Après le tremblement, le triomphe. Titane, second long métrage de Julia Ducournau, remporte la Palme d’or de cette 74e édition du Festival de Cannes. Un honneur, décerné par le président du jury Spike Lee et ses membres, qui renverse toutes les attentes et les pronostics possibles et imaginables. “Je n’avais jamais rien vu de tel”, lance le réalisateur américain lors de la conférence de presse, ce 17 juillet.
Œuvre radicale, hybride, hors des rails, parfois drôle, toujours turbulente, Titane, comme “titan”, s’impose comme l’une des plus grandes surprises de toute l’histoire du Festival. Une Palme d’or à part pour un film qui l’est tout autant. Mais surtout, un prix qui bouscule de nombreuses lignes.
Julia Ducournau, une Palme pour elle seule
En soixante-quatorze éditions, la Française est la première femme à recevoir seule le prix suprême et la deuxième après Jane Campion. En 1993, la Néo-Zélandaise était récompensée pour La Leçon de piano, ex æquo avec Adieu ma concubine de Chen Kaige. Autre exploit notable, Titane n’est que le second film de Julia Ducournau et son premier en compétition officielle.
Il y a dix ans, en 2011, elle présentait son court métrage Junior, avec Garance Marillier, projeté à l’occasion de la 60e édition de la Semaine de la critique. Cinq ans plus tard, en 2016, elle revient et crée un premier choc avec Grave, un long métrage cette fois, qui électrise, là aussi, la Semaine de la critique et le monde en général.
Avec ce premier film, elle décroche six nominations à la cérémonie des César en 2018. Alors que le cinéma de genre français passe souvent à la trappe lorsqu’il s’agit des honneurs, Julia Ducournau fait déjà exception. Titane s’inscrit donc comme une continuité dans le chamboulement provoqué par la réalisatrice.
La transgression l'emporte
Cannes est familier avec les films tumultueux. Il y a eu, en 1976, Taxi Driver de Martin Scorsese, Pulp Fiction de Quentin Tarantino en 1994 - tous les deux récompensés sous les huées du public - ou encore Elephant de Gus Van Sant en 2003. Titane se glisse, avec brio, dans cette liste. La cinéaste, qui souhaitait offrir "une expérience absolue" comme elle le soulignait lors d'une entrevue avec AlloCiné, marque les esprits pour sa folie transgressive, son jusqu'au-boutisme et son audace dans sa façon d'aborder l'identité et les stéréotypes de genre.
Bien sûr, cette victoire renvoie également à une autre, celle de Crash de David Cronenberg, lauréat du prix du jury en 1996. À l'annonce du palmarès, Francis Ford Coppola, alors président du jury de l'époque, justifiait ce choix pour "son originalité, son courage et son audace" et ce, malgré les désaccords virulents avec les autres membres du jury. Si les deux films sont différents à bien des égards, la comparaison entre Titane et Crash a souvent été évoquée, notamment pour leur manière de mêler la mécanique aux fantasmes et à la sexualité.
Les monstres aussi
“Les films de genre ont toujours été mésestimés”, rappelle Mylène Farmer, membre du jury, à la conférence de presse. Cette Palme d’or offre à Titane l’opportunité de briller d’une manière unique à travers le monde. L'œuvre s’impose dans un palmarès qui, depuis la création du Festival, n’a jamais offert de place significative à une telle vision au cinéma. Une révolution sur laquelle la cinéaste insiste lors de la réception de son prix, remis par Sharon Stone et Spike Lee : “Merci au jury de laisser entrer les monstres."
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