Classique indéboulonnable des multi-rediffusions TV, le Docteur Jivago de David Lean est à nouveau à l'honneur, ce dimanche soir sur Arte. L'occasion de livrer une savoureuse petite histoire autour de l'adaptation de l'oeuvre de Boris Pasternak. En l'occurence une tentative avortée menée conjointement par Stanley Kubrick et Kirk Douglas, pour acheter les droits de l'oeuvre romanesque en vue de l'adapter au cinéma.
Décédé le 5 février 2020 à l'âge plus que vénérable de 103 ans, l'immense comédien que fut Kirk Douglas apprécia beaucoup travailler avec Stanley Kubrick, même si leur relation fut parfois très tendue. Néanmoins, leur première collaboration accoucha d'un chef-d'oeuvre absolu avec Les Sentiers de la gloire en 1957; peut-être le plus grand film jamais réalisé sur la guerre de 14-18. Trois ans plus tard, ils collaborèrent sur l'extraordinaire péplum Spartacus.
En novembre 2019, The Guardian rapportait une surprenante trouvaille. James Fenwick, historien britannique du cinéma en poste à l'université de Sheffield, a découvert que Kubrick et Douglas essayèrent en vain de mettre la main sur les droits d'adaptation de l'oeuvre de Boris Pasternak publiée en 1957 à l'Ouest par un éditeur italien, Le Docteur Jivago, pour en faire un film, à la fin des années 1950. Kubrick écrivit même directement à Pasternak pour le convaincre de lui céder les droits; tandis que Douglas espérait un tournage possible en Union Soviétique.
Les difficultés
C'est dans les archives de l'université des Arts de Londres, ainsi que dans des archives personnelles de Kirk Douglas cédées au Wisconsin Center for Film and Theater Research, que l'historien a fait cette découverte. A commencer par cette lettre adressée à Pasternak par Kubrick, datée du 8 janvier 1959 : "Le dernier film que nous avons fait [NDR : Kubrick et Douglas], Les Sentiers de la gloire, a reçu le prix du meilleur film en Belgique, au Brésil, en Finlande. [...] Nous aimerions acheter les droits d'adaptation cinématographique du Docteur Jivago. Nous avons contacté le cabinet d'avocats à New York, représentant les intérêts de l'éditeur italien qui a imprimé le livre. Les négociations font du surplace, parce qu'ils ne sont pas encore préparé à finaliser l'accord" écrivait Kubrick.
Fenwick a semble-t-il d'abord eu un doute sur la réelle volonté de kubrick d'adapter cette oeuvre littéraire : "à cette époque, il était davantage associé au genre du film noir" explique-t-il au Guardian. Mais l'historien a revu son jugement après avoir découvert en dehors de la lettre un carnet de notes jusque-là jamais vu du cinéaste, qui date du début des années 1950.
Kubrick y écrivait : "le moment précis d'un succès absolu pour un cinéaste, est lorsqu'il est enfin autorisé à réaliser une adaptation d'un grand classique de la littérature de plus de 600 pages, qu'il ne comprend pas très bien, et qui est impossible à filmer proprement en raison de la complexité de l'intrigue, ou de la forme insaisissable de son récit ou de sa forme".
On ne peut aujourd'hui que spéculer sur ce qu'aurait pu être cette adaptation du Docteur Jivago livrée par Kubrick, avec dans le rôle titre Kirk Douglas sous les traits du docteur. Mais force est de reconnaître que la version de David Lean sortie en 1966, portée par la présence lumineuse de Julie Christie et Géraldine Chaplin, un Omar Sharif très habité dans le rôle, et bien entendu l'inoubliable thème musical de Maurice Jarre, est très loin de démériter. Immense succès en salle, l'oeuvre fut couronnée par cinq oscars, dont celui du Meilleur scénario adapté (attribué à Robert Bolt), de la Meilleure musique, et de la Meilleure photographie.
Ci-dessous, l'immense carrière de Kirk Douglas, balayée dans un diaporama hommage...
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