AlloCiné : Les Filles du Docteur March est un livre qui compte beaucoup pour vous. Considérez-vous votre adaptation comme une sorte d'autobiographie ?
Greta Gerwig : Dans un sens oui, même si le livre a plus de 150 ans et qu’il a été adapté de nombreuses fois. J’ai l’impression que ça parle de moi puisque c’est le récit d’une fille qui essaie de vendre des histoires et c’est quelque chose que je connais bien (rires).
Est-ce que vous vous êtes inspirée de vos expériences précédentes pour adapter Les Filles du Docteur du March ? Avez-vous fait fi des autres adaptations ?
Oui parce que je fais des films très personnels. Et même si ce n’est pas vraiment une autobiographie, je raconte des histoires qui me touchent. Je savais que pour adapter ce récit à ma façon il fallait absolument que je me détache de ce qui a été fait avant et que je me raccroche à des souvenirs, à des expériences connues et des messages que je voulais transmettre. C’est ce qui rend mon film moderne, je pense. Il y a tellement de passages dans le livre que j’aurais pu écrire moi-même, des passages qui me transcendent.
Vous racontez l’histoire des Filles du Docteur March de manière originale en déconstruisant la chronologie et en vous basant sur les souvenirs à travers des flashbacks. Pourquoi cette démarche ?
Les Filles du Docteur March est une histoire qui fait partie de l’imaginaire collectif, qui est très connue et qui a été adaptée plusieurs fois de différentes manières par différents cinéastes. Et quand on a une histoire si forte entre les mains, on peut jouer avec et la tordre. Je voulais offrir une expérience plaisante aux spectateurs à travers les moments familiaux chaleureux mais aussi à travers la fin de l’enfance, l’ambition et l’espoir. Et les souvenirs permettent de retranscrire les difficultés du passage à l’âge adulte.
Vous parliez d’ambition, d’espoir. Dans votre adaptation, ce sont des thèmes qui ressortent beaucoup avec la sororité, la famille, l’émancipation. Est-ce aussi un moyen de parler à la nouvelle génération qui ne connaîtrait peut-être pas Les Filles du Docteur March ?
J’essaie toujours d’aller au fond des choses et plus vous êtes précis sur des sujets et plus vous arrivez à être universel finalement. L’intersection entre l’art, l’argent, l’ambition et la féminité est très fascinante. Et ce sont des sujets dont on parle beaucoup et qui prennent de l’essor aujourd’hui. La question "Qui détient quoi, comment et pourquoi ?" est fascinante. Mais de toute façon, que vous connaissiez l’histoire ou non, que vous ayez lu le livre ou non, Les Filles du Docteur March peut vous parler parce que c’est une histoire humaine avant tout. C’est drôle, c'est triste, c'est épique. Ça parle de quatre soeurs ambitieuses et talentueuses et comment elles se font une place dans ce monde.
Justement, les femmes ambitieuses et talentueuses prennent de plus en plus de place dans le milieu du cinéma, surtout cette année. Elles ne sont pourtant pas reconnues aux cérémonies, notamment aux Golden Globes…
C'est toujours une déception, évidemment. Heureusement, Saoirse [Ronan, ndlr] et Alexandre [Desplat, ndlr] nous représentent. Mais oui, je suis tellement fière de ce qu'on a entrepris et je suis fière de voir autant de réalisatrices émerger. On aimerait être plus reconnues et récompensées mais je suis contente qu'il y ait de plus en plus de place pour nous. Et il n'y a jamais eu autant de films réalisés par des femmes que cette année, et ça devrait continuer l'année prochaine. On voudrait toujours plus mais les choses évoluent dans le bon sens.
Vos personnages sont incarnés par un casting très prestigieux. Comment s’est passé le tournage et comment avez-vous réussi à harmoniser l'énergie de vos acteurs ?
Je suis tellement fière d’avoir collaborer avec tous ces acteurs talentueux. J’avais déjà travaillé avec Saoirse Ronan, Timothée Chalamet et Tracy Letts donc c’était facile avec eux et j’étais ravie qu’ils jouent de nouveau pour moi. Pour les autres, je pense qu’ils ont accepté parce qu’ils ont aimé l’histoire et ils se sont vraiment investis avec moi. Je suis vraiment reconnaissante de leur travail et c'était très fluide et léger. J'ai de la chance (rires).
La musique fait aussi partie intégrante du film. Et pour bercer votre histoire, vous avez misé sur Alexandre Desplat.
Je savais quel ton musical je voulais donner à ce film, presque comme un ballet ou une comédie musicale. Il a fait tellement de bandes originales magnifiques aussi modernes que classiques. Et c’est ce que je cherchais, un mélange entre les deux. J’ai eu de la chance qu’il accepte. Je savais qu’il allait composer la musique avant que je ne fasse le film. Il m’a écrit quelques partitions au piano, je les avais quand je travaillais sur le film. J'avais ses rythmes dans ma tête. C’était vraiment une part importante dans la création du film presque comme un personnage.
Propos recueillis à Paris le 12 décembre 2019.
Le casting des Filles du Docteur March vous donne 5 bonnes raisons de voir le film :