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    Mon nom est clitoris : un documentaire qui dynamite les clichés sur la sexualité féminine
    Vincent Garnier
    Vincent Garnier
    -Rédacteur en chef
    Cinéphile omnivore, Vincent « Michel » Garnier se nourrit depuis de longues années de tous les cinémas, sans distinction de genres ou de styles. Aux côtés de Yoann « Michel » Sardet, il supervise la Rédac d’AlloCiné et traque les Faux Raccords.

    Rencontre avec Lisa Billuart Monet et Daphné Leblond, les deux réalisatrices du documentaire "Mon nom est clitoris", exploration sans complexe ni fausse pudeur du plaisir au féminin. Maintenant disponible en DVD.

    La Vingt-Cinquième Heure

    AlloCiné : Comment est né le projet de Mon nom est clitoris ?

    Lisa Billuart Monet : C’est parti d’une discussion personnelle entre Daphné et moi. Nous étions à Istanbul, et en visitant le palais de Topkapi, nous avons commencé une longue conversation sur notre sexualité, en particulier sur deux choses, où nos expériences se sont rejointes : l'interdiction et le tabou de la masturbation, et l'obligation de la pénétration dans les rapports hétérosexuels. À la fin de la visite, et de cette longue conversation, on s’est dit qu’il serait salutaire pour beaucoup d’entre nous d’en faire un film, et que d’autres que nous avaient sûrement besoin ou envie de ce dialogue. Et puisqu'on avait très envie de voir ce film qui n'existait pas, on s'est dit qu'on allait le faire nous-mêmes.

    Daphné Leblond : C'est ce que dit Toni Morrison : "S'il y a un livre que vous voulez vraiment lire, mais qu'il n'a pas encore été écrit, c'est à vous de l'écrire". L'envie est vraiment partie de nos obstacles et nos difficultés sexuelles personnelles. On s'est aperçues qu'on avait attendu l'une et l'autre d'avoir passé 20 ans pour parler de masturbation. C'est grave.

    Comment avez-vous sélectionné les témoins qui participent au film ?

    Lisa Billuart Monet : Au début, on a testé le dispositif avec des amies proches, avec qui nous avions pu en parler, avec lesquelles nous avions déjà une relation de confiance. La contrainte du témoignage face caméra nous paraissait à nous-mêmes énorme ! Puis on a fait marcher le bouche à oreille, il y a beaucoup d'amies d'amies dans le film, et nous avons aussi posté quelques annonces sur les réseaux sociaux.

    Daphné Leblond : Ensuite, on s’est interrogées sur les profils que l’on voulait mettre en scène. Notre féminisme est intersectionnel, c'était essentiel de parler des problèmes liés au racisme, à la lesbophobie, la biphobie, la grossophobie... Bien sûr, on sait qu'avec 12 personnes, nous n'avons malheureusement pas pu représenter tout le monde.

    La parole est libre dans votre documentaire. Comment êtes-vous parvenues à ce résultat avec vos intervenantes ?

    Lisa Billuart Monet : Je pense que le choix du cadre, leur chambre, y est pour beaucoup. Il fallait un endroit où les jeunes femmes se sentent chez elles, en sécurité, pour rendre leur parole plus fluide et plus naturelle. Ce qui a aussi aidé, et qu'on ne voit pas dans le film, c'est que Daphné et moi on parle aussi beaucoup de nos sexualités pendant l'interview, c'était un échange, un véritable dialogue entre nous. Puisque nous sommes traversées par les mêmes questions, que nous avons le même âge, il y a un effet miroir avec les intervenantes : il n'y a pas d'expertes, nous avons chacune à apprendre des autres.

    Daphné Leblond : On n'a pas toujours l'occasion de faire des documentaires miroirs comme celui-ci, où l'on peut s'identifier entièrement à ses protagonistes ; c'est une très belle expérience que je recommande. Je suis persuadée que le fait de commencer par se livrer soi-même avec sincérité et transparence ouvre les possibles de l'échange intime, y compris avec des inconnu·es. C'est un pacte de confiance entre cinéastes et protagonistes. Nous n'avons pas cherché à les convaincre, ça allait contre la démarche ; il fallait que les femmes soient volontaires.

    La sexualité féminine reste le "continent noir" encore aujourd'hui. Comment l'expliquez-vous ?

    Daphné Leblond : Le capitalisme et le patriarcat sont fondés sur un système de dominations qui leur permet de se maintenir en place. La prospérité des uns est due à la domination et l'exploitation des autres. Pour nous, cette ignorance généralisée - y compris chez les femmes comme le montre le film - trouve ses racines dans le sexisme, mais aussi le racisme, le classisme, le validisme, qui fonctionnent ensemble, et maintiennent cet ordre établi fondé sur des inégalités.

    Lisa Billuart Monet : Refuser l'indépendance et l'autonomie sexuelle aux femmes est un moyen très efficace pour les maintenir dans cette position de subordonnée : si on arrive à contrôler la vie intime des femmes, on peut contrôler tout le reste ! Je suis persuadée que la réappropriation de son corps et de sa sexualité est une des premières étapes vers l'égalité à tous les niveaux entre les femmes et les hommes.

    Préparez-vous un "Mon nom est encore Clitoris" ?

    Daphné Leblond : On développe deux projets de films, l'un sur la sexualité masculine et l'autre, plus proche d'un "Mon nom est encore Clitoris", sur la sexualité des femmes de plus de 50 ans.

    Lisa Billuart Monet : D'ailleurs, nous commencons à rechercher des personnes prêtes à témoigner, si vous avez envie d'y paticiper n'hésitez pas à nous écrire sur la page facebook mon nom est Clitoris !

    La bande-annonce de Mon nom est Clitoris :

     

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