Avant Parasite, géniale Palme d'or du crû 2019, succès public et critique incontestable, de nombreux autres films méritant le coup d'oeil ont été primés par le passé. Nous en avons retenu 12, des très connues, d'autres un peu moins. L'occasion de se faire une séance de rattrapage en l'absence de festival cette année, ou de revoir quelques unes des Palmes d'or les plus appréciées du public, à l'instar de Pulp Fiction.
Pulp Fiction (1994)
Avec Pulp Fiction, son deuxième film qui raconte l'odyssée sanglante et burlesque de petits malfrats dans la jungle de Hollywood, à travers trois histoires qui s'entremêlent dans une narration à la chronologie déconstruite, Quentin Tarantino crée l'événement lors du festival de Cannes 1994. A la surprise générale, il remporte la Palme d'or, au nez et à la barbe des deux favoris de la presse, qui sont alors Soleil trompeur de Nikita Mikhalkov et le troisième volet des Trois couleurs de Krzysztof Kieslowski, Rouge. Selon la légende, le président Clint Eastwood aurait réalisé un véritable hold-up, imposant son coup de coeur aux autres membres du jury. Lorsque le prix est annoncé, la salle est divisée : certains applaudissent, d'autres huent et Tarantino, en montant sur scène, n'hésite pas à adresser un doigt d'honneur à une femme qui le siffle.
Disponible sur Netflix, MyCanal et OCS
Blow Up (1966)
Inspiré de la nouvelle Les Fils de la Vierge de Julio Cortázar, Blow Up est l’unique Palme d’Or du cinéaste italien Michelangelo Antonioni. Après de nombreux récits en Italie, ce long-métrage marque l’envol du réalisateur qui s’ouvre à des projets internationaux. Véritable témoignage de l’époque londonienne des sixties, Blow Up suit le délire existentiel de Thomas (David Hemmings), un photographe de mode inspiré du célèbre David Bailey, hanté par ses clichés pris dans un parc qui y dévoile un cadavre. Alors que ses photos lui sont volées, la scène de crime et les événements qui s’enchainent vont obnubiler le photographe qui perd tout sens des réalités. Jane Birkin y fera une apparition très remarquée dans une séquence où elle est totalement nue, une première pour le cinéma anglais. Le film a marqué son époque tant par sa mise en scène que pour son jeu des points de vue qui ont inspiré d’autres grands cinéastes par la suite qui ont réalisé des sortes de réponses à Blow Up : Francis Ford Coppola et son Conversation Secrète, Brian De Palma et son Blow Out mais aussi Dario Argento et son giallo Les Frissons de l’angoisse.
Disponible sur Canal VOD
La Leçon de Piano (1993)
Troisième long-métrage de Jane Campion, La Leçon de Piano est un film franco-australo-néo-zélandais adapté d’Histoire d’un fleuve en Nouvelle Zélande de Jane Mander. Dans ce film, l’héroïne Ada (Holly Hunter), est une femme devenue muette à la mort de son premier mari. Envoyée au fin fond du bush néo-zélandais avec sa fille Flora (Anna Paquin) pour rejoindre son nouveau compagnon, Ada va peu à peu se laisser séduire par son voisin illettré Baines (Harvey Keitel) qui est en possession de son précieux piano, seul objet qui la maintient encore en vie. Ode à la passion et au désir de vivre, La Leçon de Piano est un classique du cinéma qui bouleverse par sa poésie, sa musique, son esthétique délicate et le tourbillon d’émotions qui traverse les personnages. La mise en scène classique mais intense permet de rendre hommage à cette romance sensuelle, brûlante et intimiste entre deux êtres perdus. Multi récompensé, La Leçon de Piano, porté par un casting impeccable, reste à ce jour la seule Palme d’or remise à une réalisatrice.
Disponible sur Canal VOD
Elephant (2003)
Dans Elephant, Gus Vant Sant se saisit d'un terrible fait divers : la fusillade du lycée Columbine, en 1999, au cours de laquelle douze lycéens et un professeur ont été abattus par deux adolescents. Le cinéaste choisit d'adopter le point de vue de plusieurs de ces jeunes gens pour relater, à coups de plans-séquence immersifs et de travellings inquiétants, comment une journée tout à fait ordinaire a basculé dans la tragédie la plus sanglante. Le film divise, mais au terme d'une quinzaine vivement critiquée, la sélection ayant été jugée très décevante par les critiques et médiocre par le président du jury Patrice Chéreau, Elephant repart non seulement avec la Palme d'or, mais aussi avec le prix de la mise en scène. Un tel cumul de prix ne serait plus possible aujourd'hui, le règlement actuel stipulant que seuls les prix du scénario et du jury peuvent se cumuler avec un prix d'interprétation sur dérogation du président du festival.
Disponible sur MyCanal et OCS
Marty (1955)
Sur le papier, l’histoire d’un boucher trentenaire en proie à la solitude n’a pas forcément de quoi attirer les foules. Pourtant, le réalisateur Delbert Mann arrive à saisir ce qui fait l’essence du film : Marty est jugé laid par ses amis, ses clients et sa propre mère. C’est cette laideur supposée, superficielle, qui pourrit la vie du jeune homme, au point qu’il envisage sa vie seul et reclu. Sa rencontre avec une institutrice, elle aussi avec une sensibilité à fleur de peau, rend leurs échanges savoureux et leur duo terriblement attachant. Superbes interprétations d’Ernest Borgnine dans le rôle-titre ainsi que Betsy Blair dans celui de l’institutrice. Marty est l'un des trois longs métrages à avoir obtenu la Palme d'or du Festival de Cannes et l'Oscar du Meilleur film avec Parasite et Le Poison (voir ci-dessous).
Disponible en DVD, Blu-ray et en VOD sur iTunes
Le Poison (1945)
L’écrivain Don Birnam aurait dû passer le week-end avec sa fiancée et sortir, mais il préfère rester avec sa bouteille d’alcool. Le décor du Poison est planté, Birnam est alcoolique et pour avoir sa dose, est prêt à voler et s’enfonce de plus en plus. Billy Wilder apporte avec sa mise en scène un regard clinique sur son sujet (qu’il a lui-même choisi) et propose plusieurs moments magnifiques sur le thème de l’enfermement et du cercle vicieux. Si ce film de Wilder n’est pas son plus connu, il est l’un de ceux qui explorent le mieux le thème de la lâcheté. Car Birnam est placé non pas en victime mais en responsable de sa déchéance et des humiliations qu’il subit tout au long du film. Saura-t-il se tirer d’affaire ? Va-t-il sombrer jusqu’à la mort ? Nous laissons les réponses à la curiosité du spectateur.
Disponible en DVD et Blu-ray
Entre les murs (2008)
Après 21 années sans Palme d'or française, Entre les murs créait l'exploit de succéder à Sous le soleil de Satan de Maurice Pialat. La Palme d'or en 2008, qui a aussi réalisé un joli succès critique et public (1.617.536 entrées) est un film accessible et qui parlera à tous puisqu'il suit tout simplement le quotidien d'une salle de classe, menée par son vrai professeur (François Bégaudeau) devant ses vrais élèves. C'est l'approche réaliste et documentaire du long métrage de Laurent Cantet qui en fait sa force. Le cinéaste avait déjà frappé fort avec l'un de ses précédents longs métrages, Ressources humaines, film coup de poing dans le monde de l'entreprise, avec déjà cette approche saisissante et réaliste.
Disponible sur MyCanal et Amazon Prime
Sailor et Lula (1990)
Une Palme d’Or peut être rock’n’roll, et David Lynch l’a prouvé avec Sailor et Lula, road-movie amoureux torride et violent en forme de relecture du Magicien d’Oz où la folie de Nicolas Cage et la grâce de Laura Dern font bon ménage. Électrique et furieux comme un riff de guitare, barré, surprenant, parfois surréaliste et plus accessible que certains des films de son auteur, il constitue une bonne porte d’entrée sur l’œuvre de ce dernier, et tord le coup à cette idée reçue selon laquelle la Compétition cannoise ne serait réservée qu’à des longs métrages pesants et ennuyeux. Le voyage est haut en couleurs, mais il vaut le coup de prendre son billet.
Disponible en VOD
Le Troisième homme (1949)
A l'époque, on ne parlait pas de Palme d'Or mais de Grand Prix du Festival international du Film. Une appellation plus longue mais qui ne change rien au fait qu'en 1949, Le Troisième homme de Carol Reed a surclassé la concurrence. Et c'est mérité tant ce polar, qui inscrit le genre dans les ruines de la Seconde Guerre Mondiale en Europe, n'a rien perdu de sa force ni de sa modernité. Il y a ce noir et blanc splendide, ces angles penchés (les "dutch angles", en vogue au temps de l'expressionnisme allemand et que l'on retrouvera chez Tim Burton, Brian De Palma ou le Kenneth Branagh de Thor) qui soulignent l'étrangeté de la situation dans laquelle le personnage principal est plongé, la musique entêtante d'Anton Karas à la cithare, la première apparition d'Orson Welles (également co-scénariste) et les nombreux rebondissements que nous offre le récit. Si le postulat paraît vu et revu (un écrivain minable enquête sur la mort de son ami à Vienne), le résultat reste fascinant et passionnant après plusieurs visionnages. Un chef-d'œuvre noir, un vrai.
Disponible sur MyCanal
Kagemusha, l'ombre du guerrier (1980)
Figure majeure du cinéma japonais, Akira Kurosawa avait rencontré le succès au cours des années 50 et 60 avec une pluie de chefs d'oeuvre parmi lesquels Rashômon, Les Sept samouraïs, La Forteresse cachée ou encore Le château de l'araignée. C'est donc à l'âge avancé de 70 ans que sa carrière va connaitre un nouvel élan avec le tournage de ses premiers films en couleur Kagemusha et Ran, des fresques historiques à gros budget réunissant toutes les obsessions du maître nippon. Avec l'appui des cinéstes américains George Lucas et Francis Ford Coppola, dont les films se sont grandements inspirés de la filmographie de leur confrère japonais, Kurosawa signait avec Kagemusha l'un de ses ultimes chefs d'oeuvre, sacré Palme d'or en 1980 à égalité avec Que le spectacle commence (la légende prétend que la Palme avait été promise avant même le début du festival par le président du jury Kirk Douglas à son ami Bob Fosse).
Disponible en vidéo à la demande
Taxi Driver (1976)
S'il a longtemps couru après un Oscar finalement décerné en 2007 avec Les Infiltrés, Martin Scorsese n'a en revanche guère tardé pour se faire remarquer sur la Croisette avec une Palme d'or décernée à Taxi Driver dès 1977. Figure de proue du Nouvel Hollywood, ce polar enfiévré - autobiographie partielle du scénariste Paul Schrader - a grandement contribué à la notoriété internationale de Robert De Niro qui y trouvait là un de ses premiers rôles principaux au cinéma, mais également à mettre en image le climat paranoïaque d'une Amérique post-vietnam où les inégalités sociales donnaient lieu à une montée de la violence dans les grandes villes, particulièrement à New York alors ville avec le taux de criminalité le plus élevé au monde. Le film a d'ailleurs indirectement inspiré les actes de John Hinckley Jr., un déséquilibré obsédé par le personnage de Jodie Foster, qui a tiré sur le président Ronald Reagan en 1981.
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Apocalypse Now (1979)
Second Palme d'or remportée par Francis Ford Coppola après Conversation secrète en 1974, Apocalypse Now est sans nul doute l'un des films les plus controversés dans l'Histoire du Festival de Cannes. Projeté sur la Croisette au terme d'un tournage cauchemardesque (longuement retracé dans le documentaire Aux cœurs des ténèbres : L'Apocalypse d'un metteur en scène), Apocalypse Now est projeté dans une version non-définitive, tandis qu'une rumeur souvent démentie prétend aujourd'hui encore que Coppola n'accepta de diffuser le film à Cannes qu'à la seule condition de se voir remettre la Palme. Côté coulisses, le Festival connait cette même année un drôle de feuilleton puisque la présidente du jury Françoise Sagan quitte Cannes avant même la fin du festival, persuadée qu'il ne lui sera pas permis de récompenser le meilleur film à ses yeux : Le Tambour de Volker Schlöndorff. La décision est finalement prise de récompenser les deux films, tous deux sacrés Palme d'or... en l'absence de l'écrivain qui aura au passage quitté la Croisette sans penser à régler sa mirobolante note d'hôtel...
Disponible en vidéo à la demande