C'était l'une des très belles surprises de 2013 : Les Croods confirmait la bonne santé de Dreamworks. Un long métrage qui, par moments, rappelait le dosage de Dragons, avec davantage de burlesque et un récit situé à la Préhistoire.
Face au succès (587 millions de dollars de recettes dans le monde), une suite a très vite été annoncée. Mais il a fallu attendre sept ans pour qu'elle se concrétise enfin. Et une année de report supplémentaire, dûe à la crise du Covid-19 qui a bouleversé les calendriers. Mais cette fois-ci, ça y est : la famille préhistorique est de retour pour une nouvelle aventure, qui la confronte à des homologues plus évolués, les Betterman.
Le réalisateur Joel Crawford et le producteur Mark Swift, qui n'étaient pas impliqués sur le premier opus, reviennent à notre micro sur Les Croods 2, qui s'est fait attendre.
AlloCiné : Cette suite est annoncée depuis la sortie du premier épisode, mais il a fallu sept ans pour qu'elle voit le jour [NB : l'entretien a été réalisé alors que le film devait encore sortir en 2020, ndlr]. Qu'est-ce qui a pris autant de temps et quand le projet a-t-il réellement été lancé ?
Mark Swift : Les suites sont vraiment difficiles à faire et, parfois, les gens suivent un chemin et se retrouvent dans une impasse. Une équipe travaillait sur le film et son histoire, et lorsque'Universal a racheté DreamWorks, ils ont fait le point sur plusieurs films, et Les Croods en faisait partie. Et quand ils ont décidé qu'ils voulaient vraiment faire ce film, ses réalisateurs originaux étaient passés à d'autres projets.
Joel a rejoint le film il y a environ trois ans, et nous avons apposé notre empreinte et déterminé où nous voulions aller. Donc c'est vraiment au cours de ces trois dernières années que le projet s'est vraiment concrétisé.
Joel Crawford : Comme Mark l'a dit, les suites sont difficiles à faire. Surtout quand vous avez un premier film qui est très aimé et très spécial pour beaucoup de gens. Vous ne voulez pas gâcher ça, ni faire quelque chose qui ne ressemble pas au premier. Il était vraiment important pour nous de trouver la bonne histoire et la bonne évolution pour ces personnages que nous aimons.
Et il était amusant de l'approcher en tant que fans, car Mark et moi n'avons pas travaillé sur le premier film, mais nous avons eu l'opportunité, dès le début du scénario, de collaborer avec Chris Sanders qui est venu nous donner ses notes, nous faire part de ses réflexions. Ils ont été super dans cette idée de transmission, et nous avons eu l'impression que nous pouvions maintenant nous lancer. Essayer d'honorer les personnages que nous aimons du premier film, tout en élargissant l'univers.
Il ne fallait pas trop s'emballer, pour être certains de ne pas perdre la sincérité des personnages
Y a-t-il eu beaucoup de changements par rapport à ce que cette suite voulait être au départ ?
Joel Crawford : Je pense que oui, mais j'appellerais ça une évolution. Nous nous sommes approprié les personnages et les choses qui fonctionnaient dans les versions précédentes. Mais on ne peut s'empêcher de développer et de chercher à faire des améliorations, à force de travailler dessus.
Mark Swift : Dans toutes les versions, il y avait cette idée amusante d'une nouvelle famille qui est plus avancée [que les héros]. Ça a toujours été là, et notre travail a notamment consisté à développer ces personnages.
Joel Crawford : Pour vous donner un exemple des changements qui ont été faits : dans le scénario que nous avons lu, lorsque nous avons débuté notre travail sur le film, quand Eep rencontrait la fille des Betterman, elle était immédiatement jalouse d'elle. On peut imaginer ce qui serait développé ensuite, mais cela ne collait pas avec l'essence des personnages.
Eep est une fille qui voyage à travers le monde et ne croise aucun autre adolescent, aucune autre fille. Pourquoi serait-elle jalouse ? Elle devait plutôt être excitée de voir une autre amie. Une fois que nous avons débloqué cela, c'était amusant de voir ces deux filles s'embrasser et ne pas être jalouses du tout. Il y avait beaucoup de choses que nous avons juste modifiées en restant sur le point de départ du scénario.
Mark Swift : Je pense que ces changements aboutissent à un film plus positif. Et dès que nous avons franchi ces obstacles, nous nous sommes davantage amusés.
Votre volonté de ne pas gâcher le premier opus va avec le message de celui-ci, qui dit que nous devons rester fidèles à nous-mêmes. A quel point l'équilibre entre l'esprit à respecter et les nouvelles choses que vous vouliez apporter a été difficile à trouver ?
Joel Crawford : Tant que les Croods restaient ancrés dans ce qui avait été établi par le premier film, en termes d'évolution de l'histoire... Il ne fallait pas trop s'emballer, pour être certains de ne pas perdre la sincérité des personnages. Notre devise était la suivante : si ça nous fait rire et sert l'histoire, alors essayons. Nous pouvions toujours reculer.
Mais nous étions conscients qu'il fallait aller un peu plus loin, et que je trouve mon propre ton en tant que réalisateur. Sans essayer de copier ce qui avait été fait, mais en poussant l'histoire là où je pensais qu'elle pouvait aller. Sans risquer de briser l'honnêteté des personnages.
Mark Swift : Le plus grand cadeau que nous avons reçu, ce sont ces personnages. Les Croods sont des personnages amusants et attachants, même s'ils sont plus grands que nature. Le défi était donc de trouver leurs homologues, les Betterman, et de voir comment nous pouvions nous amuser avec eux pour avoir une bonne histoire sur la rencontre entre les hommes des cavernes et une famille moderne, sur ce choc des cultures.
Parmi ces personnages, lequel est votre préféré, celui dont vous vous sentez le plus proche ?
Mark Swift : En tant que père, je peux m'identifier à Grug et à son côté surprotecteur par moments. Et ma femme dirait probablement que je ne réfléchis pas toujours. Donc peut-être Grug pour moi.
Joel Crawford : J'aime tous les personnages. J'étais sauvage étant petit. Hyperactif et très curieux également. Je me suis donc senti proche de la curiosité et l'excitation d'Eep. Et il y a quelque chose qui nous est très spécifique : l'orteil en cacahuète. Lorsque je discutais, avec les scénaristes, de la manière dont nous pouvions montrer à quel point Eep est extrême et curieuse à travers ses cicatrices, ils ont évoqué cette cacahuète qui remplace son orteil manquant.
Et je me suis immédiatement senti concerné parce que, étant enfant, j'ai eu un accident au cours duquel j'ai perdu l'extrémité de deux de mes orteils. Et au lycée, pour pouvoir courir sur la piste, un médecin spécialiste du pied a dû créer une petite protection pour mon orteil (rires) Donc ça a fait tilt chez moi : "Mais oui, l'orteil en cacahuète !" (rires)
J'espère que le public va vraiment apprécier ce film, et que nous sentirons qu'il y a une autre aventure pour ces personnages
La saga "Croods" rappelle les "Dragons", dans le ton, l'envie de développer de nouveaux mondes et même les personnages qui grandissent. Est-ce votre modèle quand vous faites une suite comme celle-ci ?
Mark Swift : Pas vraiment. Lorsque nous travaillons sur un projet, nous ne cherchons pas à refaire tel ou tel film. Nous avons ces personnages et ils nous mènent, d'une certaine manière, à ces histoires. Je suis évidemment flatté par la comparaison avec Dragons, mais ce n'était pas notre intention que d'essayer de reproduire ce type d'histoire.
Peut-on espérer voir un "Croods 3" dans moins de sept ans ?
Mark Swift : (rires) Cela va dépendre un peu du public. Comme pour toutes les suites, deux éléments doivent être réunis. Le premier est que les gens le veuillent. Qu'ils soient excités à l'idée de passer plus de temps avec ces personnages. Et puis il faut une histoire à raconter. Les sagas continuent parfois même si elles sont à court d'histoires, et nous l'avons vu par le passé. J'espère que le public va vraiment apprécier ce film, et que nous sentirons qu'il y a une autre aventure pour ces personnages. J'espère vraiment que ce sera le cas, mais il nous faut ces deux choses.
Joel Crawford : Comme Mark, j'aime ces personnages et nous aimons ce monde. Donc j'espère aussi que nous pourrons continuer.
Peut-on espérer un spin-off sur les "Thunder Sisters" que l'on découvre ici ?
Joel Crawford : (rires) Oui ! Ou peut-être un prequel sur la jeunesse de Gran.
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 2 novembre 2021