Taram, apprenti sorcier au pays enchanté de Prydain, doit empêcher le Seigneur des Ténèbres d'étendre sa domination maléfique. L'enjeu est le chaudron magique... Voir le film sur Disney+
Sorti en France le 27 novembre 1985, Taram et le Chaudron Magique, adapté des romans fantasy pour la jeunesse Les chroniques de Prydain, a failli tuer à lui tout seul le monde merveilleux de Disney. Il est à l'époque le film d'animation le plus cher de l'histoire, avec un budget avoisinant les 30 millions de dollars, et n'en rapporte que 21 millions, dont seulement 4 millions lors du premier week-end, le plaçant en 4e position derrière une ressortie d'E.T., Retour vers le futur et Bonjour les vacances II ! En France, il a tout de même séduit 3 millions de spectateurs, un chiffre correct (à titre de comparaison, 4 ans plus tard, La petite sirène totalise 3,7 millions d'entrées). Alors que le film fête ses 35 ans cette année, retour sur l'histoire de son naufrage annoncé, sur ce qu'il a changé chez Disney à tout jamais et sur sa réhabilitation !
La malédiction Taram
Quand Disney achète les droits d'adaptation des romans en 5 volumes en 1971, Taram est vu comme le nouveau Blanche Neige, le film qui va révolutionner la firme de Mickey et même la propulser vers une nouvelle ère. C'est pourquoi sa production est sans cesse repoussée. Disney s'en sert pour attirer de nouveaux talents, mais le chef du studio de l'époque, Ron Miller, estime que ses équipes ne sont pas encore assez mûres pour mener le projet à bien. Frustré, le dessinateur star Don Bluth et 13 de ses co-équipiers quittent le navire en 1979. Quelques anciens sont alors engagés pour prendre la relève, accompagnés de petits nouveaux sans encore aucune expérience, parmi lesquels... John Lasseter et Tim Burton !
Dès 1981, Disney passe à la vitesse supérieure et mise sur le fait que Taram puisse attirer les adolescents, un public qui ne regarde plus aussi massivement les productions de la firme qu'auparavant parce qu'il a grandi. A l'époque, les films d'aventure sont à la mode, notamment Les Aventuriers de l'Arche Perdue, il ne parait donc pas si risqué de se lancer dans un projet plus sombre, avec épées et sorcellerie. Les producteurs font alors preuve d'une grande ambition et souhaitent associer des nouvelles technologies au services du film. Mais à peu près tout finit par tomber à l'eau, notamment celle d'inclure une scène holograhique permettant d'amener les épeistes au sein du cinéma ! Trop coûteux. Une grève de dessinateurs courant 1982 dure dix semaines et fait prendre du retard au projet.
Gros chamboulement en 1984, alors que le film est en cours de finalisation : Ron Miller quitte Disney, remplacé par Michael Eisner et son adjoint Jeffrey Katzenberg. Les deux hommes souhaitent privilégier les films live et pensent même abandonner entièrement l'animation. Le deuxième, chef du studio, ne cache pas qu'il déteste Taram et le Chaudron Magique, au point de demander un nouveau montage, réduisant le film de 10 minutes, qu'il va gérer lui-même ! De nouvelles séquences sont réécrites et dessinées. Le montage final est chaotique, jusque dans la bande-originale saccagée. Taram doit sortir pour noël 1984 mais finit par être repoussé à l'été 1985. Avec le résultat que l'on connaît.
L'après Taram
Le flop de Taram et le Chaudron Magique marque la fin d'une façon de faire artisanale chez Disney. Les nouveaux patrons Eisner et Katzenberg déménagent les équipes et veulent des films moins chers et plus rapides à produire. Et ils ont changé d'avis ! L'animation est bel et bien la clé du future de la compagnie. Taram aurait pu tuer l'animation, il a finalement permis de la relancer. Dans un premier temps, la stratégie est très efficace et Disney produit pendant une dizaine d'années de nouveaux dessins-animés devenus cultes : La Belle et la Bête, Aladdin, Le Roi Lion et bien d'autres, qui à la fois renouent avec la tradition et explorent des terrains inédits.
Mais à partir de la fin des années 90, c'est une toute autre histoire... Chicken Little, Kuzco ou Volt marquent beaucoup moins les esprits. Après les résultats encourageants de Raiponce, c'est La Reine des Neiges qui relance tous les espoirs grâce à son succès phénoménal en 2013, puis sa suite puissante. En 2016, Zootopie puis Moana ont pour délicate mission de faire aussi bien et s'en sortent avec les honneurs.
Et si Taram n'était pas si mauvais ?
Alors certes Taram a floppé et n'est pas resté dans les mémoires, mais est-il si mauvais pour autant ? Si l'on prend en compte la malchance dont il a été victime, le vent de panique chez les exécutifs Disney qui l'a grandement transformé et, il est vrai, une réalisation pas toujours très inspirée, il en reste quand même quelque chose d'intéressant et qui a certainement une plus grand résonance aujourd'hui qu'il y a 35 ans. Trop avant-gardiste ?
Jugé trop sombre, violent -comme vous pouvez le constater avec la capture d'écran ci-dessus, Taram est le premier personnage Disney à avoir saigné après s'être pris une raclée !- beaucoup de parents n'ont pas voulu que leurs progénitures le voient. Certaines scènes ou personnages faisaient vraiment très peur au jeune public. Le bouche à oreille n'était pas bon. Les intrigues étaient également beaucoup plus complexes que dans un Disney classique, d'autant que les 5 livres ont été résumés en un seul film. Aucune suite n'était prévue à l'époque, en cas de succès.
Aujourd'hui, les choses seraient bien différentes. La vague des mangas, par exemple, est passée par là, mais aussi les grandes sagas cinématographiques type Harry Potter ou Le Seigneur des Anneaux. Même du côté de l'animation, un Shrek ou un Toy Story 3 vont bien plus loin dans leur contenu. C'est même à se demander si Taram ne mériterait pas une nouvelle adaptation en live, d'autant que l'oeuvre originale reste un classique de qualité, très riche, et Disney en possède toujours les droits ! Malgré des rumeurs en 2016, rien ne semble avoir concrètement avancé depuis...
La bande-annonce du film :