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    Non réouverture des cinémas : le monde de la culture exprime son mécontentement
    Laëtitia Forhan
    Laëtitia Forhan
    -Chef de rubrique cinéma
    Fan de cinéma fantastique, de thrillers, et d’animation, elle rejoint la rédaction d’AlloCiné en 2007. Elle navigue depuis entre écriture d'articles, rencontres passionnantes et couvertures de festivals.

    Suite à la non réouverture des salles de spectacles, une journée d'action a été organisée le 15 décembre. Le monde de la culture s'était donné rendez-vous place de la Bastille pour manifester et toutes les façades des cinémas ont été allumées.

    Le 10 décembre dernier, le Premier ministre Jean Castex a annoncé que les salles de cinéma ne pourront pas rouvrir le 15 décembre étant donné que l'objectif de 5000 contaminations quotidiennes n'a pas été atteint. Il a donc été décidé de repousser la réouverture des salles de spectacles. Des discussions auront lieu d'ici le 7 janvier 2021. Cette annonce a sonné comme un coup de massue pour l'ensemble de la profession qui s'était déjà préparé à la réouverture. Dès vendredi 11 décembre, plusieurs organismes regroupant des professionnels de la Culture ont fait part de leur intention de déposer un référé devant le Conseil d’État dans le but de faire annuler la décision gouvernementale de prolonger la fermeture des salles de spectacle après le 15 décembre.

    Fermeture des salles : les réactions de Mathieu Kassovitz, Pierre Niney, Jean Dujardin...

    Une grande journée d'action a également été organisée hier, mardi 15 décembre (date à laquelle les cinémas - entre autres - auraient dû réouvrir). Les professionnels du monde de la culture s'étaient donnés rendez-vous place de la Bastille et partout en France, pour exprimer leur mécontentement et demander la réouverture des salles.

    En signe de protestation, les salles de cinémas de la France entière ont rallumé leur façade durant 1 heure. Nos confrères de BoxOffice Pro ont posté une vidéo montrant les enseignes de ces "commerces" dit "non-essentiels", briller dans la nuit noire. Une lueur au fond du tunnel. 

    Au même moment, la Ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, recevait des représentants du monde de la culture. La rallonge de 35 millions d’euros accordée par Jean Castex a été évoquée et les professionnels ont pu faire part de leurs différentes requêtes concernant la réouverture. La Ministre a souligné dans un tweet qu'elle entendait le message et "préparait l'avenir". 

    Depuis lundi, les principales institutions du monde de la culture font part de leur mécontentement et de leur désespoir. En ce mercredi, qui aurait dû être marqué par la sortie sur nos écrans de Wonder Woman 1984, Mandibules, Slalom, Little Zombies, Le Peuple Loup, Les Elfkins : Opération pâtisserie143, rue du désert et Violet Evergarden, AlloCiné laisse la parole à ces professionnels de l'industrie du 7ème Art.

    La FNCF (Fédération Nationale des Cinémas de France)

    Au lendemain de l’annonce par le Gouvernement de sa décision de ne pas rouvrir les salles de cinéma le 15 décembre prochain, la FNCF fait part de sa colère face à cette décision incompréhensible. En effet, alors que le Premier ministre a reconnu hier encore que les cinémas disposent d’un protocole sanitaire éprouvé que garantissent le port du masque et la distanciation physique, que les cinémas n’ont jamais été à l’origine du moindre foyer épidémique et que, depuis 3 semaines, toute la communauté artistique et professionnelle du cinéma se prépare à cette réouverture - en travaillant et investissant dans cette perspective, le Gouvernement décide au dernier moment de ne pas rouvrir les salles comme cela avait été annoncé.

    Cette décision aura comme conséquence certaine de plonger tous les acteurs de la filière du cinéma en salle dans des difficultés économiques aux conséquences catastrophiques tout en favorisant un peu plus le piratage et les plateformes numériques. Le Gouvernement devra être au rendez-vous pour aider financièrement la filière, du fait des conséquences de cette décision.

    Christophe Clovis / Bestimage

    Cette injustice est encore plus criante que les autres lieux ouverts ne disposent pas de protocoles sanitaires aussi stricts, et que les brassages de population, prétexte au maintien de la fermeture des cinémas, ne seront pas endigués par les mesures annoncées hier. Mais surtout, cette injustice frappe d’abord les Français marqués par la morosité ambiante et pour qui le cinéma est un des remèdes à leur mélancolie !

    Cette décision qui révolte le monde de la culture ne correspond ni à la réalité sanitaire des cinémas, ni aux besoins culturels et de divertissement des Français.

    DIRE (Distributeurs Indépendants Réunis Européens)

    "Nous, membres du DIRE, sommes anéantis par la décision prise par le Président de la République de prolonger la fermeture des lieux culturels d’au moins trois semaines. Cette décision est incompréhensible, au regard des autorisations dont bénéficient la quasi-totalité des autres secteurs économiques et des lieux de culte. Cette décision est injustifiable, au regard de l’absence de risque sanitaire dans les cinémas grâce aux stricts protocoles mis en place depuis le 22 juin. Cette décision ne peut qu’être lue comme une conception toute particulière de "l’Exception Culturelle".

    Que le gouvernement nous explique, preuves à l’appui, qu’aller au cinéma est plus dangereux que d’aller dans les centres commerciaux, dans les lieux de culte, chez le coiffeur, ou de se déplacer en métro, en train ou en avion. Au cinéma, je reste assis en silence, deux heures durant, avec un masque, en gardant les distances de sécurité, pendant les heures autorisées du couvre-feu, en toute quiétude. Au cinéma, je ne contribue pas à augmenter les flux mais pendant quelques heures à les réguler…

    Nous combattons l’idée selon laquelle la Culture et le cinéma en particulier, serait quantité négligeable, non-essentielle à notre vie, alors même que les souffrances de l’isolement physique et intellectuel mettent en danger notre équilibre mental. Dans un partage de rire, de larmes et d’émotion, le cinéma, le théâtre, les œuvres d’Art sont un immense réconfort.

    "Nous relevons l’absence totale de concertation avec les professionnels du cinéma."

    Nous relevons l’absence totale de concertation avec les professionnels du cinéma, la méconnaissance de notre secteur ou le refus de prendre en compte les spécificités de notre activité, qui ajoute au sentiment d’injustice, celui du mépris. Il sera difficile de se défaire de l’un comme de l’autre. Nous appelons à une réouverture des lieux culturels sans délai, afin que durant les fêtes de fin d’année, les françaises et les français aient la possibilité d’accéder collectivement aux activités culturelles.

    Au-delà, nous appelons à une large concertation afin de travailler, sur un temps plus long, à un calendrier des sorties anticipé et dont les professionnels auraient la maîtrise. Il est en effet indispensable de rechercher collectivement des solutions pérennes à une situation exceptionnelle qui menace de devenir durable."

    Christophe Clovis / Bestimage

    L’AFCAE (Association Française des Cinémas Art et Essai)

    "L’Association Française des Cinémas Art et Essai (AFCAE) est aujourd’hui dans l’incompréhension et la consternation après l’intervention du 10 décembre du Premier Ministre, qui a annoncé le maintien de la fermeture des lieux culturels, dont les cinémas, à compter du 15 décembre, pour une période indéterminée. Un nouveau rendez-vous a été fixé par le Gouvernement au 7 janvier pour réexaminer la situation.

    L’association constate que le secteur du cinéma, depuis le début de cette crise sanitaire, a fait preuve d’une collaboration permanente et constructive avec les pouvoirs publics, en acceptant - quoi qu’il en ait coûté - l’ensemble des mesures sanitaires qui ont été prises depuis le mois de mars, et en travaillant avec les autorités pour proposer au public, dans les salles de cinéma, un protocole sanitaire efficace et exigeant, dont l’exemplarité a été reconnue par le Gouvernement, et hier encore par le Premier Ministre.

    La priorité pour notre pays est, bien entendu, de réussir à maîtriser cette épidémie. Pour autant, l’AFCAE ne comprend pas l’inégalité de traitement que subit la culture. Pourquoi la reprise de nos activités est-elle conditionnée au nombre de cas positifs révélés chaque jour, quand celle de la très grande majorité des commerces et des secteurs économiques, qu’ils soient « essentiels » ou non, n’est pas soumise à ce même principe ? Pourquoi, pour endiguer l’épidémie, ne sont pas considérées ailleurs, et notamment dans les transports, des mesures sanitaires plus strictes, quand on nous dit que la fermeture de nos lieux est exclusivement justifiée par une volonté de limiter les flux de personnes ? Si telle est bien la raison, on ne peut alors que s’étonner du maintien de la fermeture de nos établissements, pourtant habilités et habitués à recevoir du public, quand restent ouverts des commerces et grandes surfaces qui génèrent des flux bien plus importants, qui seront encore décuplés à partir du 15 décembre, avec la fin du confinement et le retour à une liberté de circulation jusqu’à 20 heures.

    Christophe Clovis / Bestimage

    À cette incompréhension s’ajoute le regret qu’aucune concertation n’ait été engagée ces derniers jours par le Gouvernement pour envisager les solutions qui auraient permis de proposer à nos concitoyennes et concitoyens des sorties culturelles dans des conditions sanitaires satisfaisantes. Et au regret, s’ajoute encore la colère que cette annonce d’une fermeture prolongée des établissements culturels soit aussi tardive, sans considération pour le travail et les investissements - parfois conséquents - qui ont été engagés en vue d’une réouverture le 15 décembre. Nous pensons, pour le cinéma, aux frais engagés par la filière, et d’abord par les distributeurs de films, pour la promotion et la sortie - ou ressortie - des films dans les salles de cinéma sur cette fin d’année.

    "La culture est aujourd’hui sacrifiée."

    La culture est aujourd’hui sacrifiée. Interdire une sortie au cinéma pendant les fêtes de fin d’année est un désastre économique pour les salles et, par ricochets, pour l’ensemble de la filière. Elle est aussi un désastre sur le plan symbolique, tant la sortie culturelle de fin d’année relève de la tradition pour la plupart des Françaises et des Français. Elle contribue à renforcer la position de plateformes de streaming, qui visent à l’uniformisation de la culture et à l’intensification de pratiques solitaires, renforçant le chacun chez soi, le chacun pour soi. La sortie au cinéma - comme la sortie au théâtre ou au musée - relève quant à elle d’une pratique collective et sociale, contribuant au bien-vivre ensemble, et à briser l’isolement de nombre de nos concitoyennes et concitoyens. De ce point de vue, la sortie au cinéma demeure, plus que jamais, essentielle.

    C’est pourquoi l’AFCAE demande instamment au Gouvernement une réouverture concertée dans un délai rapide des établissements culturels dans le strict respect de conditions sanitaires assurant la sécurité de toutes et de tous."

    La SRF (Société des Réalisateurs de Films)

    Sur quels critères vous basez-vous pour fragiliser, voire endommager durablement toute une économie, tout un corps de métier ?

    Sur quels critères vous basez-vous pour considérer nos salles de cinéma, de théâtre, comme plus dangereuses qu’une assemblée dans une église ?

    Sur quels critères vous basez-vous pour considérer qu’il est acceptable de visiter une galerie d’art, mais qu’un centre d’art ou un musée est un endroit dangereux ?

    A l’inverse des transports en commun et des rayons surchargés des boutiques à l'approche de Noël, nos salles sont totalement en mesure de faire respecter les consignes de sécurité sanitaires, depuis le premier jour. Les spectateurs y sont masqués, en jauge réduite, à distance de sécurité, ne parlent pas, ne se touchent pas, peuvent laisser leurs coordonnées le cas échéant à l’entrée, contrairement aux lieux cités plus haut.

    "Si on nous met à mort, nous voulons connaître l’accusation."

    Etes-vous seulement au courant, nous venons parfois à en douter, que nous devons réinvestir à chaque report dans des frais considérables de communication ? Que le travail de nos attachés de presse, de nos distributeurs, des exploitants, doit être à chaque fois repris à zéro, voire moins que zéro puisqu’il faut recréer l’envie, le désir d’aller voir nos films ?

    Etes-vous seulement au courant que le travail de programmation, d’exposition des œuvres de cinéma et des spectacles prend des semaines, des mois, que c’est un travail au long cours qui ne peut pas s’arrêter et repartir comme si le temps s’était figé ?

    Etes-vous seulement au courant que notre industrie, nos œuvres, nos travaux sont vivants donc périssables, voire mortels, fragiles, qu’ils représentent des années de travail, d’engagements, dans des conditions très souvent précaires ?

    Pour tous les films qui ne sortent pas aujourd’hui, ce sont des distributeurs et des producteurs qui ne pourront pas s’engager sur de nouveaux projets, ce sont des films qui ne pourront pas exister dans le futur, et autant d'emplois qui seront fragilisés pendant des années. C’est toute la chaîne qui souffre, toute une industrie bloquée, sans compter un appauvrissement grandissant de la culture, qui n’offre d’autre choix que les plateformes de vidéo à la demande.

    Nous ne prétendons pas être essentiels mais nous prétendons à la justice envers notre écosystème, soit près d’un million de personnes pour le secteur de la culture.

    Si on nous met à mort, nous voulons connaître l’accusation. Nous voulons pouvoir nous défendre face à autre chose que le vide et l’absurdité de ce qui nous est infligé."

     

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