Dans Why Women Kill, diffusée tous les jeudis soirs sur M6, le créateur de Desperate Housewives et Devious Maids, Marc Cherry, nous raconte les vies de trois femmes vivant à trois époques différentes alors qu'elles font face à l'infidélité dans leur mariage respectif. Si le rôle des femmes a évolué dans la société, leur réaction est toujours la même : un profond désir de vengeance. Dans les années 60, Beth Ann (Ginnifer Goodwin), femme au foyer, attend sagement son mari le soir alors qu'il la trompe avec une serveuse. Dans les années 80, Simone (Lucy Liu), une working girl, découvre que son mari la trompe... avec un homme. De nos jours, Taylor (Kirby Howell-Baptiste), bisexuelle, s'essaye au couple libre non sans difficultés...
Comment vous est venue l'idée très originale de cette série ?
Marc Cherry : Je travaillais seul chez moi, pensant écrire un film, et Imagine Television m'a approché pour faire une série avec eux. Mais je n'avais pas d'idée à leur proposer. Mon scénario de film en renvanche, que j'avais depuis quelques années déjà, c'était sur une femme qui découvre que son mari la trompe et qui décide de se rapprocher de sa maîtresse incognito pour comprendre cette infidélité. Je leur ai proposé d'en faire une série tout en leur précisant que je n'avais pas assez de matière pour décliner le concept sur toute une saison. Ils étaient très enthousiastes, alors je l'ai étoffé en y ajoutant deux autres couples pour montrer deux autres types de mariage, à d'autres époques.
Why Women Kill est proposée aux Eats-Unis sur la plateforme de streaming CBS All Access. Est-ce que ça vous permet plus de libertés que sur une chaîne classique ?
Tant de libertés ! D'abord, on peut y dire plus de gros mots, j'ai pris un malin plaisir à placer des "fuck" partout; et puis j'ai la possibilité aussi de proposer un peu plus de nudité, même si la nudité gratuite, la nudité pour la nudité, ça ne m'a jamais intéressé et ça ne m'intéresse toujours pas. Je m'en sers uniquement à des fins comiques. Ensuite, j'ai pu faire Why Women Kill sous la forme d'une anthologie, avec un vrai début, un vrai milieu et une vraie fin au bout de 10 épisodes. C'est une grande liberté parce que ça me permet d'emmener les personnages là où j'ai envie, d'aller très loin avec eux parfois, sans jamais avoir à les excuser. Sur les grandes chaînes, on ne peut pas faire ça parce qu'il faut les faire revenir la saison suivante. Les situations sont donc obligatoirement moins extrêmes, leurs choix aussi.
Est-ce que des séries anthologiques comme celles de Ryan Murphy (American Horror Story) vous ont influencé dans l'écriture ?
On a toujours fait des anthologies à la télévision américaine, bien avant Ryan Murphy, mais elles étaient surtout épisodiques, et non par saisons. Et surtout, elles étaient un peu passées de mode. J'aurais adoré en faire bien avant, mais c'était mission impossible. American Horror Story a changé la donne. Le travail de Ryan Murphy pour montrer comment on pouvait l'adapter à l'époque a été salutaire. Pour moi et pour d'autres. C'est une force créatrice puissante. Ce que j'aime le plus dans l'idée de l'anthologie, c'est d'avoir une troupe de comédiens que l'on retrouve chaque saison mais dans des rôles différents. C'est très amusant et exaltant pour un auteur.
Qu'est-ce que les fans de Desperate Housewives retrouveront dans Why Women Kill qui leur plaisait tant à l'époque ?
Je pense que ma manière de mélanger le drame et la comédie est la même ici que dans Desperate. C'est ma signature en quelque sorte. Et puis il y a un mystère là aussi, qui est dans la question du titre. Pourquoi ces femmes ont tué ? Et qui précisément ? Toute la saison consiste à y réponde, mais la réponse est bien plus complexe que ce qu'on peut imaginer. Contrairement à ce à quoi on peut s'attendre naturellement au premier épisode, ce n'est pas l'infidélité la raison. Les relations évoluent au fur et à mesure de la saison et prennent des tournants inattendus au fil des révélations.
Quel impact a pu avoir le mouvement #MeToo sur l'écriture de la série ?
On me pose beaucoup la question. Et je ne crois pas que son impact soit important, honnêtement. Beaucoup de séries ont rebondi sur #MeToo alors j'ai préféré m'en tenir plus éloigné. Ce que j'essaye de raconter, c'est comment cette institution qu'est le mariage a évolué au fil des années. Et c'est ce qui m'a toujours intéressé à vrai dire, déjà dans Desperate. C'est intimement lié à l'émancipation féminine, forcément. Je pense que c'est l'intrigue du mariage moderne qui reflète le plus directement #MeToo, d'une certaine manière. Mais c'était plus inconscient, ou logique disons, qu'autre chose. La femme du couple d'aujourd'hui est celle qui ramène l'argent au foyer car l'homme ne travaille pas, ou peu. Et ils se lancent dans le polyamour, c'est un concept très nouveau dans nos sociétés.
Diriez-vous que la série est politique pour autant ?
Certaines intrigues le sont, de facto. Mais je ne me sens pas comme un auteur politiquement engagé. J'ai mon ton, mon univers. Je fais mon truc. Et je laisse les autres l'analyser éventuellement.
Vous êtes connu pour être excellent dans l'écriture des personnages féminins. Est-ce qu'il vous a été plus difficile d'écrire les personnages masculins de Why Women Kill ?
(rires) Je dois dire que ça dépend vraiment du personnage masculin en question. Certains me viennent plus facilement que d'autres. Si vous voulez me voir échouer, demandez-moi d'écrire sur un groupe de personnages masculins et leur amitié. Je ne sais pas comment ils fonctionnent, je ne sais pas comment ils parlent entre eux. C'est en dehors de mes capacités. Individuellement, c'est déjà un peu plus simple. Mais je l'avoue, ce que j'aime et ce que je sais le mieux écrire, c'est un groupe de femmes qui parlent de leurs maris, plutôt en mal, derrière une tasse de thé !
Avez-vous écrit pour ces trois actrices de Why Women Kill en tête ou les avez-vous castées après coup car on dirait du sur-mesure ?
Je n'ai écrit qu'une seule fois dans ma vie un rôle pour une actrice précise en tête. Je préfère d'abord les écrire dans toutes leurs nuances, puis choisir les actrices qui me semblent correspondre le mieux. Et je dois dire qu'en général j'ai beaucoup de chance !
Est-il prévu que les trois personnages féminins principaux se croisent, d'une manière ou d'une autre, au cours de la saison ?
A la toute fin, les intrigues se croisent d'une certaine manière, mais je n'en dis pas plus ! Je vous laisse découvrir.
Vous n'êtes pas ans ignorer que beaucoup de fans de Desperate Housewives espèrent toujours un reboot, ou une suite. C'est toujours un grand non pour vous ?
Avec tout le respect que j'ai pour les fans de la série, je suis dans le regret de leur dire que non, je ne le souhaite pas, j'ai tourné cette page depuis longtemps. Ce n'est pas prévu, pour plein de raisons. Mais je vis Why Women Kill comme une sorte de reboot d'une certaine manière, dont j'espère que ce sera le cas pour eux aussi.
La bande-annonce de Why Women Kill :