De quoi ça parle ?
Emi, une enseignante, voit sa carrière et sa réputation menacées après la diffusion sur Internet d’une sextape tournée avec son mari. Forcée de rencontrer les parents d'élèves qui exigent son renvoi, Emi refuse de céder à leur pression, et questionne alors la place de l'obscénité dans nos sociétés.
Actuellement en salles.
Attention les yeux !
Récompensé de l'Ours d'or au dernier Festival du Film de Berlin, Bad Luck Banging or Loony Porn ne laisse pas indifférent, et invite à interroger la société dans laquelle nous vivons et son hypocrisie. En confrontant les points de vue - tous les points de vue, il lui arrivera de choquer les spectateurs du film, mais ses intentions réelles ne sont pas de diviser, bien au contraire.
Le film sort tout de même dans nos salles avec une interdiction aux moins de 16 ans avec avertissement, à la manière des films ultra-violents les plus dérangeants. Une décision rare, imposée par la scène d'ouverture du long métrage, la sextape de l'enseignante, montrée en intégralité. Mais cela n'est pas gratuit de la part du réalisateur Radu Jude.
En effet, le cinéaste roumain montre ensuite son héroïne arpenter les rues de Budapest à la manière d'un Jacques Tati ou d'un Elia Suleiman, la confrontant ainsi que le spectateur à des situations ou à des discussions remettant en perspective ce qui peut choquer entre des images de sexualité explicite et des propos ou situations de la vie de tous les jours.
De la même façon, l'un des segments du film voit se succéder des anecdotes percutantes (la plupart concernant la Roumanie et son histoire), invitant le spectateur à réfléchir sur les images qu'on lui propose : "Le film raconte une histoire de notre temps, anodine pourrait-on dire", confie Radu Jude. "Mais si l’Histoire et la politique font partie du film, c’est parce que le récit lui-même a un sens plus profond si nous le voyons dans un contexte historique, sociétal et politique".
Bad Luck Banging or Loony Porn est divisé en trois parties : la première est celle de l'errance d'Emi dans les rues, la deuxième est la succession d'anecdotes sur la Roumanie et son parcours jusqu'à aujourd'hui et la dernière confronte l'enseignante à une commission de parents d'élèves afin de trancher si elle va pouvoir continuer d'être au contact des enfants après que sa sextape a atterri sur le net.
D'arguments insupportables en humiliations, de réparties bien senties en réflexions idiotes, c'est bientôt en tribunal absurde que se transforme la réunion. Tellement absurde que Jude filme le plus souvent la professeure accablée.
En laissant tous les points de vue se faire entendre, le réalisateur ose nous mettre face à face avec la contradiction, aussi fausse ou injustifée soit-elle, et laisse le spectateur se faire son avis, en comptant sur l'intelligence de l'humain face aux barbaries.