorie validée par sa sœur Lilly en août 2020, dans une interview vidéo donnée à Netflix : "C'était l'intention initiale, et je suis contente que ce soit sorti", explique-t-elle. "Mais le monde n'était pas vraiment prêt pour cela [en 1999]. Ce monde de l'entreprise n'était pas prêt pour cela."
C'est notamment pour cette raison que le personnage de Switch (Belinda McClory) n'est finalement qu'un personnage androgyne, alors que Lana et Lilly Wachowski avaient souhaité qu'il soit un homme dans le vrai monde et une femme dans la Matrice.
Alors que l'émancipation a toujours été un thème central de leur filmographie (comme le décrit très bien le livre sur elle, paru chez Playlist Society en 2019), tout ce qui tournait autour de la transition a d'abord été allégorique avant d'être plus explicite dans Cloud Atlas et Sense8, une fois la leur effectuée.
"Je ne sais pas à quel point ma transidentité était présente dans mon inconscient lorsque nous écrivions le scénario [de Matrix] (…) mais Lana et moi existions dans un espace où les mots n’existaient pas, nous vivions dans un monde d’imagination. C’est pourquoi je me suis tournée vers la science-fiction et la fantaisie et pourquoi j’ai joué à Donjons et Dragons."
Comme le relève le site Out, plusieurs éléments viennent appuyer cette théorie :
- L'écran noir sur lequel des données s'affichent en vert dans la toute première scène, où le mot "Trans" (dans l'inscription "Call trans opt") est l'un des premiers que le spectateur voit.
- Le "Je pensais que tu étais un mec" de Neo à Trinity, lorsqu'il la rencontre pour la première fois. Si Thomas Anderson ne se base que sur ses exploits de hackeuses et pas sur l'apparence, la situation a été vécue par beaucoup de femmes trans, et amène ici la réponse : "Beaucoup de mecs le croient".
- La pilule rouge, de la même couleur que les pilules hormonales bloquant la testostérone au profit des œstrogènes dans le corps d'une personne souhaitant devenir la femme qu'elle a toujours su être. Une théorie confirmée par Lana Wachowski en 2020, alors que la pilule bleue représente les antidépresseurs prescrits à l'excès aux personnes trans, à l'époque, pour les dissuader de faire leur transition.
- L'image intérieure résiduelle, dont Morpheus parle à Neo au moment de son premier retour post-réveil dans la Matrice. C'est-à-dire la manière dont son esprit le visualise, comme les personnes trans ne se voient pas de la même façon que ce que leurs corps respectifs montrent.
- Le zoom sur le mot "System failure", dans la toute dernière scène, et la caméra qui passe entre le "M" et le "F". Comme pour symboliser la transition de l'homme à la femme, et ce qu'il y a au milieu. En plus de faire écho au mot "Trans" qui apparaît au tout début.
Pour son grand retour dans l'univers de Matrix pour la première fois depuis sa transition, sans sa sœur Lilly qui a tenu à rester en retrait après la sienne, Lana Wachowski approfondit cette métaphore de bien dans des manières dans Resurrections. Et renforce un peu plus le lien entre la saga qui l'ai faite entrer au Panthéon de la SF, et ses œuvres suivantes.