En terme de volume, il semblerait que plus de fictions vont être produites et diffusées en 2020 et 2021 sur TF1. Est-ce que c'est réellement le cas et est-ce que ça veut dire que vous prévoyez d'ouvrir de nouvelles cases ?
Anne Viau, directrice de la fiction française de TF1 : Le volume de productions s'accroît d'une manière régulière et constante. Je suis très fière de ce dynamisme de la fiction française chez TF1. Beaucoup de nouveautés sont ou vont être en tournage. HPI, par exemple, dans la continuité de Balthazar, va nous permettre de poursuivre notre politique de renouvellement des visages du polar, avec Audrey Fleurot dans le rôle d'une ancienne femme de ménage dotée d'un haut potentiel intellectuel qui va enquêter avec Mehdi Nebbou. Elle a apporté beaucoup d'insolence et d'impertinence à ce personnage, beaucoup d'elle aussi. Mais pour le moment, il n'est pas prévu d'ouvrir plus de cases en dehors de celles déjà existantes du lundi, du jeudi et bien entendu de celle de Demain nous appartient qui continue de rencontrer un succès croissant à 19H20.
L'écart entre deux saisons semble aussi se réduire de plus en plus, ce qui semble toujours compliqué en France...
On y est attentifs, on essaye de réduire un maximum les délais et dès qu'on termine un tournage, généralement on commence l'écriture de la suite. Quand on lance un projet, l'idée c'est qu'il aille vite et surtout qu'il soit de qualité. Les aléas de l'écriture, du casting, du tournage et notre exigence font que parfois ça va plus lentement que prévu. Mais quand on est dans une industrialisation comme c'est le cas aujourd'hui, c'est important de revenir chaque année à peu près à la même période, comme on le fait avec la majorité de nos séries.
Allez-vous ralentir le rythme sur les téléfilms unitaires, qui ont été nombreux à se succéder fin 2019 ?
Ce sont des évenéments qui doivent le rester et donc arriver de manière exceptionnelle à l'antenne et c’est le cas : nous le voyons au travers des formidables audiences rencontrées par nos unitaires en ce début de saison. Nous en lançons plusieurs en ce début d'année et dans les prochains mois. On vient de tourner un Coup de foudre à l'île Maurice avec Hélène de Fougerolles et en tournons un autre début févirier : Coup de foudre à Bangkok, avec Mathilda May, Blandine Bellavoir, Loup-Denis Elion et Anguun. On prépare également avec Yves Rénier un téléfilm sur l'affaire Fourniret, en partant d'un point de vue qui me semble très intéressant : celui des policiers français et belges dans les derniers mois avant son arrestation, une véritable guerre psychologique. Nous avons notre biopic sur Grégory Lemarchal, Pourquoi je vis, qui va être un bel événement. Enfin, il y aura aussi Au-dessus des nuages, le biopic de Dorine Bourneton, une jeune femme devenue tétraplégique suite à un accident d'avion à l'âge de 16 ans, qui s’est battue pour devenir pilote d’avion malgré son handicap et qui vole aujourd’hui avec la Patrouille de France. On y suivra aussi son combat pour devenir mère.
Le téléfilm Mention particulière, sur une jeune femme trisomique, avait beaucoup plu en 2017. La suite va-t-elle finalement voir le jour ?
C'est en bonne voie. Ce qui est important pour nous, c'est de raconter la bonne histoire. Sur le premier opus, notre héroïne qui passait le bac, c'était quelque chose de fort et d'évident. Sur le deuxième, on a tout de suite trouvé la thématique avec Laura qui fait ses premiers pas professionnels et qui vit sa première histoire d'amour, mais nous avons mis davantage de temps à l'écrire.
Concernant votre feuilleton quotidien Demain nous appartient, qui continue d'être un grand succès tous les soirs sur TF1, est-ce que vous êtes en mesure de confirmer la rumeur sur un spin-off autour des jeunes ?
Rien n'est acté, et je ne ferai pas plus de commentaires.
Et concernant le prochain prime, est-il daté ?
Notre premier prime avait rencontré un très beau succès, nous allons donc continuer à faire des primes, de manière événementielle. Mais le prochain n'arrivera pas avant l'été.
Depuis l'arrêt de la cultissime Une Famille Formidable en 2018, les séries familiales se font plus discrètes sur TF1. Est-ce que c'est un genre plus difficile à renouveler ?
C'est une genre historique sur TF1, qui nous tient à coeur. Dans ce genre je vous rappelle que nous avons Clem, qui a opéré un virage éditorial qui a bien fonctionné l'an dernier et qui reviendra au printemps pour une nouvelle saison. Et nous partons en tournage de Je te promets, qui est une façon de renouveler le genre. Ce n'est pas un genre compliqué, mais il faut trouver le bon angle et les bons personnages, nous sommes extrêmement exigeants pour offrir des projets de qualité au public. Cela peut donc parfois prendre du temps.
Je Te Promets, c'est la version française du hit américain This Is Us. Pourquoir avoir décidé de vous lancer dans un pari aussi ambitieux et compliqué puisque c'est une série très aimée, multi-récompensée...
This Is Us est une série profondément américaine, qui parle de la société et de la pop-culture américaines. J'ai le sentiment qu'avec ce concept et cette famille on va pouvoir raconter la société française de ces 30-40 dernières années, de l'élection de François Mitterrand, des années SIDA, du chômage, de la guerre d'Algérie, mais aussi de Goldorak, d'Hélène et les garçons... Je suis convaincue que c'est une très bonne série française qu'on est en train de faire. Ensuite, il ne faut pas oublier que This Is Us n'a pas été diffusée en France sur une grande chaîne. Je suis sûre qu'une majeure partie du grand public ne l'a pas vue.
Du coup, avez-vous conservé la surprise à la fin du premier épisode, qui est une vraie marque de fabrique de This Is Us ?
Oui, bien sûr.
Je te promets (TF1) : Camille Lou, Hugo Becker et Guillaume Labbé au casting du This Is Us français [EXCLU]On sent une volonté depuis quelques années maintenant de toucher les jeunes le plus possible, avec des projets comme Les bracelets rouges ou Pour Sarah, qui intègrent des personnages d’adolescents au premier plan. Pari réussi ?
C'est un objectif que je me suis fixé, sous l’impulsion d’Ara Aprikian et Fabrice Bailly, et qui me tient très à coeur. On sait que le public jeune est très volatile et regarde énormément de séries. Et si ce public ne vient pas sur TF1 aujourd'hui, il ne viendra pas plus tard non plus. Je suis convaincue qu’en lui racontant des histoires concernantes avec le bon ton nous pouvons le séduire et nous avons une véritable politique éditoriale en ce sens. Et cela porte très clairement ses fruits comme par exemple avec Pour Sarah, qui a obtenu un beau succès à plus de 40% de part de marché sur les 15-24 ans en septembre dernier. C'est notre meilleur résultat sur cette cible le jeudi soir depuis 2006.
Un projet de saison 2 avait été discuté au Canada pour la série originale, mais il ne s'est pas fait. Est-ce que vous l'envisagez chez nous ?
Honnêtement, on n'en a pas parlé. En revanche, ça me donne l'envie de continuer à faire des fictions pour ce public, et dans cette même lignée-là, nous développons le projet Fugueuse auquel je suis très attachée, qui sera certainement en tournage cette année. Il permet d'aborder la prostitution adolescente, et au-delà de ça la question des réseaux sociaux, des rumeurs, de la pornographie... C'est très important et concernant, autant pour les jeunes téléspectateurs que pour leurs parents.
Ce renouvellement semble aussi passer par des réalisateurs plus jeunes et peut-être moins expérimentés ?
Pour nous, c'est important de renouveler notre vivier de réalisateurs et d'aller chercher de nouveaux talents, ce n'est pas tant leur jeunesse qui nous intéresse que de travailler avec des personnes d’horizons et d’univers différents. Ce renouvellement passe par le casting aussi et la mise en avant de jeunes comédiens qui permettent au public jeune de s'identifier, ce fut par exemple le cas avec Clément Rémiens dans Demain nous appartient et Pour Sarah, ou avec Rod Paradot et Chloé Jouannet dans Jamais sans toi Louna.
Qui dit public jeune dit souvent séries fantastiques, comme ce que peut faire Netflix avec Marianne ou Mortel. Est-ce que vous aussi ce sont des univers que vous souhaitez explorer ?
Oui, totalement. On a plusieurs projets en développement, mais il est trop tôt pour en parler. Ce qui est formidable avec le fantastique, c'est qu'on peut facilement le mêler à un autre genre, que ce soit le polar, le thriller... Plan B avec Julie de Bona est d'ailleurs un thriller familial fantastique. C'est une série qui questionne l'éducation, les relations parents-enfants, les choix de vie et de carrière, avec le sujet du suicide chez les adolescents qui est très fort. On l'a vu avec 13 Reasons Why.
Peut-on imaginer un jour sur TF1 des sorcières, des vampires, des zombies ?
On peut tout imaginer sur TF1. Mais on n'a rien de ce genre en développement pour le moment.
Vous allez à nouveau explorer le médical avec H24, diffusée à partir du 3 février. Vous n’avez pas peur d’une overdose, avec toutes les séries médicales américaines déjà diffusées à l’antenne comme Good Doctor, New Amsterdam ou Grey's Anatomy ?
Pour moi, la spécificité de H24, c'est qu'on a un très joli quatuor de comédiennes (Anne Parillaud, Barbara Cabrita, Frédérique Bel, Florence Coste) et de personnages au coeur de l'histoire. On est vraiment dans un mélange de cas médicaux, de romances, d'histoires d'amitié et de rivalité. C'est une écriture très juste, très rythmée et avec aussi un peu d'humour.
Vous misez encore beaucoup sur les stars. Je pense notamment à Muriel Robin, qui a cartonné dans Marie Besnard, Jacqueline Sauvage et plus récemment Le Premier oublié. Elle nous avait fait part de son envie d'un rôle récurrent à la télévision. Est-ce qu'un tel projet est dans les tuyaux ?
On adore Muriel Robin comme vous l'imaginez, et nous avons noué une belle relation de confiance avec elle. On cherche ensemble un nouveau beau projet, que ce soit un unitaire ou une série.
Après Baron Noir, Kad Merad revient dans une nouvelle série sur TF1 avec Jean Reno [EXCLU]Une des dernières nouveautés que vous avez lancée, Olivia, avec Laetitia Milot n'a pas très bien marché. Est-ce qu'une saison 2 est malgré tout envisagée ?
Je vous trouve un peu sévère quand même. On a réuni 4 millions de téléspectateurs, plus de 600 000 en replay, avec une stabilité assez impressionnante, plus de 23% de part d'audience sur les femmes responsables des achats. J'appelle ça plutôt de jolis scores !
C'est suffisant pour une saison 2 alors ?
Rien n'a encore été décidé. On est en discussions, et on réfléchit aussi avec Laetitia Milot à d'autres projets.
Je vais vous faire part d’une réflexion de mon père qui m’a étonné et en même temps interrogé. Il m’a dit, texto, "Y’en a marre, sur TF1 y’a quasiment plus que des trucs déprimants". Qu’est-ce que vous lui auriez répondu à ma place ?
(Rires) Je lui aurais répondu qu'il peut regarder Joséphine Ange Gardien, Camping Paradis, Demain nous appartient, Clem, Munch, Balthazar, la nouvelle saison de Profilage, qui n'est vraiment pas déprimante. Je ne suis pas d'accord avec lui. Il est vrai qu'on a un traitement des sujets plus incisifs, qu'on n'hésite plus à traiter la noirceur de certaines thématiques. Mais l'offre de TF1 est très large et variée et tout le monde peut y trouver son compte, c'est ce qui fait sa richesse et son dynamisme.
Les marques Alice Nevers et Section de recherches sont vieillissantes. Est-ce que vous cherchez à les rajeunir ou envisagez-vous de les arrêter ?
On travaille beaucoup sur leur renouvellement et leur modernisation. Pour Section de recherches, il y a le nouveau personnage de Fabienne Carat qui va permettre de redynamiser la série. Quant à Alice Nevers, on a travaillé pour revenir aux fondamentaux, et notamment à tout ce qui fait son sel, la romance, et dans cette saison le personnage d'Alex Varga, le grand amour d'Alice, va revenir et semer la zizanie.
9mm, signée Virginie Brac, est un projet de série policière qui s'annonce plus sombre, dans la lignée de ce qu'elle a pu faire auparavant sur Engrenages ou Insoupçonnable. A quoi peut-on s'attendre ?
D'abord, on est très heureux de retravailler avec Virginie, avec elle parce que c'est l'une des plus belles plumes de la télévision française aujourd'hui. Elle nous propose une plongée dans la police moderne, au travers d'un hôtel de police où vont se croiser différents services. C'est un polar noir, émouvant aussi, avec des personnages forts et attachants, qui aura pleinement sa place sur TF1.
Sera-t-elle inspirée de l'actualité ?
Sa volonté et la nôtre est effectivement d’être au plus près de la réalité.
Etes-vous attentifs à la question de diversité, qui reste encore problématique en France sur les grandes chaînes malgré une amélioration certaine ?
On y est très attentifs. TF1 se doit d'être représentative de la société dans son ensemble, que ce soit en matière de minorités, de handicaps, de sexualité... On a été précurseurs sur le thème de la maladie par exemple avec Les bracelets rouges, les transgenres avec Louis(e), le mariage homosexuel avec Une famille formidable il y a quelques années. Demain nous appartient, grâce à sa quotidienneté, permet de faire passer des messages plus facilement et elle fait preuve d'une belle diversité. Par exemple, un de nos jeunes héros a un bras en moins, ce qui ne l'empêche pas d'être le tombeur de la série.
Si vous pouviez voler une série à une chaîne concurrente, ce serait laquelle ?
Le bureau des légendes. J'attends avec impatience la nouvelle saison. C'est une des séries les mieux écrites sur une thématique pourtant extrêmement complexe. L'espionnage est un genre sur lequel on travaille d'ailleurs.
Propos recueillis le jeudi 9 janvier 2020.
Sur le tournage de H24, à partir du 3 février sur TF1 :