Deux ans avant le triomphe des Visiteurs, Jean-Marie Poiré dirige le duo Jean Reno-Christian Clavier dans L'Opération Corned Beef, une comédie d'espionnage dans lequel le premier incarne Le Squale, un agent secret et as de la DGSE chargé de démanteler un réseau international de trafic d'armes et de démasquer un traître au plus haut niveau de l'État français. Pour arriver à ses fins, il va manipuler un honnête citoyen, Jean-Jacques Granianski (Clavier), qui va résister de façon inattendue au super-agent secret.
Entre Clavier et Poiré, il s'agit de retrouvailles puisque tous les deux ont déjà collaboré sur de nombreuses comédies, telles que Le Père Noël est une ordure, Papy fait de la résistance ou encore Twist Again à Moscou. En revanche, c'est la première fois que Reno tourne sous la direction de Poiré et cela a bien failli ne jamais se faire puisque c'est Gérard Depardieu qui est courtisé à l'origine pour jouer Le Squale, en vain. Pour le remplacer, plusieurs acteurs sont envisagés, de Daniel Auteuil à Thierry Lhermitte en passant par Bernard Giraudeau, Pierre Arditi et Gérard Lanvin. Suite à leur refus, Marie-Anne Chazel, alors compagne de Clavier, glisse le nom de Jean Reno, qui décroche le rôle.
Un choix pas évident au premier abord puisque le comédien est jusque-là cantonné à des rôles d'hommes imposants et taciturnes, en particulier chez Luc Besson, comme dans Le Dernier Combat, Le Grand Bleu ou encore Nikita. C'est d'ailleurs par le biais de ce dernier que le producteur Alain Terzian contacte Jean Reno : « J'ai demandé à Luc qui était l'agent de Jean Reno, et il m'a répondu : « C'est mon père [Claude Besson, NDLR] ! Reno est au Yucatán, mais mon père peut lui amener le script. » Il tournait L'Homme au Masque d'Or avec Marlee Matlin »*.
L'Opération Corned Beef est un succès à sa sortie, avec 1,4 millions de spectateurs, et permet à Jean Reno de s'illustrer dans une comédie populaire. Paradoxalement, l'acteur, sous l'influence de Luc Besson qui lui reproche de s'y être fourvoyé, fera part en 1996 de ses regrets d'avoir participé au film de Poiré auprès d'Alain Kruger, journaliste à Studio Magazine : « Je ne suis pas très bon dans ce film, pas plus que dans ma vie privée à l'époque. Je passe le tournage au téléphone. C'est la période de ma vie où je fais la révolution dans ma tronche ».
*Toutes les citations sont extraites de Christian Clavier, Splendid carrière ! de Gilles Botineau, Christian Navarro Éditions.