Sky Rojo, disponible depuis une petite semaine sur Netflix, marque la troisième collaboration entre Álex Pina et la plateforme de streaming. Le showrunner espagnol a en effet signé il y a quelques années un deal d’exclusivité sur ses prochaines productions.
Après le succès mondial de La Casa de Papel, Netflix semble miser sur lui pour réussir le même coup d’éclat (sans vraiment y parvenir). Avec Sky Rojo, Pina et son acolyte Esther Martínez Lobato reprennent les mêmes ingrédients que dans leurs précédentes séries.
Le point de vue féminin
En 2015, Antenna 3 diffuse la série carcérale Vis à vis / derrière les barreaux, pâle copie de la géniale Orange Is the New Black, centrée sur des détenues. Elle marquera une étape dans la filmographie d’Álex Pina car pour la première fois, il adopte un point de vue féminin. Et ce sera toujours le cas ensuite : Tokyo dans La Casa de Papel, Alex dans The Pier, Zoe dans White Lines et maintenant trois prostituées dans Sky Rojo.
Il fait de ces héroïnes des figures féministes, avec plus ou moins de finesse. La féroce Nairobi (Alba Flores) en est devenue une après le succès international de La Casa de Papel, notamment grâce sa réplique culte "Empieza el matriarcado" (le matriarcat commence). Stockholm la rejoindra dans la saison 3 lorsqu’elle rétorque à Denver qu’il est un "putain de sexiste" lorsqu’il lui demande de ne pas participer au casse pour s’occuper de leur enfant.
Pina et Martínez Lobato adoptent aussi un procédé récurrent dans leurs productions : la voix-off. Que ce soit dans The Pier, Sky Rojo, La Casa de Papel ou encore White Lines, l’héroïne de la série prend le temps d’installer l’intrigue, informer le spectateur sur son état d’esprit et anticiper sur ce qui va arriver pour le tenir en haleine.
Des personnages masculins toxiques
Toutes ces héroïnes vivent dans un monde masculin où elles sont jugées en premier lieu sur leur physique. Sky Rojo en est l’exemple le plus probant puisque Coral, Wendy et Gina sont réduites à des objets sexuels : on leur ment pour leur faire quitter le pays, on leur retire leur passeport, on les prive de leur liberté.
Les répliques de Roméo ne manquent à ce titre pas de poésie : "Dieu a donné à l’homme l’instinct de monter le plus de femelles possible… c’est sa mission dans la vie" ou encore "Toutes mes plus grandes réussites, je les dois à ma queue…".
Et on n'hésite pas à les torturer - notamment dans cette scène hallucinante où Moises (Miguel Angel Silvestre) menace de couper le téton des escorts girls à l’aide d’une pince. Plus largement, la vulgarité fait partie des ingrédients phares de ces séries.
Des personnages masculins toxiques et sexistes, on en retrouve beaucoup dans les séries d’Álex Pina et d’Esther Martínez Lobato. Dans La Casa de Papel déjà, celui de Berlin (Pedro Alonso) créait la polémique. Avant de devenir le chouchou des spectateurs, le braqueur brillait par ses interventions misogynes.
Dans le documentaire La Casa de Papel : le phénomène, Pina explique même avoir fait mourir le personnage car certains trouvaient que sa vision de la femme était bien trop archaïque et qu’il était de mauvaise presse pour la série.
Malheureusement, le showrunner fera apparaître un personnage tout aussi misogyne que lui dans la saison 4, en la personne de Palermo. Et ce dernier semble obsédé par un seul sujet ("Va compter tes poils pubiens" lancera-t-il notamment à Tokyo).
Si ces séries forcent (très) grossièrement le trait, c’est aussi pour montrer aux spectateurs que ces attitudes sont de facto inexcusables.
Des personnages féminins sexualisés
Dans Sky Rojo, la caméra n’hésite pas à filmer au plus près le corps des femmes. On les voit se faire fouetter, attacher et pratiquer le bondage. Le male gaze est plus que jamais présent dans les séries d’Álex Pina.
Quand dans La Casa de Papel les femmes sont souvent montrées en petite tenue (la plupart du temps pour aucune raison), The Pier enchaîne quand à elle les full frontals et autres scènes de sexe : on y parle de plan à 3, d’adultère, de viol...
Le sens du spectacle
Du road trip des héroïnes de Sky Rojo au braquage de La Casa de Papel en passant par l’enquête et le mystère de White Lines, on peut dire qu’Álex Pina a le sens du spectacle. Celui qui tient en haleine et qui donne envie de binge-watcher la série.
Avec Sky Rojo, les deux showrunners ont opté pour un format efficace de 8x25 minutes, qui change des 70 minutes de La Casa de Papel quand elle était diffusée en Espagne.
Pina et ses scénaristes sont indéniablement les rois du thriller et des rebondissements parfois tirés par les cheveux. Le passé vient souvent éclairer le présent à l’aide de flashbacks : ils jouent habilement sur les relations amoureuses entre les personnages pour expliquer des retournements de situation. De quoi rendre addict...