De quoi ça parle ?
Quand une coach glaciale débarque dans le lycée d'une petite ville du Midwest américain pour entraîner l'équipe de pom-pom girls menée par Beth et sa meilleure amie Addy, et leur permettre de passer au niveau supérieur, c'est l'amitié qui vacille et la loyauté qui bascule. Jusqu'à un événement tragique qui va chambouler toute la ville.
Dare Me, créée par Gina Fattore et Megan Abbott d'après le roman éponyme écrit par cette dernière.
Avec Willa Fitzgerald, Herizen Guardiola, Marlo Kelly, Rob Heaps, Zach Roerig, ...
Disponible sur Netflix depuis le vendredi 20 mars. 10 épisodes vus sur 10.
À quoi ça ressemble ?
Ça vaut le coup d'oeil ?
"L'ennui peut être dangereux, surtout chez les adolescentes". Cette phrase, qui ouvre la série via un monologue en voix-off d'Addy, l'une des héroïnes, pourrait presque résumer à elle seule Dare Me, nouvelle série ado qui dresse le portrait d'une petite ville du Midwest, de sa jeunesse perdue, et de l'univers impitoyable du sport à grands coups de drame psychologique et de suspense à tiroirs (et à rebours). Lancée en décembre dernier outre-Atlantique sur la chaîne américaine USA Network, cette série en 10 épisodes imaginée par Gina Fattore (Dawson, Californication) et Megan Abbott, qui adapte son propre roman, débarque à l'international - et donc en France - sur Netflix et possède toutes les cartes pour devenir votre nouvelle obsession sérielle. À condition d'être prêt à être déconcerté, bousculé, et mis mal à l'aise par un récit qui dès son premier épisode exigeant prouve qu'il se place dans le haut du panier des teen dramas et qu'il n'a rien à voir avec Les Frères Scott ou Hellcats, contrairement à ce que pourrait laisser penser son univers regorgeant de sportifs et de pom-pom girls.
La scène d'ouverture du pilote, intrigante à souhait, pose les bases d'un mystère très flou, dont les pièces du puzzle vont s'assembler au fil de la première saison, non sans nous réserver quelques twists et surprises. Tout juste saisit-on au début qu'un événement très certainement tragique va venir perturber la vie d'Addy et de ses amis. Meurtre ? Accident ? Suicide ? Tout semble possible mais ce n'est finalement pas là l'intérêt principal de Dare Me qui se sert de cette "destination" pour dessiner un "voyage" qui se révèlera vite être en fin de compte le coeur palpitant de la série. Car Dare Me est avant tout l'histoire de l'amitié fusionnelle, co-dépendante, et possiblement charnelle entre Addy et Beth, deux meilleures amies, stars de l'équipe de cheerleaders (ou pom-pom girls) du lycée de Sutton Grove, qui vont voir l'ordre établi de leur relation totalement chamboulé par l'arrivée de leur nouvelle coach, Colette French (un "nom d'actrice porno" selon Beth), qui va venir menacer l'emprise que Beth a sur Addy en développant une relation de mentor/élève (et pas que) avec cette dernière, tout en relèguant Beth, anciennement capitaine autoproclamée, au second plan de l'équipe. Et de la vie d'Addy.
Malgré un rythme un peu lent et une tendance à vouloir étirer au maximum son mystère principal, Dare Me nous happe grâce à une esthétique léchée (qui rappelle par moments Friday Night Lights dans sa manière de filmer l'Amérique profonde vibrant au rythme du sport - et le fait que Peter Berg en soit l'un des producteurs n'y est sûrement pas pour rien) et grâce à une vision désenchantée d'une jeunesse à la dérive, qui semble chercher une forme d'évasion et de liberté dans les excès en tous genres. Dès le premier épisode, la façon de filmer et de raconter Addy, Beth, et toutes celles qui gravitent autour d'elles a évidemment un petit quelque chose d'Euphoria - sensation ado de l'année dernière signée HBO - mais Dare Me repose bien plus sur l'intrigue que la série avec Zendaya, qui est avant tout motivée par ses personnages ("character driven"), voire motivée par une esthétique poussée à l'extrême (mais c'est un autre débat). Car de cette adolescence qui s'ennuie et craint de rester à jamais coincée dans cette ville d'où les seuls échappatoires semblent être la mort ou un enrôlement dans l'armée, Dare Me tire une vraie substance et une multitude de ressorts scénaristiques qui précipitent Addy, Beth, et Colette dans une spirale faite de rivalités, de rancœurs, de mensonges, et en fin de compte, de drame inévitable.
Willa Fitzgerald, révélée au grand public par la série Scream, étonne et trouve probablement son meilleur rôle dans la peau de la glaciale et hitchcockienne Colette French, qui sous le vernis cache des rêves brisés et un comportement d'ado qui la rapproche finalement de celles qu'elle entraîne. Face à elle, Herizen Guardiola confirme tout le bien qu'on pensait d'elle dans The Get Down et donne corps et voix (les voix-off poétiques, c'est elle) à la malléable Addy, totalement envoûtée par sa nouvelle coach. Mais celle que l'on retient le plus est incontestablement l'Australienne Marlo Kelly, l'interprète de Beth, qui crève l'écran et est tout aussi magnétique que son personnage de reine du lycée caméléon et perfide. Toutes les trois font sans peine de l'ombre à leurs partenaires masculins (dont le toujours aussi fade Zach Roerig, ex-star de Vampire Diaries) et font corps avec ces personnages qui font preuve d'une complexité assez rare dans l'univers des séries ados. Des héroïnes qui ont certainement encore beaucoup à offrir et que l'on espère fortement retrouver pour une deuxième salve d'épisodes dans un futur proche. D'autant plus que cette première saison riche en surprises, qui pose en sous-texte la question "Jusqu'où est-on prêt à aller pour obtenir ce que l'on veut ?", s'achève sur un final d'une force dramatique incroyable, qui lorsqu'il se referme nous laisse avec une seule envie : en voir plus !
Reste maintenant à espérer que Dare Me connaîtra le même destin que You avant elle et passera de petite série à la résonance limitée sur USA Network à phénomène mondial grâce à son arrivée sur Netflix. Parce qu'elle le mérite vraiment.