De quoi ça parle ?
Ils ont été appelés en Algérie au moment des "événements" en 1960. Deux ans plus tard, Bernard, Rabut, Février et d'autres sont rentrés en France. Ils se sont tus, ils ont vécu leurs vies. Mais parfois il suffit de presque rien, d'une journée d'anniversaire, d'un cadeau qui tient dans la poche, pour que quarante ans après, le passé fasse irruption dans la vie de ceux qui ont cru pouvoir le nier.
Des hommes, écrit et réalisé par Lucas Belvaux.
Quatre ans après son politique Chez nous, Lucas Belvaux revient avec un sujet tout aussi fort et engagé grâce à Des hommes, adaptation du roman éponyme de Laurent Mauvignier, publié en 2009. Le réalisateur belge convoque un beau casting, de Gérard Depardieu à Jean-Pierre Darroussin et Catherine Frot, au service d'une intrigue sur la mémoire et les cicatrices invisibles des anciens soldats.
"On dit souvent que les anciens d'Algérie n'ont pas raconté, je crois surtout que personne ne voulait les entendre, affirme le cinéaste dans le dossier de presse. On les a condamnés à ce non-dit, ce silence, qui est la marque de la guerre d'Algérie. C'est ce que j'avais envie de porter à l'écran depuis que j'avais lu le livre."
D'abord présenté en avant-première au Festival du film francophone d'Angoulême en août 2020, Des hommes arrive dans les salles à point nommé, un an avant les 60 ans de la fin de la guerre d'Algérie. Pour Lucas Belvaux, c'est aussi l'occasion d'aborder, comme dans son long métrage précédent, la question du racisme dans une société marquée par la montée de l'extrême-droite. "Le FN s'est, en grande partie, construit sur les cendres de cette guerre-là", rappelle-t-il.
Des hommes n'est, pourtant, pas une œuvre militante, comme le souligne son metteur en scène. "Le film interroge sur la façon de raconter cette histoire, comment on l'assume, comment on la transmet, comment on réconcilie les différents récits parce que, évidemment, il y a plusieurs façons de raconter, précise-t-il. Les pieds-noirs ont été incompris, mal traités, pendant et après. Encore aujourd'hui, il y a un racisme anti pieds-noirs qui est insupportable. Il n'y a d'ailleurs pas un seul "point de vue pieds-noirs" parce que comme toute société humaine, c'est une communauté traversée par la politique, les questions sociales".
Pour mener à bien ce sujet, le réalisateur construit son film entre le présent et le passé avec de nombreux flash-backs. Le personnage de Gérard Depardieu, renversant dans son rôle d'ancien combattant, apparaît également jeune, sous les traits de la révélation Yoann Zimmer, que beaucoup ont pu apercevoir dans Été 85 de François Ozon.
Retrouver la parole
"J'ai pensé à [Gérard Depardieu] pendant toute l'écriture de l'adaptation", fait savoir Lucas Belvaux pour qui ce choix s'est imposé comme une évidence, au même titre que Catherine Frot. Pour le rôle de Rabut, la tâche était plus compliquée. Selon le cinéaste, le personnage demande "une rigueur absolue et une confiance totale dans le travail". "Jean-Pierre [Darroussin] est un champion dans le genre", poursuit-il.
Narré par une voix-off quasi omniprésente, Des hommes brise le silence autour des expériences vécues sur le champ de bataille par les anciens soldats. Piégés dans leur mutisme depuis des décennies, ils sont mis à l'honneur par le réalisateur qui signe un film important et nécessaire pour le devoir de mémoire.