Au début, il y avait un film
Avengers. Le film de Joss Whedon tuait de la main du supervilain Loki Phil Coulson, agent du S.H.I.E.L.D. (joué par Clark Gregg). Ce personnage secondaire était une figure connue des fans puisqu'il était présenté comme un agent de confiance du directeur du S.H.I.E.L.D. Nick Fury, joué par Samuel L. Jackson. Avant sa mort, Coulson était apparu dans Iron Man et Iron Man 2, Thor et plusieurs courts métrages. Absent des films Marvel depuis sa résurrection, on a revu le personnage dans Captain Marvel, qui se déroule dans les années 90.
En 2013, tout le monde est emballé par l'idée d'une série sur l'agence du S.H.I.E.L.D. et lorsque Phil Coulson est annoncé de retour, les fans sont aux anges. La série est développée par Jed "frère de Joss" Whedon et Maurissa Tancharoen (qui apparaîtra dans la saison 6 en tant que "Sequoia", adepte des réseaux sociaux). Quant à Joss Whedon, il réalise le pilote. La série est lancée le 24 septembre 2013.
Ses handicaps de départ
ABC et Marvel Television ont lancé Agents du S.H.I.E.L.D. comme une série "à l'ancienne" avec un format dit procedural, à savoir une intrigue par épisode. Les seuls fils rouges de la saison 1 s'attachent à expliquer la résurrection de Coulson et à suivre l'inclusion de Skye dans l'agence. La série n'a pas énormément de moyens et si elle se paye des caméos de luxe avec Samuel L. Jackson et Cobie Smulders (le bras droit de Fury, Maria Hill), elle ne parvient pas à être à la hauteur des attentes.
Par ailleurs, Agents du S.H.I.E.L.D. n'a que rarement fait référence directe aux Avengers autrement que par des métaphores ou des personnages secondaires (Peggy Carter, Nick Fury). Seuls Thor et Captain America seront cités nommément, quand Hulk ou Iron Man le seront le plus souvent par des métaphores, "le milliardaire en costume de métal volant", par exemple. La série est aussi uniquement destinée à présenter des concepts nouveaux de l'univers Marvel aux téléspectateurs. Parmi la liste de ces concepts/personnages se trouvait MODOK, qui ne sera finalement jamais mentionné.
De l'aveu même de ses acteurs, les deux premières saisons de la série font du sur place en attendant de pouvoir diffuser leur crossover avec le film Captain America, le soldat de l'hiver (qui détruit l'organisation S.H.I.E.L.D. et impacte intrinséquement la série) en dernière partie de saison 2. La série subira aussi la présence des accords de Sokovie de Captain America: Civil War. Ce n'est qu'en assumant peu à peu son éloignement d'avec le Marvel Cinematic Universe que le show parviendra à trouver son propre ton, celui que l'on retiendra probablement dans les années à venir. Car oui, la série restera.
Ce qui a fonctionné
Il s'agirait de ne pas bouder son plaisir et de le dire haut et fort : si regarder chaque épisode d'Agents du S.H.I.E.L.D. n'a pas toujours été une expérience passionnante, la série s'est développée, émancipée du MCU et a commencé à vraiment se lâcher et à creuser ses personnages, au point de séduire une solide communauté de fans. C'est grâce à cela qu'elle a survécu (ça et l'insistance probable de Marvel Television à sauver la série de l'annulation malgré des audiences qui n'ont jamais été bonnes, même lors du crossover avec Captain America 2).
L'intégration des Inhumains à la série sera une première bouffée d'oxygène, apportant un renouveau des intrigues avec un nouvel univers à découvrir. Le virage qualitatif d'Agents du S.H.I.E.L.D. peut être identifié en saison 4 avec l'introduction du Framework (un univers virtuel dans lequel il est possible de vivre) et des LMD, ces androïdes capables d'apparaître comme une exacte réplique de la personne qu'ils copient. Ces ajouts vont permettre de créer de nouvelles intrigues, d'introduire de nouveaux personnages et d'explorer la psychologie des héros. Jusqu'alors, seules les relations Coulson-Skye et Fitz-Simmons avaient eu droit à ce niveau d'écriture.
La saison 5 fait partie des moments qui ont maintenu l'intérêt des spectateurs à son paroxisme en proposant un tout nouvel environnement : les agents sont dispersés et évoluent dans une station spatiale tenue par la race extraterrestre des Kree. Nous sommes en 2091, la Terre a été détruite et l'humanité réduite en esclavage. Un bon prémice pour une saison réussie malgré des méchants caricaturaux. La relation entre May et Coulson évolue, Mack devient le directeur du S.H.I.E.L.D. et l'arrivée de Deke Shaw avec ses blagues et son attirance pour Skye (entretemps devenue Daisy) donne une nouvelle dynamique à l'équipe. La saison se terminera sur le départ de Coulson, moment poignant s'il en est. Elle était pensée comme la dernière de la série, cette saison 5 aurait été une apothéose.
La question cruciale du claquement de doigts de Thanos
Mais en cours de saison 5 justement, les spectateurs encore accros à la série ont commencé à trouver étrange qu'au cinéma, le supervilain Thanos claque des doigts et fasse disparaître la moitié de la population de l'univers et que les héros d'Agents du S.H.I.E.L.D. (situés dans le même univers) passent tous en travers des mailles du filet et que ce fait ne soit pas du tout intégré à l'intrigue des dernières saisons. Malgré leur émancipation, le MCU avait rattrapé Agents du S.H.I.E.L.D.
Les fans ont cherché une solution et l'ont trouvée dans la dernière saison. Fitz introduit l'équipe au royaume quantique (vu dans Ant-Man 2 et dans Avengers: Endgame) et au fait qu'il permet de naviguer entre les chronologies. Or, depuis le début de l'intrigue d'Infinity War, Agents du S.H.I.E.L.D. n'a plus du tout de lien avec le MCU et, si l'on en croit Fitz, l'équipe a navigué entre les chronologies, ce qui pourrait être interprété comme le fait qu'elle suit désormais sa propre timeline. Le claquement de doigts de Thanos ne s'y serait jamais déroulé et le dénouement de l'arrivée de Thanos sur Terre y est peut-être tout autre que dans Endgame.
Alors certes, Doctor Strange nous avait dit dans Infinity War que seule une timeline voyait Thanos perdre, mais qu'importe : en interprétant la série ainsi, les fans la sauvent de la contradiction, et c'est bien là tout ce qui importe.
L'héritage
Que va-t-il nous rester d'Agents du S.H.I.E.L.D. ? Nous garderons en mémoire le couple Fitz-Simmons qui d'année en année n'aura cessé de nous émouvoir, de nous faire sourire et de nous attendrir. Leur relation est hélas la grande sacrifiée de cette ultime saison du fait de l'absence beaucoup trop longue de Fitz et de retrouvailles bâclées. Nous n'oublierons également pas de sitôt la touchante relation père-fille de Coulson (les scénaristes s'arrachant les cheveux pour le faire revenir durant les deux dernières saisons) avec sa protégée, Daisy.
Il ne faut pas oublier non plus que la série a eu le mérite "d'essuyer les plâtres", en étant la première série du MCU. Elle est donc de ce simple fait une série historique. Du reste, malgré un résultat final en demi-teinte, elle a su se connecter avec des films comme Thor 2, Captain America 2 et avoir des liens (plus ténus) avec d'autres intrigues du MCU, ce qui en fait là encore une série pionnière. Elle a aussi permis à d'autres séries d'exister comme Agent Carter (fortement conseillée aux lecteurs) et Slingshot (websérie anecdotique avec "Yo-Yo", résultante d'un partenariat entre ABC et la marque GEICO).
Et enfin, elle était une série du MCU, avec des acteurs du MCU (certes secondaires, comme Maximiliano Hernández) et des éléments issus des comics Marvel comme les LMD, les Inhumains ou la brume terrigène. Au départ, c'est uniquement la présence de ces éléments qui importait aux fans et c'est finalement l'attachement aux personnages qui les aura tenu en haleine le temps de 7 saisons. Si Agents du S.H.I.E.L.D. n'était pas exempte de défauts, elle n'aura pas déméritée en proposant un divertissement de plus en plus solide et une équipe qu'on aurait encore suivi pour deux saisons de plus ou pourquoi pas, dans une série sur les agents du S.W.O.R.D., organisation bientôt présentée dans WandaVision ? Pari gagné, donc !
Marvel Entertainment a sorti un top des meilleurs moments de la série : à savourer sans modération !