De quoi ça parle ?
Derrière ses allures de femme épanouie, Sophie Delalande cache une blessure jamais refermée. Sa fille Hortense a été enlevée à l’âge de trois ans. Pas un jour ne passe sans que Sophie revive ce drame qui l’a brisée. Jusqu’au jour où elle reconnaît sa fille disparue, sous les traits d’une jeune femme d’une vingtaine d’années. Cette dernière, Jeanne Martin, est bien orpheline et à la recherche de la vérité sur ses origines. La rencontre fait mouche, d’autant que Jeanne possède la même tache de naissance qu’Hortense. Les deux femmes s’abandonnent à ces retrouvailles inespérées qui leur sont servies sur un plateau. Elles s’engagent dans une relation exclusive et fusionnelle. Mais dans ce tableau idyllique s’insinue peu à peu un doute, une ombre menaçant de tout engloutir : Jeanne est-t-elle vraiment la fille de Sophie ? Et quelle est la part de culpabilité de Sophie dans la disparition d’Hortense ? Que cherchent-elles vraiment ? Que trouveront-elles à la fin ?
Lundi 14 décembre à 21h05 sur France 2
Ça vaut le coup d’oeil ?
Après Deux gouttes d’eau en 2018, France 2 porte à l’écran un autre ouvrage du journaliste et écrivain Jacques Expert. Tiré de son roman policier éponyme, Hortense fait la part belle à deux héroïnes en abordant les relations mère/fille à travers la thématique du traumatisme.
En tête d’affiche, Catherine Jacob campe un personnage touchant : Sophie Delalande, une brillante architecte qui ne s’est jamais remise de la disparition de sa fille - Hortense -, une vingtaine d’années plus tôt. Face à elle, Pauline Bression, vue dans Plus Belle la Vie, décroche son premier rôle principal à la télévision en prêtant ses traits à Jeanne, une orpheline en quête de ses origines. La rencontre des deux protagonistes est à la fois évidente et bouleversante. Sophie en tombe dans les pommes, certaine d’avoir reconnu sa fille. Les histoires de chacune se recoupent et, au fur et à mesure, tout laisse entendre que Jeanne n’est autre qu’Hortense. Sa tâche de naissance en est la preuve ultime, irrévocable.
Plutôt habituée des comédies, Catherine Jacob excelle cette fois dans le genre du drame, particulièrement émouvante dans la peau de cette mère esseulée, qui retrouve enfin un sens à sa vie. Pour Jeanne, les retrouvailles sont aussi délicates que poignantes ; comme elle, on a tellement envie d’y croire.
Pourtant, le doute est bien présent. Il s’immisce ça et là, à travers des détails que Jeanne - à l’instar du téléspectateur - refuse de voir, ou encore figuré par Samuel (Christopher Bayemi), petit ami de Jeanne et voix de la raison, qui ne cesse de réitérer ses mises en garde face à la tournure de ces évènements trop beaux pour être vrais… Dès lors, le film nous emporte dans un flot d’interrogations : pourquoi Sophie repousse-t-elle le test ADN qui mettrait fin aux suppositions ? Pourquoi ment-elle à propos du père de Jeanne ? Que s’est-il vraiment passé lors de l’enlèvement d’Hortense ?
S’appuyant sur la solide expertise du genre policier des scénaristes Ingrid Desjours (R.I.S. Police scientifique) et Bruno Lecigne (Enquêtes réservées, Cassandre), la mise en scène de Thierry Binisti (Meurtres à…) emprunte également des codes du film d’horreur (plans extérieurs sur la maison de Sophie, mélodie enfantine angoissante, scènes de cauchemar…) pour le moins efficaces. Lentement mais sûrement, le malaise s’installe. A nouveau, l’interprétation de Catherine Jacob est impeccable et se révèle pleine de nuances. La thématique du traumatisme s’étend à celles de la manipulation et de la folie, évoquant au passage un sujet profondément tabou : l’amour maternel est-il vraiment inné ? La deuxième partie du film opère ainsi un virage beaucoup plus sombre, jusqu’à la scène finale, glaçante, qui rappelle inévitablement celle d’un des classiques d’Hitchcock.
Si on aurait aimé s’attarder davantage sur les profils psychologiques des personnages, rapidement éclaircis au cours de la résolution de l’intrigue, Hortense a le mérite de nous tenir en haleine jusqu’au bout, et ce, grâce à la performance de ses comédiennes.