AlloCiné : En 2021, cela fera 5 ans que Netflix France s'est lancé dans la création originale, d'abord avec Marseille puis beaucoup d'autres ensuite. Il y a eu des succès et des échecs aussi. Quel bilan faites-vous de toutes ces propositions, qui exploraient souvent le genre, de Marianne à Mortel en passant par Vampires et Osmosis ?
Damien Couvreur : Quand nous avons démarré le développement de séries originales françaises, Netflix venait de débarquer et notre audience était plutôt jeune. Nous avons eu la liberté d’explorer des genres qu’on ne produit pas habituellement en France, comme l’horreur ou la science-fiction. C’était un défi, d’autant plus que la filière n’a pas le même savoir-faire qu’en matière de comédie ou d’action par exemple.
Aujourd'hui, notre approche créative évolue avec des séries plus grand public et fédératrices en conservant ce qui fait la force de nos séries : une narration solide, une recherche d’originalité et une production soignée. Nous avons lancé Lupin vendredi dernier, et cette série produite par Gaumont et réalisée pour Louis Leterrier avec Omar Sy incarne un nouveau chapitre créatif pour nos séries françaises. Et je peux déjà vous confirmer que c’est un grand succès, la série se place au sommet du top 10 dans des dizaines de pays à travers l'Europe et le Monde. Il s’agit même de la première création française à se hisser en première place de notre Top 10 aux Etats-Unis. Cocorico !
AlloCiné : La comédie, que ce soit avec Plan Coeur ou avec Family Business, vous a semble-t-il mieux réussi que le genre finalement...
Damien Couvreur : Il faut préciser que 2020 était une année très particulière. Ce qui ressort des tendances de visionnage des Français, c’est un fort besoin de rire ! Mais effectivement Family Business figure ainsi dans le Top 3 des comédies les plus regardées l’année dernière en France. La comédie reste importante pour nous, c’est pourquoi Family Business et Plan Coeur reviennent en 2021. Mais nous n’avons pas renoncé à explorer et mixer des histoires et des genres !
La sortie de Lupin illustre un nouveau chapitre de notre approche créative qui reflète aussi l’évolution de notre audience et la diversité de ses goûts.
Vous avez d'ailleurs décidé d'offrir une dernière saison à Plan Coeur, alors qu'on avait l'impression que la seconde bouclait la boucle. Est-ce que c'est la réception de l'épisode spécial confinement qui a motivé cette décision ?
C’est une décision que nous avions prise avec Noémie Saglio et toute l’équipe de la série depuis longtemps. Mais comme la mise en route de cette dernière saison a été retardée par la Covid, nous en avons profité pour offrir à nos membres un épisode spécial confinement qui était l’occasion de raconter comment, comme nous tous, les personnages de la série ont vécu cette période si particulière.
Avec La Révolution tout récemment, pour la première fois une série française semblait réussir à intéresser massivement au-delà de nos frontières. Quelle leçon vous en tirez et est-ce qu'une saison 2 est d'ores et déjà commandée ?
La Révolution a effectivement séduit de nombreux membres au-delà de l’Hexagone. C’est pour nous la preuve que la France, son Histoire et son patrimoine, peuvent intéresser un public à l’international. Cependant, nous n’allons pas renouveler la série pour une seconde saison, car bien qu’elle ait suscité de la curiosité, le public n'y a pas trouvé son compte.
Ces 5 premières années marquent la fin d'un cycle. L'arrivée de Lupin en janvier avec Omar Sy semble lancer le début d'un autre. C'est vers ce type de divertissement grand public que vous souhaitez aller désormais ?
Lupin est en effet un bel exemple des contenus que nous voulons pouvoir proposer à nos membres. C’est une série accessible et populaire, portée par des talents incroyables et des moyens de production très importants. Elle s’inspire d’une figure emblématique de la littérature française sans chercher à copier la formule d’adaptations précédentes, et nous permet de proposer une relecture très actuelle de la figure du gentleman cambrioleur. C’est une belle rencontre entre le patrimoine français et des grands talents français contemporains, à commencer évidemment par Omar Sy !
Prévoyez-vous d'augmenter le volume de productions originales et éventuellement les budgets aussi, alors que Netflix semble avoir décidé de miser encore plus sur les productions locales dans les années à venir ?
En effet, nous allons continuer à renforcer nos investissements en France, dans le prolongement de l’ouverture de nos bureaux parisiens l’année dernière avec la volonté de travailler main dans la main avec la communauté créative française. Cette année, nous allons proposer une dizaine de séries dont 5 nouvelles séries originales. Une variété assumée : de Lupin à Braqueurs en passant par notre premier "Christmas special" ou le retour attendu de séries comme Mortel, Family Business ou Plan Coeur… Même si le volume n’est pas au cœur de nos préoccupations, cela témoigne d’une véritable accélération opérée depuis notre installation à Paris il y a un an.
La série Disparu à Jamais, adaptée de Harlan Coben, qui arrivera dans le courant de l'année, pourrait presque ressembler à une série que l'on pourrait voir sur TF1 ou sur France 2. Qu'est-ce qui va la différencier, du coup, et qui en fait vraiment une série Netflix selon vous ?
Comme lorsque nous nous inspirons de Maurice Leblanc ou de la Révolution française, nous allons adapter le roman d’Harlan Coben avec un angle et des choix artistiques bien distincts, portés par Vincent Poymiro et David Elkaïm à l’écriture et Juan Carlos Medina à la réalisation.
Les adaptations de roman font partie de l’ADN de Netflix. Récemment, nous avons adapté le roman de Romain Gary à l’écran avec La vie devant soi, et de nombreuses séries sont également inspirées de romans : Le jeu de la dame, 13 reasons why, YOU, The Witcher, Umbrella Academy, Les Désastreuses Aventures des orphelins Baudelaire, Captive etc.
L’adaptation de Gone for good, s’inscrit dans le cadre d’un partenariat avec Harlan Coben visant à développer en séries ou en films 14 de ses romans.
Côté plateforme en France, jusqu'ici il n'y avait que Netflix qui proposait des séries originales françaises. Amazon, et bientôt Disney+ et Apple TV+ vont s'y mettre. Est-ce que vous sentez déjà une forme de concurrence, voire de guerre, sur les projets en développement ?
Pour commencer, je dirais que c’est avant tout une opportunité pour les créateurs français et toute la filière. Plus de projets, c’est aussi stimulant pour tout l’écosystème et ça crée un espace pour faire émerger de nouveaux talents devant et derrière la caméra. C’est aussi pour cela qu’on a établi des partenariats avec la Fémis, les Gobelins, le CEEA ou l’école Kourtajmé.
Plus généralement, la concurrence nous pousse à proposer des contenus variés et de qualité pour répondre aux attentes de nos membres, mais aussi à innover sans cesse, notamment sur l’expérience utilisateur en proposant de nouvelles fonctionnalités à nos membres.
Outre Lupin et Braqueurs, vous allez proposer prochainement la nouvelle série de Fanny Herrero, la créatrice de Dix pour Cent, intitulée Drôle, autour du monde du stand-up parisien. Que pouvez-vous en dire à ce stade ?
Il est encore un peu tôt pour en parler, mais je peux vous dire que Fanny et toute son équipe sont en train de boucler l’écriture de la première saison dont le tournage commencera au printemps.
Il semble y avoir une appétence pour les films français à l'étranger, puisque 4 films français exclusifs à Netflix, ont par exemple réussi à se classer dans le top de l'année 2020 aux Etats-Unis. Côté films originaux, vous avez été plutôt timides jusqu'ici. Est-ce que vous prévoyez de passer à la vitesse supérieure ? Quelle direction souhaitez-vous prendre ?
C’est une activité plus récente que la création de séries originales. Mais nous avons annoncé plusieurs projets au cours de l’année 2020 : BIGBUG, le prochain film de Jean-Pierre Jeunet qui est entré en tournage en septembre dernier ; O2, le nouveau film du Français Alexandre Aja avec au casting Mélanie Laurent, Mathieu Amalric et Malik Zidi ; Le Dernier mercenaire, une comédie d’action réalisée par David Charhon qui réunit des talents comme Jean-Claude Van Damme ou encore Alban Ivanov ; et 8 Rue de l’humanité réalisé par Dany Boon qui revient sur le confinement en croisant comédie et drame à travers la vie de 7 familles qui partagent le même immeuble.
Par ailleurs, l'engouement pour les films d’action français est de plus en plus prononcé - on pense notamment au succès de Bronx et Balle perdue en 2020. Nous nous réjouissons que ces films trouvent un tel écho dans le monde entier et c’est une grande fierté de pouvoir accompagner aussi bien de nouveaux talents comme Guillaume Pierret qu’un cinéaste confirmé comme Olivier Marchal.
Enfin, y'a-t-il une série récente que vous enviez à vos concurrents, que vous auriez adoré proposer sur Netflix ?
J’ai profité de la trêve de Noël pour me plonger dans la saison 2 de The Mandalorian que j’ai trouvée brillante. Je trouve particulièrement excitant que le format sériel permette à la franchise Star Wars de se réinventer et de rencontrer un nouveau public.
En collaboration avec Jean-Maxime Renault.