De quoi ça parle ?
Théo Luther est le plus redoutable chef de groupe de la Brigade Criminelle de Paris. Après avoir traqué un tueur d’enfants pendant de longs mois, il fait une dépression et met son mariage en péril. Aujourd’hui, réintégré dans son unité, Théo est sous surveillance. Pour être pleinement réhabilité, il va devoir vaincre tant ses démons intimes que les criminels.
Luther, créée par Christian Roux et Laurent Herbiet
Chaque jeudi à partir du 27 mai à 21h05 sur TF1 et en avant-première sur SALTO
C'est avec qui ?
Christopher Bayemi se glisse dans le manteau de John Luther (rebaptisé Théo pour l'occasion), reprenant ainsi le rôle tenu par Idris Elba dans la série originale. Aperçu dans HPI, qui vient de s'achever sur TF1, et dans Cassandre sur France 3, le comédien tient ici son premier rôle principal.
Face à lui, Chloé Jouannet, révélée dans Jamais sans toi Louna et Infidèle, interprète Alice Morgan, une jeune femme qui va lui donner du fil à retordre dans ses enquêtes autant que dans sa vie privée. Elle reprend ainsi le rôle tenu par Ruth Wilson dans la version anglaise.
Enfin, Nadia Farès (Marseille), Sagamore Stévenin (Falco), Barbara Cabrita (Les Innocents), Léo Dussollier (Double Je), Adèle Choubard (Meurtres à Lille) et Thierry Frémont (La Vengeance aux yeux clairs) complètent le casting de cette première saison en six épisodes.
Ça vaut le coup d’œil ?
Adaptation de la série britannique créée par Neil Cross pour la chaîne BBC One de 2010 à 2019, Luther nous plonge dans les enquêtes d'un flic au sortir d'une dépression, après une enquête de longue haleine qui l'a poussé dans ses derniers retranchements et a laissé son mariage en miettes.
Sa première enquête va le conduire face à Alice Morgan, une jeune femme brillante qu’il soupçonne du meurtre de ses parents. Incapable de prouver sa culpabilité, Luther va se retrouver ouvertement nargué par Alice, qui va prendre un malin plaisir à lui mettre des bâtons dans les roues et à se mêler de sa vie privée. Mais alors que Luther pourchasse les pires criminels de la capitale, l'une d'entre eux pourrait bien être la seule capable de comprendre sa psychologie et ses méthodes...
C'était un défi de taille pour TF1 d'adapter une série BBC d'une telle facture. Sombre, parfois proche du sordide et loin d'être une série tous publics, Luther a été saluée par la critique et son interprète principal récompensé aux Golden Globes pour son rôle de flic au tempérament explosif, aussi brillant que torturé.
Qu'à cela ne tienne, TF1 remet le couvert avec ce nouveau drama adapté d'un format étranger, après Un Homme d'honneur (Your Honor) et Je te Promets (This Is Us). Réalisée par David Morlet (Les Rivières Pourpres), cette version locale possède un cachet visuel indéniable : le Grand Paris est filmé comme une métropole froide et menaçante, où le mal peut surgir à tout instant, au détour d'une rue lors d'une patrouille de police, d'une station-service ou d'une tour de bureau remplie de cols blancs.
Etalées sur deux épisodes, les enquêtes, denses et rythmées, sont la grande réussite de la série. Les tueurs traqués par Luther sont aussi redoutables qu'imprévisibles, et la série ne lésine pas sur la violence et le sacrifice de vies innocentes pour saisir le téléspectateur.
On est captivé par l'intrigue sous forme de jeu de rôles du mystérieux tueur des épisodes 3 et 4, intitulés Pile et Face ; quant aux deux premiers épisodes, qui à la fois introduisent l'enquête sur Alice Morgan et suivent les pas d'un homme assassinant froidement des officiers de police, ils ont le mérite de prendre un risque face à un sujet touchant à l'actualité. Un rafraîchissement bienvenu dans le paysage des séries procédurales, aux enquêtes ronronnantes et aux retournements parfois trop prévisibles.
Mais d'ordinaire, ce sont l'alchimie et la complémentarité entre les personnages principaux qui font le sel des séries policières des grandes chaînes, à l'instar de HPI et de son impayable duo formé par Audrey Fleurot et Mehdi Nebbou, ou des liens d'amitié touchants entre les héroïnes d'Astrid et Raphaëlle sur France 2. Ici, en revanche, ce sont les enquêtes qui fonctionnent le mieux, tandis que l'on peine à adhérer aux protagonistes, et en particulier au héros joué par Christopher Bayemi.
Pour l'acteur de 34 ans, tenir le rôle de ce flic tourmenté toujours sur la brèche était un pari ambitieux. Trop peut être ? L'ombre de l'interprète original plane sans cesse sur son alter-ego français, à tel point qu'il lui semble difficile de s'en défaire, à l'image de sa diction grave et sérieuse qui semble volontairement accentuée pour coller à l'image du flic ténébreux anglais.
Quant à Chloé Jouannet, qui détonnait dans un rôle de peste revancharde à la Lolita Malgré moi dans la série Derby Girl, celle-ci se risque à une partition de tueuse froide et calculatrice avec une petite note décalée, qui n'est pas sans rappeller le personnage incarné par Jodie Comer dans la série Killing Eve. L'intention est louable, mais n'est pas Villanelle qui veut, et on peine à cerner les véritables intentions de son personnage.
La faute, peut-être, à des dialogues parfois trop écrits et premier degré, qui ne laissent pas la possibilité aux interprètes de gagner en spontanéité. A titre d'exemple, des tirades grandiloquentes comme "le mal tourne à plein régime en ce moment" ou "l'absence de preuves ne signifie pas la preuve de l'absence" empiètent sur le naturel et la crédibilité des échanges sous haute tension entre Luther et Morgan.
Parmi les seconds couteaux, certains tirent leur épingle du jeu, comme la trop rare Nadia Farès, impeccable en brigadière en chef excédée par son subalterne, ou Barbara Cabrita, touchante en épouse déchirée par ses sentiments contradictoires.
Solide et efficace dans sa construction, ce Luther français manque en revanche d'une identité à soi, et de ce petit truc en plus qui pourrait nous rendre accros. Et risque bien de fâcher les fans de la série originale, tant celle-ci est inégalable dans le genre du polar.
Pour ceux qui arriveront avec un oeil neuf sur cette adaptation, la série vaudra tout de même le détour, et mérite qu'on laisse une chance sur la durée pour ses interprètes, afin qu'ils se réapproprient un costume parfois trop grand pour eux.