Quel rôle ont joué la ville d’Annecy et son festival dans la conception du film Même les souris vont au paradis ?
Vladimír Lhoták (producteur) : Au festival d’Annecy 2014, nous avons présenté le projet avec Denisa Grimmovà (la co-réalisatrice, ndlr) et Alexandre. Des discussions ont alors débuté sur place pour faire avancer le projet, et aujourd’hui nous sommes là pour présenter le film (l'entretien a été réalisé au lendemain de sa projection en avant-première au festival d'Annecy, ndlr). C’est vraiment un projet qui né à Annecy, et le festival nous a soutenus de bout en bout.
Alexandre Charlet (producteur) : Annecy a été le lieu de rencontre du projet, mais la gestation est internationale car nous sommes passés par des étapes de coproduction dans toute l’Europe. Vladimír a présenté le projets dans des villes comme Amsterdam, Malmö, Stuttgart, et au Canada même.
Il y a donc eu un parcours de développement assez important. Après, on peut en effet dire que le projet a été porté par la ville d’Annecy car la société de distribution Les films du cygne est basée là-bas, l’animation 3D et les effets spéciaux ont été confiés au studio annecéen INTHEBOX. Mais on peut surtout parler de belle coopération européenne, pour un film pas si évident que cela à monter.
Comment est né le projet ? Quelles ont été les éléments qui ont formé la base de cette histoire ?
Vladimír Lhoták : Le film est adapté d’un livre tchèque repéré par Denisa Grimmovà. Nous nous sommes rencontrés sur les bancs de l’école de cinéma à Prague. A l’époque, je n’avais pas encore ma société ni même vraiment les pieds dans l’industrie, donc mon rôle a tout d’abord consisté à l’aider pour obtenir les droits d’adaptation du roman.
Les échanges ont eu lieu avec une maison d’édition allemande, car l’autrice Iva Prochazkova a émigré là-bas au début des années 80. Les négociations ont été longues, et ce n’est qu’après plus d’un an d’échanges que nous avons pu commencer le développement du projet, avec l’aide du fond de soutien cinématographique tchèque.
Le livre est parfait pour un court métrage de 20 minutes car il est assez court, donc avec les scénaristes et notamment Alice Nellis (qui est également réalisatrice) il a fallu trouver des idées pour prolonger l’histoire. Le scénario a été écrit en tchèque, mais a été traduit en plusieurs langues pour faciliter les échanges. Cela nous a néanmoins obligé à travailler sur plusieurs versions différentes, ce qui n’a pas facilité les choses.
Outre la barrière de la langue, quel a été le défi principal en terme de production pour faire aboutir un tel projet ?
Alexandre Charlet : La coproduction s’est parfaitement déroulée à toutes les étapes du projet. Il y a toujours eu un respect mutuel, qu’il s’agisse de Vladimír envers la complexité du système de financement français, et de moi vis-à-vis des spécificités du système mis en place par la République Tchèque.
J’ai du m’adapter au timing de Vladimír, qui a décroché avant moi ses financements tchèques, et ensemble nous avons pu intégrer ensuite nos partenaires polonais et slovaques. Nous avons vraiment pris ensemble le film à bras le corps, nous avons partagé les risques, et décidé de choisir tous nos partenaires sur un pied d’équité. Donc le projet n’était pas évident à mettre en place pour toutes ces raisons, mais au final tout s’est vraiment très bien passé.
Quand a été prise la décision de faire le film en stop-motion ? L’idée s’est-elle imposée immédiatement, dès le lancement du projet ?
Alexandre Charlet : Le film donne réellement la sensation de vivre les aventures en compagnie des personnages, de pleurer en même temps qu’eux, de rire à leurs côtés, d'être en colère pour les mêmes raisons qu’eux… Il y a une véritable volonté d’obtenir un résultat réaliste, mais sans pour autant délaisser l’aspect stylisé. La question de la stop-motion s’est posée très tôt, Denisa a très vite exprimé le souhait de tourner le film ainsi.
Vladimír Lhoták : Cela n’a pas été un choix pourtant évident à imposer. Il faut resituer le contexte : vers 2010, le succès rencontré par Coraline et de Fantastic Mr. Fox a permis de faire naître un regain d’intérêt pour la stop-motion, mais il a pourtant été très difficile de convaincre nos partenaires, notamment les coproducteurs tchèques, qui estimaientqu’il s’agit d’une technique trop dépassée. Le teaser que nous avions présenté au festival d’Annecy il y a quelques années a permis de leur faire changer d’avis.
Quelle est la signification du titre, Même les souris vont au paradis ?
Alexandre Charlet : En français, il y a une conotation religieuse pour le mot "paradis" mais en réalité nous avons voulu aller au-delà de ça. Nous ne sommes pas du tout dans un univers religieux, mais plutôt dans une sorte de monde parallèle dans lequel les animaux se retrouvent après la vie, sans aucune hiérarchie quelle qu’elle soit.
Les instincts naturels s'effacent, les éléments comme les griffes et les croc disparaissent, les petits animaux grandissent, et à l’inverse les grands animaux deviennent plus petits pour que chacun puisse être au même niveau. C’est donc plus qu’un paradis, c’est un monde qui se met au service du message que les auteurs ont voulu faire passer, celui d'un monde basé sur l’égalité et sur la diversité.