Retour en musique et en anecdotes sur la carrière de Vladimir Cosma... Le grand compositeur nous avait accordé il y a quelques temps un long entretien, à la veille d'une tournée pour ses 50 ans de succès, pour partager quelques uns des temps forts de sa filmographie, notamment pour s'exprimer sur ses sources d'inspiration ou évoquer des coulisses de création. A l'occasion de ses 80 ans, nous vous invitons à (re)découvrir des extraits de cette interview.
La Boum (1980)
"La proposition de La Boum est venue pendant que j'étais en vacances à St Jean Cap Ferrat. C'était des vacances studieuses, car en même temps, j'étais en train d'écrire la musique du Coup du parapluie, un film de Gérard Oury avec Pierre Richard, et Inspecteur la bavure de Claude Zidi, avec Coluche et Gérard Depardieu. Donc j'étais submergé de travail, et puis il y a ce scénario de La Boum qui arrive dans lequel il n'y avait pas d'acteurs tellement connus. C'était un film sur les jeunes qui me semblait venir un peu tard, car c'était un moment où l'on avait fait beaucoup de films sur les émois des jeunes, et j'avais fait peut être le premier qui était Les Zozos de Pascal Thomas. Il ne faut jamais avoir des espèces d'a priori comme ça.
Comme je n'avais pas le temps, j'ai dit que je ne pouvais pas le faire. Je reçois un coup de téléphone d'Alain Poiré qui était le grand producteur de la Gaumont qui me dit d'un ton très autoritaire : 'Monsieur Cosma, vous ne pouvez pas faire que les grands films à la Gaumont. Quand on a besoin de vous pour des films moins importants, sans vedette, on vous demande de le faire. Dans une semaine, il faut envoyer des musiques pour des playbacks car il y a des scènes de danse'. Voilà, c'était un ordre ! Il avait raison dans son jugement. Et ça a été une leçon pour moi car c'est très difficile de juger un film sur un scénario. Un film, c'est comme un miracle. Souvent, j'ai eu ce genre de succès extraordinaires avec des films qui n'étaient pas a priori destinés à faire ces succès. Je pense à Diva aussi par exemple"
Les Aventures de Rabbi Jacob (1973)
"Louis de Funès m'a envoyé un courrier après la sortie des Aventures de Rabbi Jacob, une lettre très émouvante. C'est une des seules lettres que j'ai reçu de la part d'une énorme vedette, qui me remerciait, qui me disait que j'étais un grand monsieur, que la musique était géniale, que ça emporte le film, que ci, que ça... C'était très touchant, surtout venant de sa part, et venant de quelqu'un qui était musicien lui-même. Puisque De Funès était à l'origine pianiste de bar. Il n'était pas un simple mélomane, il était un professionnel. Ca m'a beaucoup touché. A la sutie de ça, j'ai travaillé plusieurs fois avec lui, sur L'Aile ou la cuisse ou La Zizanie."
La Gloire de mon père (1990)
"J'ai eu une période de 3 mois pour trouver l'idée de ce que doit être la musique de La Gloire de mon père. Je savais ce que je ne voulais pas faire. Je ne voulais pas faire une musique méditerranéenne, carte postale, avec des choses qu'on imagine de Marseille. Je voulais élargir l'univers de Pagnol, d'une part. D'autre part, je ne voulais pas faire une musique typiquement enfantine, sous prétexte que ce sont des souvenirs d'enfance, et imaginer une musique un peu caricaturale telle qu'on la fait pour les enfants.
Trouver ce qu'il fallait faire était beaucoup plus difficile. (...) Il fallait que ma musique soit suffisamment large pour accompagner ce générique où l'on ne voit que des montagnes, mais que ce ne soit pas trop ample, trop énorme, pour écraser le film. Jusqu'au moment où je suis arrivé à l'idée de la Habanera. Pourquoi la Habanera ? Parce qu'au moment où Pagnol a écrit ses souvenirs, dans les années 30, les compositeurs s'inspiraient beaucoup de la musique espagnole, du flamenco, Ravel, Debussy... Le côté dansant donnait une légèreté.
Au lieu de faire une Habanera rythmée par des instruments, des percussions habituelles, de le faire avec des cigales, je suis allé à Marseille les enregistrer, pour pouvoir faire des plans sonores. J'ai remplacé chaque instrument que j'avais écrit pour des percussions classiques avec ces différentes sonorités de cigales que j'ai samplé en mesure et j'ai superposé à mon orchestre symphonique. Donc ça donne une couleur méditerranéenne."
Les sous-doués en vacances (1982) / Le Père Noël est une ordure (1982)
"La chanson Destinée a une histoire particulière. J'ai écrit cette chanson pour Les Sous-doués en vacances, un film de Claude Zidi dans lequel Guy Marchand jouait le rôle d'un crooner. La chanson est devenue un très gros succès suite au film. Un an plus tard, on me demande la musique du Père Noël est une ordure. Je faisais toute la musique du film, sauf le slow qui était dansé par Christian Clavier et Thierry Lhermitte, qui devait être une chanson préexistante de Julio Iglesias.
Et puis, pendant le mixage du film, je reçois un coup de téléphone catastrophique de Jean-Marie Poiré qui était le metteur en scène : 'Vladimir, c'est la cata, on n'a pas les droits de Julio Iglesias, ils ne veulent pas nous céder la chanson. Est-ce que tu n'aurais pas une chanson qui peut coller à cette scène ?' J'ai exactement une chanson qui pourrait coller, mais il faut évidemment l'accord de Guy Marchand et des paroliers, Guy Marchand et Philippe Adler, et surtout l'accord de Claude Zidi, le metteur en scène [des Sous doués en vacances]. Pour Zidi, il n'y avait aucun problème. Donc la chanson a été mixée dans le film.
Il faut dire qu'à l'époque, les reprises de musiques préexistantes étaient assez exceptionnelles. Maintenant, on en entend partout. La chanson est redevenue n°1 dans les charts suite à la sortie de ce nouveau film. Donc la chanson a deux papas si on peut dire"