Il y a deux ans, nous nous interrogions sur la stratégie menée par Netflix pour conquérir le marché de l’animation japonaise et devenir un leader d’une industrie globalement délaissée par les mastodontes américains de la SVOD (Disney, Apple, Amazon…). Deux années se sont écoulées donc, au cours desquelles la plupart de nos prédictions se sont réalisées, avec notamment les commandes en séries de remake live-action de titres iconiques tels que Cowboy Bebop et plus récemment One Piece, qu’on annonce d’ores et déjà comme la série la plus chère jamais produite. Tant d’éléments qui laissent donc plus que jamais supposer que Netflix entend bel et bien séduire le secteur de l’animation japonaise et ses millions de fans à travers le monde.
Il y a encore peu, les adaptations cinéma de mangas japonais étaient synonymes d’échecs au box-office : tout le monde se souvient en effet de Dragonball Evolution, gros flop de l’année 2009, ou encore de la déception qu’a récemment été Ghost in the Shell avec Scarlett Johansson. Pourtant, l’année 2019 semble avoir conjuré le sort avec une succession de succès ; Alita: Battle Angel de Robert Rodriguez a contre toute attente récolté de bons échos, Dragon Ball Super Broly a été un carton international (devenant le plus gros succès de la franchise au box-office) et la France n’a pas été en reste avec Nicky Larson et le parfum de Cupidon signé Philippe Lacheau.
Face à un marché des adaptations de comic books plus saturé que jamais, il paraît comme évident que les mangas seront pour les majors hollywoodiens le nouvel eldorado à conquérir et c’est très certainement face à ce constat implacable que Netflix a décidé d'annoncé l'adaptation en séries live-action de deux anime ultra-populaires : Cowboy Bebop et One Piece donc.
"Netflix a su voir et comprendre la popularité des animés, non seulement au Japon où cela fait partie intégrante de la culture populaire, mais aussi à travers le monde. (….) Plutôt que miser dessus, on pourrait plutôt dire que Netflix n'en sous-estime pas l'importance. (...) Cela fait juste partie de sa stratégie globale consistant à toucher tous les publics" nous explique Pa Ming Chiu, journaliste pour le magazine spécialisé AnimeLand.
Une offre complémentaire aux plates-formes spécialisées
Producteur de contenus originaux, Netflix est également un diffuseur de prestige pour bon nombre de séries, et ses moyens financiers lui permettent par ailleurs d’enrichir son catalogue de pépites dont les droits n’avaient jusqu’à alors jamais été cédés aux plates-formes SVOD ; cela a été le cas l’an passé avec Neon Genesis Evangelion, et plus récemment avec l’acquisition du catalogue intégral Ghibli qui marque sans nul doute une nouvelle avancée phare dans la stratégie développée par Netflix.
"Lors du Netflix Anime Slate Event de 2017 où j'ai eu la chance d'être présent, Greg Peters, producteur en chef chez Netflix, avait affirmé une forte volonté de promouvoir l’animation japonaise auprès du grand public, et que cela passerait autant par des achats de séries que par des production originales avec des grands noms de l’animation japonaise (...). Trois ans plus tard, on peut constater qu'il continue de tenir cette promesse." poursuit Pa Ming Chiu.
Face à Disney+ et ses originals franchisés (Marvel, Pixar, Star Wars…), Netflix a donc fait le pari de miser sur l’animation japonaise, au travers d’un catalogue régulièrement enrichi et la production de séries live-action à gros budget. Pour autant, la plate-forme peut-elle s’inscrire en leader face à des médias spécialisés tels que Crunchyroll, ou ADN et Wakanim dans le cas de la France ? Pour Pa Ming Chiu, Netflix ne se présente pas forcément comme le concurrent de ces plate-formes mais peut-être comme une offre complémentaire : "Netflix a la force de proposer des productions originales mais les autres plateformes font du simulcast et attirent plus les "spécialistes". C'est aussi des habitudes de consommation différentes. Sur Netflix, il y a plus la culture du bingewatching, et les séries arrivent en pack. Avec le simulcast des autres plateformes, on a le plaisir d'avoir son épisode de la semaine lorsqu'il sort au Japon."
Il paraît donc que la conquête du marché de l’animation japonaise est en effet l’une des priorités de Netflix, au même titre que les séries visant un public adolescent, les films de prestige signés par de très gros noms du cinéma (Mank de David Fincher, Da 5 Bloods de Spike Lee... prochainement disponibles sur Netflix) ou encore la production de séries originales conçues par de prestigieux scénaristes associés à la plate-forme par des contrats d’exclusivité (Ryan Murphy, Shonda Rhimes, le tandem David Benioff et D.B. Weiss…).
Nul doute que les moyens seront mis en œuvre pour assurer à Cowboy Bebop et One Piece le meilleur traitement possible ; en cas de succès, on imagine alors que la plate-forme n’hésiterait pas à se tourner vers d’autres adaptations de mangas phares : Dragon Ball, Naruto, My Hero Academia, L’Attaque des Titans, des séries dont des projets d'adaptations plus ou moins avancés sont à l’étude depuis quelque temps déjà du côté d’Hollywood...