Le 20 juin 2000, le spectateurs français découvraient Gladiator au cinéma, quelques semaines après sa sortie dans les salles américaines. En mai dernier, pour Variety, une partie de l'équipe de ce péplum couronné de 5 Oscars a accepté de replonger vingt ans en arrière. Le réalisateur Ridley Scott - qui travaille sur une suite dont on ne sait que très peu de choses -, le scénariste David Franzoni et les comédiens Russell Crowe (Maximus), Connie Nielsen (Lucilla) et Djimon Hounsou (Juba), ont ainsi livré quelques anecdotes méconnues sur la manière dont le film a vu le jour.
C'est un tableau qui a convaincu Ridley Scott de faire le film
Au moment de proposer le projet Gladiator à Ridley Scott, plutôt que de commencer par lui présenter un script, le producteur Walter Parkes lui a montré la photo d'un tableau : Pollice Verso, une oeuvre peinte en 1872 par le Français Jean-Léon Gérôme. Littéralement, "pollice verso" signifique "pouce en bas", ce qui dans les arènes de gladiateurs signifiait que le public demandait la mise à mort du perdant. On y voir un gladiateur triomphant sous un casque, face à la foule qui son approbation pour que le combattant délivre le coup fatal à son adversaire. Immédiatement, le cinéaste accepte.
"Je suis un réalisateur très visuel, explique Scott à Variety. Parkes a sorti une photo d'un tableau d'un homme appelé Jean-Léon Gérôme (...), je l'ai regardé pendant un moment et c'était comme un flash. Lorsque vous avez mon expérience, vous pouvez prendre une décision en un éclair, et normalement elle est la bonne. Alors j'ai dit : 'Je vais le faire.' Parkes a répondu : 'Attendez, vous ne savez pas de quoi parle l'histoire.' J'ai assuré : 'Je m'en fiche, je vais le faire' et c'était tout."
Des inspirations venues du cinéma étranger
L'idée de Gladiator s'est imposée au scénariste David Franzoni au cours d'un voyage à moto à travers le monde. Pendant ce périple, il a été inspiré par les nombreux amphithéâtres et arènes croisés en chemin et par la rencontre à Badgad d'une femme australienne qui lui a fait découvrir l'ouvrage Those About to Die ("Ceux qui vont mourir") de Daniel P. Mannix sur les jeux romains. "Quand j'ai lu le livre, ce n'était pas l'histoire de Gladiator, mais une manière de se connecter à compréhension qui ils étaient et comment ils vivaient, se souvient-il. Il était très clair que le Colisée et les arènes étaient comme des stades."
Décidés à ne pas faire un péplum classique, le scénariste et le réalisateur se sont tournés vers le cinéma étranger : "Certains des films que Ridley et moi avons regardés et dont nous avons parlé étaient À l'Ouest, rien de nouveau, La dolce vita - pour la bourgeoisie romaine corrompue - et Le Conformiste. Nous n'avons parlé d'aucun de ces films sur l'épée et la sandale. Le seul péplum que je suis sûr que Ridley a vu était Satyricon."
Les comédiens sont intervenus dans les nombreuses réécritures
Avant, et pendant le tournage, le scénario n'a cessé d'être réécrit et les comédiens ont pu intervenir et donner leurs idées. Connie Nielsen raconte ainsi que Ridley Scott lui a téléphoné pour lui demander ce qu'elle pensait d'une version du script : "Je lui ai fait remarquer qu'il y avait de gros anachronismes. Par exemple, j'avais une réplique où il était simplement dit l'État policier et j'ai dit : 'Hum, l'État policier ? Voulez-vous que j'utilise cette expression ?' Ou bien 'mettez-la dans un musée'. Je ne pense pas qu'à l'époque les gens employaient le mot musée de la même manière qu'aujourd'hui."
De son côté, Djimon Hounsou se rappelle que le script initial le présentait comme "le chef des esclaves". Il a alors signalé que selon lui, il "ne devrait pas être la définition de l'esclavage". "L'esclavage n'existait pas à l'époque, précise-t-il. Alors, de quoi parlons-nous vraiment ? D'utiliser des êtres humains pour divertir les autres en combattant et toutes ces personnes étaient considérées comme des esclaves."
Connie Nielsen se souvient également que son partenaire Richard Harris (Marc-Aurèle) a suggéré que Lucilla utilise un éventail pour la scène où elle et Commode arrivent en voiture à cheval sur le champ de bataille. "Nous nous apprêtions à tourner la scène de la voiture et Harris m'a dit : 'Oh, vous savez, les gens à l'époque ne se lavaient pas, alors je parie que Commode sent terriblement mauvais dans cette voiture. Vous savez ce qu'elle aurait fait, à l'époque, elle aurait pris un petit bouquet d'herbes séchées.' (...) Je suis allée voir Ridley (...) et il s'est dit : 'Absolument, faisons-le.'"
Le travail de réécriture s'est donc poursuivi, en collaboration avec les acteurs, tout au long du tournage. "Pendant le tournage, j'ai rencontré Russell, commente David Franzoni. On se voyait presque tous les jours pour parler des scènes avant d'aller filmer. Je me souviens qu'une fois, nous étions assis par terre, à dessiner des choses dans le sable. C'était une manière très 60s de faire un film."
La disparition d'Oliver Reed (Proximo) pendant le tournage
L'acteur Oliver Reed, qui interprétait Proximo, est mort au milieu du tournage. Alcoolique, il avait promis à Ridley Scott de ne pas boire pendant le tournage, mais il allait se saouler dans un bar de La Valette [à Malte, où était tourné le film, ndr] tous les week-ends. "Un dimanche matin, il est tombé mort sur le sol du pub, raconte Ridley Scott. Il avait probablement bu quelques pintes et a dit : 'Je ne me sens pas bien', il est tombé par terre et il est mort. David Hemmings [qui jouait Cassius] avait promis de veiller sur lui et m'a dit : 'Je suis vraiment désolé, mon vieux.' Joaquin [Phoenix] était très attaché à Oliver et il a été très affecté."
"Il est dans ce bar et là l'équipe du film arrive. Il met tout le monde au défi d'une sorte de débauche de picole. Il boit, s'évanouit et meurt, se souvient Franzoni. J'ai toujours sa note du pub, d'ailleurs." On est trois semaines avant la fin du tournage et une clause dans le contrat d'assurance permet à Ridley Scott de réaliser les dernières scènes de Reed avec un autre acteur, mais finalement, le cinéaste décide de réécrire le scénario, de faire mourir le personnage et d'avoir recours à des effets visuels et à des retouches numériques pour intégrer son visage sur le corps d'une doublure. Le film lui est dédié.
Un tournage éreintant
Au terme de six mois de tournage, après avoir dépensé un budget de 103 millions de dollars, construit un décor de près de 30 mètres de haut pour reconstituer le Colisée, le film est enfin en boîte. Un expérience d'une intensité rare, éreintante pour toute l'équipe et surtout pour les acteurs. "Quant vous roulez sur le sol dans des séquences de combat gigantesques, avec des centaines de mouvements de chorégraphie, que vous avez affaire à des chevaux, des tigres (...), bien sûr, il y aura des blessures, observe Russell Crowe. Mais quand vous êtes plus jeune, vous êtes en caoutchouc et vous pouvez à nouveau rebondir."
Lorsqu'il abandonne son armure de gladiateur et quitte le personnage de Maximus, une performance qui lui vaudra de remporter l'Oscar du meilleur acteur en 2001, l'acteur néo-zélandais n'en peut plus : "Je me souviens, quand je suis rentré chez moi après ce tournage et que ma mère m'a demandé : 'Comment te sens-tu ?' J'ai dit : 'Je me sens vraiment comme un joueur de football qui a joué une saison de trop.'"
La bande-annonce de Gladiator :