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    Cannes 2021 - La Colline où rugissent les lionnes par Luana Bajrami : "Ce n'est pas parce qu'on est acteur qu'on peut être réalisateur"
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Vue dans "L'Heure de la sortie", "Portrait de la jeune fille en feu" ou "Les 2 Alfred", Luana Bajrami passe à la réalisation avec "La Colline où rugissent les lionnes" et revient sur ce projet présenté à la Quinzaine des Réalisateurs.

    Le Pacte

    Actrice prometteuse (dans L'Heure de la sortie ou Portrait de la jeune fille en feu) et maintenant réalisatrice. Du haut de ses 20 ans, Luana Bajrami a du talent à revendre, et le Festival de Cannes en a eu la preuve grâce à La Colline où rugissent les lionnes, son premier long métrage présenté, avec succès, à la Quinzaine des Réalisateurs.

    Quelques heures après la projection officielle du long métrage, c'est avec une réalisatrice heureuse, soulagée et sûre de ce qu'elle veut que nous revenons sur un projet difficile à monter, qui n'a pas encore de de date de sortie en France.

    La Colline où rugissent les lionnes
    La Colline où rugissent les lionnes
    Sortie : 27 avril 2022 | 1h 23min
    De Luàna Bajrami
    Avec Flaka Latifi, Uratë Shabani, Era Balaj
    Presse
    3,3
    Spectateurs
    3,1
    Voir sur Universciné

    AlloCiné : En septembre dernier, à Deauville, vous nous parliez du film et de votre envie de le présenter dans des festivals. Aviez-vous pensé à Cannes, ou cela vous paraissait-il trop gros ?

    Luana Bajrami : J'avais dès le départ l'ambition des grands festivals. Parce que c'était l'ambition aussi de l'histoire : que ce récit et ces visages atteignent le monde entier. Et, finalement, le moyen le plus simple, au-delà d'une sortie mondiale, c'est les festivals. C'est là que tu acquiers une grande visibilité. Donc j'avais l'ambition.

    Après, est-ce que j'avais la confiance ? Ça c'est vraiment une autre chose (rires) En vrai, on avait la confiance. On ne s'est pas dit qu'on n'avait pas notre place ici. On a espéré. Et nos espoirs ont été récompensés.

    Faire ce film a été un combat

    Cette confiance on la retrouve dans le film, qui est un premier long métrage avec beaucoup d'assurance dans la mise en scène, les parti-pris. On a le sentiment que vous aviez déjà cette confiance au moment de le tourner.

    Oui, j'avoue. En fait je suis aussi une spectatrice, donc quand je vais au cinéma, j'aime bien voir du cinéma. Il y a plusieurs de genres de films, plusieurs niveaux de lecture, et un message qui est passé. Mais il y a aussi ce côté de divertissement, et peut-être de beauté ou de non beauté - ce qu'est la beauté, c'est un autre sujet.

    Mais c'est vrai que j'ai osé choisir. Et encore, je me suis un tout petit peu limitée parce que c'était un premier film et que je manquais peut-être un peu de confiance à ce moment-là. Mais je me suis fait plaisir, c'est-à-dire que j'ai filmé comme j'avais envie qu'on filme. On était assez en symbiose avec le chef opérateur [Hugo Paturel], ce qui était super. Car on a pu faire tout un découpage avant, et on est arrivés sur le tournage et ça a changé selon ce que les actrices proposaient. Et ça a donné cette fraîcheur, cette dynamique. Et même en termes de choix de plans. Si je ne voulais pas filmer la tête des adultes, on ne la filme pas. Et ça donne des trucs.

    Comment vous sentez-vous maintenant que la première projection publique est passée ?

    Là j'ai vraiment une forme d'apaisement. C'est la première fois que le public voyait ce film, alors que ça fait deux ans qu'il est dans les tiroirs. Et moi j'avais peur des réactions. J'avais peur qu'on se lève de la salle, ou qu'elle ne soit pas pleine. Mais j'ai l'impression que l'accueil était très bon. Je n'en suis même pas encore redescendue depuis, car j'enchaîne beaucoup, mais je suis hyper contente.

    Surtout que faire ce film a été un combat. Ça s'est fait vite. On n'y croyait pas forcément début, puis on a réussi à convaincre au fil du temps. Et puis quand tu ramène des images… La majorité de nos partenaires, on les a trouvés grâce à nos images. C'est-à-dire que nos images étaient là et ils sont entrés dans le jeu. Ce qui, dans le système français, ne se fait pas trop, de prendre un film quand il est déjà fait (rires) C'était assez étonnant et on a un peu cassé les règles sur plein d'aspects. On n'a pas suivi le chemin de fer habituel. On est partis à pied, ou en volant.

    Mais j'en suis contente car, finalement, ça a donné une forme de liberté. Je crois que je n'ai pas eu de barrière, pas plus que les autres membres de l'équipe. Il y avait juste cette peur liée au fait que ce soit un premier film et de se demander si on ne se voyait pas trop beaux, si on allait au bon endroit.

    Le Pacte

    En présentant le film sur scène, vous avez parlé de "convaincre que l'âge ne compte pas et que cette histoire mérite d'être racontée" ? Est-ce pour cette question d'âge que le projet a été difficile à monter ? Ou le fait que ce soit tourné au Kosovo, dans la langue locale avec des visages inconnus du grand public ?

    C'est vrai que le projet est un peu ambitieux sur le papier. Le scénario c'était vraiment une énergie posée sur le papier. Il a bien sûr été travaillé ensuite, mais c'était effectivement en albanais, avec aucun visage connu : ces actrices, c'est leur premier long métrage. Mais j'avais cette envie là. J'avais envie d'un vent frais. Et ça a été dur de convaincre parce que oui, j'avais 18 ans. J'étais déjà actrice, donc je connaissais le milieu. Mais ce n'est pas parce qu'on est acteur que l'on peut être réalisateur forcément. Je ne sais même pas si je peux me considérer comme une réalisatrice d'ailleurs.

    Mais c'était drôle car je suis arrivée avec mon scénario sous le bras, du haut de mes 1m58 (rires) "Bonjour, j'ai 18 ans, je vais faire un film !" En vrai il y avait tellement de conviction dans cette histoire. Il fallait la raconter pour moi. Il fallait peindre un peu cette jeunesse de cette manière, sans filtre. Je me sondais un peu moi-même en écrivant. Parce que ce sont des états d'âme que j'ai pu traverser et que je traverse certainement encore. La majorité d'entre nous les traverse même toute sa vie. Quelque part, le film parle aussi du passage de l'enfance à l'adolescence, et à l'âge adulte. Mais cette limite est très très très très floue.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Cannes le 8 juillet 2021

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