Quelque temps après la sortie d'Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, Albert Uderzo, co-créateur du héros avec René Goscinny, avait émis quelques réserves quant au film réalisé par Alain Chabat :
Astérix et Cléopâtre (...) était plus un film d’auteur [qu'Astérix et Obélix contre César]. C’est peut-être pour cela qu’en France il a fait 14 millions d’entrées, mais qu’à l’étranger il n’a été vu que par 8 millions.
Il est vrai qu'en comparaison, Astérix et Obélix contre César, précédente version "live" des aventures du Petit Gaulois, avait rapporté à peu près la même chose, mais à l'inverse : 8 millions d'entrées en France, et 14 millions dans le monde, notamment grâce à son casting européen.
Il semble qu'Uderzo préférait que son héros performe davantage à l'étranger plutôt qu'un film plus "franco-français" comme celui de Chabat, très ancré dans l'humour des Nuls et de Canal+.
Quoi qu'il en soit, un auteur va faire les frais de la frilosité d'Uderzo quant à une nouvelle adaptation d'Astérix, et c'est l'acteur et réalisateur Gérard Jugnot. En 2003, le célèbre comédien travaille depuis huit mois à la transposition à l'écran de l'album Astérix en Hispanie. Mais Uderzo refroidit rapidement ses ardeurs, comme il l'a confié au Figaro :
Gérard Jugnot est un excellent comédien, que j'apprécie beaucoup. (...) [Il] était venu sans le moindre synopsis. Il disait qu'il avait déjà le film dans la tête. Il m'a raconté son "Astérix", sans jamais me demander mon avis. Il espérait faire jouer toute la troupe du Splendid dans le film.
"Avec Goscinny, nous avions fréquemment des séances de travail", ajoute-t-il. "Goscinny me demandait souvent : "Qu'est-ce que tu en penses ?" ou bien : "Et là, qu'en penses-tu ?" Du coup, je lui livrais ma vision de la scène, ou ce que j'imaginais des réactions des personnages. C'est tout de même comme ça qu'Obélix, puis Idéfix sont nés !"
Selon Uderzo, c'est ce manque d'échanges qui aura raison du projet de Jugnot. Ce dernier raconte de son côté qu'il avait pourtant beaucoup écrit, comme il l'a confié au Parisien en 2003 :
"Le non d'Albert Uderzo a été catégorique. Je ne suis ni aigri ni frustré, si ce n'est que j'ai passé huit mois à écrire et préparer un film. Tout ça pour rien alors que je m'étais mis au service d'Astérix et Obélix. Je serais resté fidèle à la bande-dessinée, mais avec quelques idées bien à moi. Et puis, j'avais vraiment envie de le mettre en scène. Un tel film, ça ne se refuse pas".
Le même article révèle qu'il y a eu plusieurs rendez-vous avec le papa d'Astérix mais qu'aucun n'a abouti. A l'époque, il se disait qu'Uderzo n'avait "pas du tout aimé" la version "Nuls-Canal" et redoutait celle "version Splendid" de Jugnot.
Avec les années, Uderzo tempérera en 2008 au micro de Biblio Obs : "Si j’ai quelques rancœurs, ce n’est pas par rapport au film, que j’ai trouvé très bon, mais par rapport au réalisateur Alain Chabat. Il n’a même pas eu un mot pour les créateurs lors de l’avant-première".
Il précisera en 2013 :
Je trouvais qu'Astérix et Obélix passaient un peu au second plan.
La saga ne reviendra finalement au cinéma qu'en 2008 avec Astérix aux Jeux Olympiques, validé par Uderzo, qui totalise 6,8 millions d'entrées en France et 9,4 millions d'entrées à l'étranger. En 2006, Jugnot joue avec ses camarades du Splendid dans Les Bronzés 3 qui, en dépit d'un accueil critique mitigé, attire 10,35 millions de fans de la troupe comique.
Et on ne réentendra plus parler d'un film Astérix en Hispanie.
Quant à Alain Chabat, il développe actuellement une série animée Astérix : Le Combat de chefs pour Netflix. Uderzo l'aurait-il aimée, cette fois ?
Alain Chabat commente les anecdotes méconnues de sa vie :