1992 fut une belle année pour les fans de super-héros et d'animation. Quelques semaines seulement après Batman (lancée en septembre, plusieurs mois après la sortie du second film signé Tim Burton), les X-Men font leurs débuts sur petit écran, le 31 octobre sur Fox Kids.
En France, la série est diffusée sur Canal+, et les jeunes téléspectateurs de l'époque en gardent un souvenir ému, évidemment agrémenté d'un brin de nostalgie liée à l'enfance. Mais ses qualités, esthétiques et narratives, étaient bien réelles.
La présence de ses cinq saisons sur Disney+ permet de s'en rappeler. Et de se préparer pour la suite, attendue à partir du 20 mars.
Si le culte qui l'entoure n'est pas aussi élevé que pour Batman, X-Men est très loin de démériter et se présente même comme incontournable. L'animation est certes un peu raide par moments, et le doublage français pas toujours très heureux.
Mais l'ensemble est solide, et ce dès le pilote en deux parties, intitulé "La Nuit des Sentinelles", en référence à ces machines utilisées par le gouvernement américain pour traquer les mutants qu'ils tiennent à ficher et mettre à l'écart de la société.
D'entrée de jeu, le show donne le ton et montre que, malgré sa nature animée, il ne compte pas se transformer en quelque chose d'enfantin et simpliste, mais bien rester fidèle aux comic books de Stan Lee et Jack Kirby, en faisant de ses personnages des anti-héros, des opprimés.
Animation engagée
A l'époque de leur naissance, en 1963, les X-Men servaient de métaphore au Mouvement des Droits Civiques, qui luttait pour que les Afro-Américains aient les mêmes droits que le reste de la population, avec pour leaders Martin Luther King ou Malcolm X, dont le Professeur Xavier et Magneto sont devenus les pendants sur papier.
Lorsque la série débute, en 1992, le propos est toujours d'actualité et il a notamment été symbolisé par les émeutes qui ont secoué Los Angeles entre le 29 avril et le 4 mai, suite à l'acquittement des quatre policiers blancs qui avaient passé à tabac Rodney King, automobiliste noir qu'ils avaient interpellé.
Et cela ne change pas aujourd'hui, avec les récentes manifestations qui ont eu lieu dans le monde autour du mouvement Black Lives Matter.
Cet aspect politique et social pourra échapper aux plus jeunes (qui pourront également être impressionnés par quelques passages violents où la mort, même hors-champ, est présente). Mais ils se raccrocheront à d'autres qualités.
Et notamment ce générique de début, qui reste en tête :
Parmi les principales qualités de la série, il y a sa narration. Feuilletonnante. Chaque épisode possède bien sûr ses propres enjeux, mais ceux-ci s'inscrivent dans une trame plus globale et suivie, encore en phase avec la façon dont l'écriture sérielle a évolué ces dernières années.
Les plus grandes histoires des X-Men
Cela permet aux scénaristes de développer de vrais arcs, et ils ne se privent pas pour piocher dans les comic books et adapter certaines de ses plus célèbres histoires : "Days of Future Past" (saison 1), où il est question de retourner dans le passé pour sauver l'avenir, ou encore la saga du "Phénix noir" (saison 3), pour n'en citer que quelques-unes, dont le grand écran s'est également emparé.
Outre Magneto, présenté de façon complexe dès sa première apparition et qui reste l'antagoniste principal du début à la fin, plusieurs méchants iconiques profitent de ces différents récits pour avoir un temps d'écran conséquent et venir affronter les X-Men. Qui ne sont pas en reste.
Aussi bien destinée aux fans qu'aux néophytes, la série utilise une méthode classique mais efficace pour nous présenter les héros, en s'appuyant sur un nouveau venu, qui découvre les protagonistes en même temps que nous.
Ou plutôt une nouvelle venue : la jeune Jubilee, prise en chasse par des Sentinelles lorsque ses parents, effrayés par ses pouvoirs, la signalent, et secourue par les X-Men qu'elle croise dans un centre commercial.
Le show en profite pour mettre en parallèle les mutations avec les changements liés à l'adolescence, comme dans les comic books, et c'est à travers ses yeux que nous faisons connaissance avec Wolverine (ou Serval dans la VF), Cyclope, Malicia, Tornade, Gambit, Jean Grey, le Fauve et leur leader le Professeur Xavier.
En l'espace de quelques scènes, les caractères de chacun sont bien définis (quitte à frôler l'archétype), au même titre que leurs relations.
Des caméos de Deadpool
Forte de cette base solide, la série peut alors prendre le temps de s'attacher aux uns et aux autres à tour de rôle, et même offrir des origin stories à certains. Ou permettre à Deadpool de faire quelques caméos.
Et c'est aussi en cela que la format télévisuel sied bien aux X-Men, en permettant de mieux développer ses nombreux personnages, là où les films, même les plus réussis, peinent davantage, à tel point que Gambit ou Jubilee sont trop souvent restés sur le banc de touche.
Des longs métrages qui doivent d'ailleurs beaucoup au show. Première adaptation réussie d'un comic book Marvel pendant les années 90, son succès convainc la Fox de s'offrir les droits du titre pour le porter sur grand écran, avec des acteurs de chair et d'os.
L'affaire prendra plus longtemps que prévu, et c'est grâce à Bryan Singer que les mutants débarquent au cinéma en 2000 avec un opus qui présente des similitudes avec la série animée dans sa mise en place : car c'est grâce à Malicia (Anna Paquin) et Wolverine (Hugh Jackman) que nous entrons dans le QG des héros.
Bientôt la suite !
Le succès public et critique du film concourra, avec les Spider-Man de Sam Raimi et les Batman de Christopher Nolan, à relancer les super-héros sur grand écran. Et, par extension, à devenir les rois d'Hollywood et du box-office mondial.
Il convient donc de ne pas oublier le rôle important qu'a joué, mine de rien, cette série animée, à la fois solide en tant que telle, et fidèle à son modèle, allant jusqu'à reprendre l'esthétique des comic books, alors dessinés par Jim Lee depuis le début des années 90, pour le look des personnages.
Et qu'importe si les derniers épisodes, diffusés en 1997, sont un peu moins réussis : l'ensemble reste un petit bijou à (re)découvrir au plus vite. Surtout que la suite, X-Men '97, qui reprendra là où la dernière saison s'était arrêtée, arrive dans peu de temps, à raison d'un épisode par semaine.