DE QUOI ÇA PARLE ?
En Iran, la sanction pour possession de drogue est la même que l’on ait 30 g ou 50 kg sur soi : la peine de mort. Dans ces conditions, les narcotrafiquants n’ont aucun scrupule à jouer gros et la vente de crack a explosé.
Bilan : 6,5 millions de personnes ont plongé. Au terme d'une traque de plusieurs années, Samad, flic obstiné aux méthodes expéditives, met enfin la main sur le parrain de la drogue Nasser K. Alors qu’il pensait l'affaire classée, la confrontation avec le cerveau du réseau va prendre une toute autre tournure...
La Loi de Téhéran, réalisé par Saeed Roustayi. Avec Payman Maadi, Navid Mohammadzadeh, Houman Kiai.
UN POLAR PERCUTANT
Et si on tenait le thriller policier de l'année ? La Loi de Téhéran nous entraîne dans une spirale vertigineuse, un face à face électrique entre un flic implacable et un trafiquant de drogue rusé.
Il s'agit du second long-métrage de Saeed Roustayi, 31 ans. Le réalisateur fait déjà preuve d'une maîtrise absolument hallucinante. Il parvient à mettre en scène un polar hyper réaliste, sans aucun temps morts, porté par des comédiens habités, notamment Payman Maadi, interprète de Samad, le flic obsessionnel.
DES DÉCORS ANXIOGÈNES
Ce portrait de deux figures antagonistes est sublimé par l'utilisation inventive des décors, notamment celui du commissariat. Plusieurs séquences se déroulent dans une immense cellule poisseuse où s'entassent des dizaines d'hommes interpellés. On ressent la promiscuité de l'endroit et la chaleur étouffante qui s'en dégage, augmentant l'impression de suffocation et de stress.
Cet hyper réalisme, le metteur en scène est allé le chercher dans les failles d'un système iranien verrouillé, qui peine à lutter efficacement contre le trafic de drogue. Le phénomène de l'addiction au crack en Iran, au centre du film, est très peu connu du public occidental.
LE CRACK, UN FLÉAU
"Ces dernières années, la toxicomanie a changé de visage en Iran. Elle est sortie de la clandestinité pour se révéler au grand jour. De plus en plus de toxicomanes sont visibles dans la rue. Leur dépendance à une nouvelle substance, le crack, les a mis à la rue de façon beaucoup plus massive et plus rapide que ne le faisaient les autres drogues", explique le réalisateur Saeed Roustayi.
À force de voir ces personnes, ce dernier a eu l'idée de tourner un documentaire sur elles et a entrepris des recherches. Finalement, ce documentaire-là ne s'est jamais tourné, "mais cela a influencé mes films de fiction", ajoute le cinéaste.
TRAVAIL DE RECHERCHE
Saeed Roustayi a passé plusieurs jours à la brigade des stupéfiants, puis en prison et au tribunal, afin de permettre à son film de coller au près de la réalité. Une immersion qui a permis au metteur en scène de mieux comprendre la situation des toxicomanes inculpés, mais aussi de rencontrer des policiers et un juge dont les conseils ont été précieux. "Cette recherche a duré presque un an, car je voulais être au plus près de la réalité des faits que je décrivais dans mon film", se rappelle-t-il.
Ce minutieux travail de recherche se ressent au visionnage du film, qui ne nous laisse pas une seconde de répit, entre interrogatoires musclés et passages chez le juge. Il faut suivre le mouvement car le script est très bavard et ça parle très vite. On est comme emportés par un véritable tourbillon jubilatoire, jusqu'à un dénouement extrêmement puissant émotionnellement.
DES ACTEURS IMPRESSIONNANTS
Après Life and a day, son premier long métrage, Saeed Roustayi a retrouvé les comédiens Payman Maadi (le flic Samad) et Navid Mohammadzadeh (le parrain de la pègre Nasser).
"Payman Maadi et Navid Mohammadzadeh sont des acteurs particulièrement intelligents et puissants. En termes de mise en scène et de jeux d'acteurs, j'ai déjà une idée en tête lorsque j'écris le scénario. Une fois que les décors sont choisis ou construits, que mon découpage se précise, ces idées mûrissent et au tournage, je tiens absolument à les mettre en application telles quelles. Pour moi, tous les moyens sont bons pour y parvenir Payman et Navid sont des alliés très efficaces dans cette démarche", confie le réalisateur.
LE SUCCÈS MALGRÉ LA CENSURE
Bien évidemment, Saeed Roustayi a dû faire face à la censure iranienne, tant son film critique ouvertement le système carcéral de son pays et son administration kafkaienne. Le réalisateur a ainsi été contraint d'apporter des modifications au scénario, ce qu'il a refusé. Il a alors entamé une longue négociation de sept mois, pour ne concéder finalement que de petits changements ne nuisant pas à la véracité du récit.
"Ce film était considéré comme indésirable, nous avons subi des pressions. Une fois qu'il a été tourné, c'est la brigade des stupéfiants qui a cherché à empêcher sa sortie. Ses représentants estimaient en effet que leurs efforts n'étaient pas assez représentés dans le film. Notre position a été de dire que nous ne réalisions pas un film de commande à la gloire de la police, mais que nous nous intéressions à des êtres humains, toxicomanes, trafiquants ou policiers", a-t-il argumenté.
Le cinéaste a bien fait de se battre, son film ayant connu un grand succès dans son pays. Il a ensuite remporté le Grand Prix et le Prix de la critique au Festival du film policier de Reims en 2021.