Même avant d’être présenté au grand public, Flag Day était déjà redouté, si ce n’est moqué. Le dernier faux pas de Sean Penn, The Last Face, projeté en compétition à Cannes en 2016, n’a pas été oublié. Pire encore, son réalisateur continue d’en payer le prix. Quelques minutes après sa grande première, le 10 juillet dans le Grand Théâtre Lumière, le nouveau film du cinéaste se fait déjà chahuter, notamment sur Twitter. Pourtant, les premières critiques officielles - américaines comme françaises - sont loin de dépeindre le fiasco lynché sur les réseaux sociaux.
Flag Day est un film touchant pour ce qu’il raconte de l’Amérique, d’une famille dysfonctionnelle et d’une jeune femme prête à tout pour échapper à une vie qui semble déjà tracée. C’est aussi un projet important pour Sean Penn. Il succède donc à The Last Face, son précédent long métrage laminé par les critiques. L’enjeu est de taille. Mais surtout, c’est la première fois qu’il dirige et joue aux côtés de sa fille, Dylan Penn.
Cette dernière, 30 ans, incarne Jennifer Vogel, une journaliste américaine et auteure de l’autobiographie Flim-Flam Man. Publié en 2004, l’ouvrage revient sur sa relation avec son père, John Vogel, un criminel et menteur compulsif qui multiplie les délits. Flag Day - dont le titre fait référence à la fête du drapeau américain - est l’adaptation de ce livre. En choisissant sa propre fille pour interpréter le rôle de cette héroïne, Sean Penn fait le meilleur choix possible et révèle, au monde entier, une actrice talentueuse.
Drame social qui s’étend sur trois époques, le film dresse le portrait d’une famille déchirée et aborde, à travers l’histoire de cette jeune femme qui se rêve journaliste, le transfuge de classe. Peut-on réellement s’affranchir de son milieu social et des siens ? Si oui, quels sont les sacrifices nécessaires ? Ce sont, entre autres, ces questions que pose l’œuvre touchante et inspirante de Sean Penn.
Dylan Penn, rencontrée quelques heures avant la montée des marches, admet ne pas avoir accepté tout de suite la proposition de son père : “Au début, j'appréhendais, peut-être parce que nous sommes trop proches. Certaines choses étaient trop similaires à ma vie donc c’est dur d’être vulnérable devant sa propre famille et une équipe. Sur le plateau, tout s’est évaporé. C’était cathartique, comme si je participais à une thérapie familiale tous les jours (rires).”
Dylan Penn partage ses scènes préférées dans le film de son père :
Au cours du film, père et fille forment une belle dynamique, forcément plus vraie que nature. Dans la peau de John Vogel, Sean Penn joue un homme qui tente, par tous les moyens, de se racheter une conduite, avant de retrouver sa vraie nature. Au détour d’une réplique, le personnage lance : “Les gens peuvent changer.”
Pour Dylan Penn, ce n’est pas aussi évident : “Je pense que notre âme reste toujours la même. Surtout le personnage de John, joué par mon père. Il a toujours l’impression de mériter une vie meilleure, mais quand vous avez cet état d’esprit, c’est difficile de s’en sortir. Il passe toujours par ses magouilles pour tenter d’accéder à son rêve américain au lieu de travailler pour, comme tout le monde. Pour lui, changer n’est pas une possibilité.”
Le rêve américain, c’est justement le thème principal de Flag Day. Après tout, c’est le pays des “self-made”, ceux qui partent de rien pour se construire une autre vie, une carrière. En se battant pour devenir journaliste, l’héroïne jouée par Dylan Penn fait le chemin inverse de son père : elle s’élève, lui chute.
“Jennifer Vogel s’est détachée de sa famille pour trouver sa propre identité, elle n’avait pas le choix, insiste l’actrice. Ne pas laisser notre passé nous définir, c’est ce que nous faisons tous. Il nous faut trouver notre propre identité, notre propre chemin.” Avec ce film, Sean Penn met en lumière le talent de sa fille. Automatiquement, Flag Day devient presque une preuve d’amour.
Flag Day de Sean Penn, au cinéma le 29 septembre.
Propos recueillis par Thomas Desroches, à Cannes, le 10 juillet 2021.