Commençons par un peu d’étymologie : kaiju est un mot qui signifie en japonais "bête étrange" ou "bête mystérieuse". Il désigne, par extension, les monstres géants des Daikaiju eiga (Dai : "grand", Kai : "étrange", ju : "animal" et eiga : "film") ou Kaiju eiga. Il s’agit d’un sous-genre du tokusatsu, un nom générique qui renvoie aux productions cinématographiques et télévisuelles qui emploient quantité d’effets spéciaux (quelques exemples de tokusatsu : Ultraman, Super sentai, Godzilla). Pour résumer, les kaiju eiga sont des films de monstre géant.
Il est tout d’abord important de préciser que la notion de monstre en Orient diffère de la nôtre. Il y est avant tout vu comme une force de la nature devant laquelle il faut s’incliner et non une créature diabolique qu’il faut à tout prix détruire.
Le premier film du genre, Godzilla (Gojira en V.O.), naît en 1954, sous l’impulsion de la Toho, l'une des plus grandes maisons de production du cinéma nippon, qui veut créer des films de monstres typiquement japonais. Le film est réalisé par Ishirō Honda, qui deviendra l’un des réalisateurs les plus prolifiques du kaiju eiga. Gojira, issu d’un mix entre Gorira (gorille) et Kujira (baleine), est un dinosaure atomique qui évoque les bombes d'Hiroshima et Nagasaki. Il est interprété par un acteur en costume (en l’occurrence Haruo Nakajima jusqu’au début des années 1970), ce qui deviendra une technique propre au genre. Le succès est immédiat au Japon et des suites ne tardent pas à voir le jour.
Le bestiaire des kaiju eiga s’enrichit avec l’arrivée de nouveaux monstres géants tels que la mite Mothra, l’oiseau Rodan et l’alien Uchu. Parmi les titres qui fleurissent dans les années 1960, on peut citer King Kong contre Godzilla (1962), Mothra contre Godzilla (1964) ou encore Les Envahisseurs attaquent (1968). Une société concurrente de la Toho, Daiei, créé son propre monstre avec la tortue volante Gamera. Au fur et à mesure des longs-métrages, le kaiju eiga devient de plus en plus fantaisiste et les monstres sont de moins en moins effrayants.
Le genre disparaît quasiment dans les années 1970 avant d’être relancé par Le Retour de Godzilla en 1984, qui est à la fois un remake et une suite du film de 1954. En 2016, Godzilla: Resurgence (Shin Godzilla) marque un retour aux sources salvateur pour la saga. Faisant écho à la catastrophe de Fukushima, il nous plonge dans les coulisses de la bureaucratie gouvernementale mais n’oublie pas de rendre son monstre iconique. Les Américains s’emparent eux aussi du monstre avec le film de Roland Emmerich en 1998, puis ceux de Gareth Edwards et Michael Dougherty. De son côté, l’Espagnol Nacho Vigalondo est l’un des rares cinéastes, en dehors du Japon, à offrir une relecture singulière du kaiju eiga. Mêlant comédie, drame et fantastique, Colossal suit une jeune femme en Amérique, Anne Hathaway, qui découvre qu’elle est liée à un monstre géant qui sème la panique à Séoul.
Né il y a plus de 65 ans, le kaiju eiga ne cesse d’inspirer les cinéastes et dépasse les frontières de son Japon natal. En novembre prochain, on pourra découvrir Godzilla vs Kong d’Adam Wingard (You’re Next) avec Alexander Skarsgård, Millie Bobby Brown et Eiza González.
Revoir notre interview de Guillermo del Toro :