Dans les années 80-90, Alain Chabat cartonne avec Les Nuls. Avec Les Inconnus, Les Nuls sont les humoristes incontournables du moment, capable de fédérer un large public, de 7 à 77 ans !
Forts de cette popularité, les membres de ces deux troupes se font de plus en plus présents au cinéma, d'abord dans des comédies de groupe, puis petit à petit en solo.
C'est le cas pour Alain Chabat et Gazon Maudit justement. Un an après le grand succès de La Cité de la peur, Gazon maudit est la première véritable échappée solo de Chabat au cinéma. Plus précisément, il s'agit de son premier premier rôle, hors aventures avec Les Nuls.
Si la force comique du trio composé par Josiane Balasko, Victoria Abril et Alain Chabat ne fait aucun doute aujourd'hui, il est intéressant de se souvenir que ce choix n'a pas été immédiat, et se rappeler que ce rôle avait d'abord été écarté par d'autres comédiens plus habitués aux têtes d'affiches.
Dans les colonnes de Libération, en 1995, Alain Chabat disait sans détour que Josiane Balasko avait écrit Gazon maudit pour Thierry Lhermitte, camarade de la troupe du Splendid. Puis, Chabat rappelle que Christophe Lambert était envisagé mais "n’a pas bien senti le coup". La raison de ce refus serait liée à un autre engagement aux Etats-Unis où Christophe Lambert a beaucoup tourné. Chabat ajoute : "et ça m’est tombé dessus, à ma grande joie".
L'idée de proposer le rôle à Chabat provient du producteur Claude Berri comme BFMTV le rappelle dans un article sorti pour les 25 ans du film : "Un jour, [Josiane Balasko] croise Claude Berri et tente un coup de bluff : 'Quand est-ce que tu me produis?' 'Quand tu veux', lui répond le producteur. (...) C'est Claude Berri qui a l'idée d'Alain Chabat, écrit-il dans son autobiographie : 'J'avais fait le Schtroumpf dans une émission des Nuls, mais je le connaissais à peine.'"
A propos du rôle, Chabat explique, toujours dans les colonnes de Libé : "Je connaissais le principe : je savais que c’était un mec qui se faisait piquer sa femme par une femme, mais je croyais que l’histoire du trio allait arriver au bout de trois quart d’heure de film. Sauf qu’à la neuvième page du scénario, c’était réglé. Donc, le spectateur accepte la situation dès le début ou bien il se casse."
Et d'ajouter : "Josiane m’a dit après coup qu’elle ne savait pas exactement quel film elle allait faire. Maintenant que c’est en boîte, je comprends que ça raconte quelque chose de spécial. Au cinéma, on est habitué aux codes pédés et folles, que ce soit rigolo ou tragique, beaucoup moins à l’homosexualité féminine, avec le mec dans le rôle du méchant, du gland."
Quand le film sort en 1995, rares sont les longs métrages à avoir abordé l'homosexualité féminine sur le ton de la comédie. Josiane Balasko parle même d'un "pari difficile, puisque je n'avais pour références en la matière que des films pour la plupart faits par des hommes concernant les hommes, l'homosexualité masculine ayant été déclinée à l'écran sous toutes les coutures, à la différence du lesbianisme, plongé dans le silence du non-dit."
Pour mémoire, Gazon maudit suit Laurent et Loli : tous deux forment un couple heureux qui vit bourgeoisement dans une petite ville du Sud. Mais un jour Marijo tombe en panne avec son camping-car, juste devant leur maison. Laurent et Marijo n'ont qu'un point en commun : ils aiment tous les deux les femmes...
Gazon maudit a reçu le César du Meilleur scénario en 1996. Il permet à Alain Chabat de décrocher une nomination pour le César du Meilleur acteur, et à Ticky Holgado, celle de Meilleur second rôle masculin. Gazon maudit est également présent dans les catégories Meilleur réalisation et Meilleur film.