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    Disney, l'histoire du studio culte : les derniers projets de Walt [EPISODE 4]
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    Découvrez notre saga de l'été sur l'histoire du studio Disney. Cette semaine, pour ce quatrième et dernier épisode, retour sur les dernières années de Walt Disney à la tête de ce studio mythique.

    Disney

    Un nouveau défi : la télévision

    Plutôt que de voir la télévision comme une concurrente du cinéma (ce que feront au départ les autres patrons de studio), Walt* comprend ce que ce nouveau média peut lui apporter ainsi qu'à Disney : un public supplémentaire et le développement de son image de marque. Outre son partenariat avec ABC pour Le monde merveilleux de Disney (Disneyland en VO) dont nous avons parlé la semaine dernière, Walt finance sa première série en prises de vues réelles. C'est ainsi que naissent les aventures de Zorro avec Guy Williams, mythiques pour toute une génération.

    Par ailleurs, Walt vend à ABC le Mickey Mouse Club, une émission de variétés au cours de laquelle de jeunes gens donnent un spectacle avec à chaque fois une guest. Le show dure de 1955 à 1959 et réapparaîtra dans les années 70. Pour "remplir" cette émission, Disney est obligé de tourner des sérials : un long film tourné en un mois puis coupé en segments de 10 minutes pour passer à l'antenne chaque semaine. On retiendra parmi eux le charmant Annette, l'histoire d'une orpheline du Nebraska (Annette Funicello) qui, après le décès de son père, débarque un beau jour chez son oncle et sa tante qui ne l'attendaient pas.

    Cependant, le partenariat avec ABC prend fin en 1959 lorsque Disney comme la chaîne comprennent que l'émission coûte cher et ne rapporte pas assez. Malgré ce constat commun, la rupture du contrat se passe mal et Walt finit au tribunal pour récupérer les droits de ses productions. En homme créatif, il rebondit immédiatement et dès 1961, propose à la chaîne NBC Walt Disney’s Wonderful World of Color, la continuation de Disneyland (en France, la série ne change pas de nom et garde le nom du Monde merveilleux de Disney).

    L'animation en berne

    La période 1955-1965 est extrêmement chargée pour Walt, qui supervise le parc et ses nouvelles attractions, de nouveaux films, des courts et des longs métrages d'animation ainsi que des projets au long terme. Le studio continue d'exploiter la veine des films d'aventures avec Sur la piste de l'Oregon ou Le Troisième homme sur la montagne et va poursuivre les films éducatifs avec des courts métrages pédagogiques présentés par Jiminy Cricket, mais aussi avec des longs inspirés de faits réels comme Lueur dans la forêt (ancré dans le contexte du traité de paix colons/Natives en 1796) ou Les Dix audacieux (sur une expédition historique sur le fleuve Colorado en 1869). On retrouve également des longs métrages plus loufoques ou des histoires d'enfants et d'animaux, souvent des chevaux (La Revanche de Pablito, Tonka) ou des chiens (Fidèle Vagabond, Sam l'intrépide).

    Cette liste conséquente de productions a un effet surprenant sur Disney : avec la multiplication des projets télé ou cinéma en prises de vues réelles, les films d'animation disparaissent peu à peu du calendrier de sortie. Il est bon de noter que les quelques titres maintenus sont restés dans les annales et désormais considérés comme des classiques : La Belle au bois dormant et sa prise de risque esthétique (1959), Les 101 dalmatiens (1961) ou Merlin l'enchanteur (1963). Cependant, ces films ne sont pas égaux face au box-office puisque le premier des trois est déficitaire, le deuxième un triomphe et le troisième, à qui l'on rogne son budget, ne parvient pas à trouver un large public.

    De la même façon, le mélange "live et animation", très fréquent dans les années 40 ainsi qu'aux débuts du studio avec les Alice Comedies, disparaît dans les années 50, avec une scission entre les deux univers. Entre 1948 (Danny, le petit mouton noir) et 1964 (Mary Poppins), aucun long métrage en prises de vues réelles Disney ne contient la moindre trace d'animation. Mary Poppins est d'ailleurs un film qui tient particulièrement à coeur à Walt, et qu'il tente de monter depuis vingt ans. Le budget en est délirant, l'adaptation plutôt houleuse, mais le film est un succès phénoménal. Tel est l'état du studio au moment où la santé de Walt va commencer à décliner.

    Walt Disney Pictures

    Une santé qui faiblit mais tant de projets

    S'il fait attention en public à ne pas être filmé ou pris en photo avec une cigarette à la main, Walt fume trois paquets par jour. Sa fille Diane se souvient : "je n'ai pas une image de lui sans cigarette". Et le biographe Bob Thomas déclare : "Walt a résisté à tous les signes [indiquant] qu'il lui fallait arrêter de fumer. [Les cigarettes] faisaient trop partie de sa vie, étaient devenues nécessaires à [occuper] ses mains qui ne tenaient jamais en place. Il les fumait jusqu'à ce qu'elles soient presque trop courtes pour être tenues, parfois plus longtemps".

    C'est en novembre 1966 que Walt apprend que ses crises de toux très sonores et habituelles pour les employés de Disney cachent un cancer du poumon. Ce dernier est tantôt attribué à sa consommation de cigarettes, tantôt à une toux nerveuse ou aux deux : les théories s'affrontent. Quoi qu'il en soit, c'est avec cette maladie non encore officialisée que Walt travaille durant la première moitié des années 60. C'est une période faste pour le créateur, durant laquelle il est sur tous les fronts. Il prévoit des améliorations du parc Disney avec des attractions devenues iconiques comme Pirates des Caraïbes et développe son projet de ville du futur en Floride baptisée Disney World.

    Nous sommes en octobre 1966 lorsque Walt présente ses plans à la télévision. Il ressort de ce reportage que le terrain prévu fait plus de cinq fois la taille de Disneyland en Californie et deux fois la surface de l'île de Manhattan. Parmi les idées de Walt pour ce nouveau parc, on compte un "aéroport du futur", un complexe d'entrée, un parc industriel, un classique parc à thèmes, le tout relié par un train. Au coeur de ce Disney World se trouve une ville futuriste baptisée E.P.C.O.T. pour Experimental Prototype Community Of Tomorrow. Elle sera la vitrine des innovations scientifiques américaines et permettra aux gens de vivre "comme il n'est nulle part possible de vivre dans le monde", dixit Walt.

    Tous les détails sur ce projet pharaonique se trouvent dans ce film destiné aux investisseurs potentiels de l'époque et présentant les (grandes) ambitions du projet E.P.C.O.T. :

    Mais Walt ne s'arrête pas là, puisqu'il prévoit aussi à cette époque ce qu'il appelle le "Mineral King Ski Resort". Il a acheté un terrain dans la vallée de Mineral King en Californie en vue d'en faire une station de ski et de villégiature d'environ 50 km². Il présente l'idée lors d'une conférence de presse en septembre 1966, mais les services forestiers du Sequoia National Park ne l'entendent pas vraiment de cette oreille, et les négociations commencent avec le gouvernement fédéral pour trouver un arrangement.

    Ces projets coûteux et ambitieux prennent beaucoup de temps et d'énergie à Walt, qui continue de superviser les films -animés ou non- que son studio produit. Mais la maladie gagne du terrain et Walt ne parvient pas à freiner sa consommation de cigarettes. Le 2 novembre 1966, il est opéré et amputé du poumon gauche.  Le jeudi 15 décembre, il est emporté par un collapsus lié à son cancer du poumon à 65 ans.

    L'après Walt Disney

    Walt reçoit des hommages de partout dans le monde. Rappelons qu'il détient -et probablement pour longtemps- le record du plus grand nombre d'Oscars reçu par un seul homme avec 22 statuettes récoltées entre 1932 et 1969. Il en gagne d'ailleurs une posthume pour le court métrage Winnie l'ourson dans le vent, qui voit les habitants de la forêt des rêves bleus confrontés à une terrible tempête. Tout un symbole, car chez Disney au même moment, c'est un peu la panique.

    Les employés de Disney sont effondrés. Beaucoup témoignent du fait que Walt était si présent sur tous les fronts qu'à sa disparition soudaine (tout le monde ne le savait pas malade), ils se sont retrouvés perdus, sans savoir quoi faire et attendant des directives. Le frère de Walt, "Roy le comptable", prend les rênes du studio. Sa première décision d'importance est d'annuler le projet E.P.C.O.T. en délaissant l'ambition initiale de son frère pour faire du territoire acheté en Floride un nouveau parc d'attractions, qui sera inauguré le 1er octobre 1971 sous le nom de "Walt Disney World Resort". Roy décèdera quelques semaines après cette inauguration, le 20 décembre, à 78 ans.

    Capture d'écran

    L'ultime "classique" sur lequel Walt a apposé sa griffe est Le Livre de la jungle (1967), premier long métrage Disney à sortir après son décès et son film-testament. Le film lui est d'ailleurs dédié. Dans les années suivantes, les films d'animation Disney restent à la marge et ce, jusqu'à la fin des années 80. A l'inverse, les longs métrages en prises de vues réelles pullulent durant les années 70 et 80. Le dernier supervisé par Walt est The One and Only, Genuine, Original Family Band (1968), une histoire très américaine, centrée sur une famille démocrate dont l'une des filles tombe amoureuse d'un journaliste républicain.

    Le dernier épisode du Monde merveilleux de Disney présenté par Walt est l'épisode 14 de la saison 13, diffusé le 18 décembre 1966, soit trois jours après sa mort. Intitulé Disneyland Around the Seasons, il permet à Walt de façon posthume de présenter les dernières nouveautés du parc californien, dont une de ses attractions phares, It's a Small World. Un hasard de programmation qui peut être aujourd'hui interprété comme un message symbolique de sa part, envoyé au monde entier : "le spectacle doit continuer".

    Fin de notre saga !

    Cet article marque la fin de notre saga de l'été en quatre parties sur l'histoire du studio Disney de sa création à la mort de Walt. Pas de teasing de l'épisode suivant cette semaine donc, mais n'hésitez pas à rattraper ceux que vous auriez pu rater :

    Complétez cet article avec 5 choses méconnues à propos de Walt Disney :

    * pour des raisons de compréhension, il sera question de "Walt" lorsque nous parlons de la personne de Walt Disney et de "Disney" lorsqu'il s'agit de la firme dans son ensemble.

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