Occupant une place fondamentale dans son travail, l’utilisation de la musique a grandement contribué à la popularité des œuvres de Xavier Dolan, au point même de devenir une signature propre à son univers. À travers ses films, le réalisateur québécois associe des chansons, cultes ou méconnues, récentes ou plus anciennes, à ses images sophistiquées pour créer des séquences saisissantes et suspendues dans le temps. Il donne, grâce au son, une histoire, des mots à ses personnages et des souvenirs mémorables aux spectateurs. Des groupes de rock à Adèle, en passant par des reprises en tout genre, le cinéaste dévoile ses goûts personnels, mais brise surtout les frontières et les codes préétablis du cinéma traditionnel.
Réhabiliter la musique populaire
22 mai 2014. Xavier Dolan fait résonner Céline Dion dans le Grand Théâtre Lumière, à Cannes, lors de la projection de Mommy. Dans une scène phare du film - auréolé du prix du jury -, les trois personnages principaux entament une danse derrière le comptoir de la cuisine au rythme du titre On ne change pas de la diva québécoise. Avec cette idée étonnante, mais parfaitement assumée, il accomplit une petite révolution en invitant la variété française dans le monde du cinéma d’auteur. En 2012 déjà, il utilisait un autre tube de la chanteuse, Pour que tu m’aimes encore, dans une séquence de Laurence Anyways.
Le réalisateur se décomplexe totalement du mépris pour les chansons populaires et leur insuffle une nouvelle vie en les intégrant fièrement dans ses longs métrages. Dans Juste la fin du monde, sorti en 2016, il accompagne une nouvelle scène de danse avec un titre commercial, et pas des moindres, Dragostea din tei du groupe O-Zone, succès de l’été 2004. Un choix qui prête à sourire et qui, pourtant, trouve une place cohérente dans le contexte de la séquence et dans l’histoire qu’elle raconte.
Par la suite, Xavier Dolan continue de suivre ses instincts, sans prêter attention aux préjugés, et embrasse les grands succès de radio, comme Rolling In The Deep d’Adèle, chanson avec laquelle il ouvre son premier projet anglophone Ma vie avec John F. Donovan. Dans Matthias & Maxime, son huitième film, il se tourne plutôt vers Britney Spears, qu’il remercie même dans le générique de fin, et opte également pour un titre d’Eurovision avec J’ai cherché d’Amir, tube entraînant sur lequel ses personnages chantent à tue-tête dans leur voiture.
Les classiques des nineties
Si Xavier Dolan pioche dans différents styles et différentes époques, allant des années cinquante avec Maman la plus belle du monde de Luis Mariano pour J'ai tué ma mère, aux années soixante avec une reprise des Moulins de mon cœur de Michel Legrand pour Tom à la ferme, il s’inspire principalement des grands noms qui ont marqué son enfance dans les années quatre-vingt-dix. Moby, Oasis, Sarah McLachlan, blink-182… La liste est longue. De cette façon, la bande son de Mommy est majoritairement constituée de tubes de cette décennie, tous réunis sur une compilation utilisée par Steve, le personnage principal du film.
C’est aussi en piochant dans le cinéma et la télévision de cette période qu’il rythme ses films. Grand fan de la série pour adolescents Roswell, il découvre Dido, qui chante le générique du programme, et utilisera son titre White Flag, toujours dans Mommy. En clôturant Ma vie avec John F. Donovan sur l’air de Bitter Sweet Symphony du groupe britannique The Verve, Xavier Dolan renvoie les spectateurs à la célèbre fin de Sexe Intentions de Roger Kumble, teen movie culte de 1999, qui mettait en scène Sarah Michelle Gellar, Reese Witherspoon et Ryan Phillipe.
De la pop à la musique classique
Au-delà des grands succès populaires, le réalisateur laisse également parler son amour pour la musique classique, qui apporte un souffle épique et dramatique à ses films. Ainsi, Richard Wagner et Jean-Sébastien Bach offrent de belles envolées aux Amours Imaginaires, tandis que les œuvres de Ludwig van Beethoven et de Piotr Ilitch Tchaïkovski côtoient les tubes synthpop de Laurence Anyways.
C’est en s’inspirant du compositeur classique Franz Schubert que le musicien Jean-Michel Blais a conçu, à la demande du cinéaste, la bande originale de Matthias & Maxime. Fait plutôt rare au cinéma, la musique a principalement été créée avant le début du tournage. "Je testais des choses, il y avait une prise qu’il aimait et il partait avec. Il la jouait sur le plateau, il dialoguait là-dessus, enregistrait et allait faire son montage sur ce morceau.", expliquait le compositeur à AlloCiné en mai 2019. Alors que les notes de piano remplacent les paroles et les gestes de ses deux héros, Xavier Dolan démontre, une nouvelle fois, toute l’importance de la musique dans sa capacité à émouvoir et à raconter des histoires.
Découvrez la bande-annonce de "Matthias & Maxime" :