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    Une vie cachée : les acteurs de Terrence Malick dévoilent sa méthode de travail
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    AlloCiné a rencontré les acteurs principaux du nouveau film de Terrence Malick, "Une vie cachée", en salles ce mercredi.

    Pandora Film Medien GmbH

    Inspiré de faits réels. Franz Jägerstätter, paysan autrichien, refuse de se battre aux côtés des nazis. Reconnu coupable de trahison par le régime hitlérien, il est passible de la peine capitale. Mais porté par sa foi inébranlable et son amour pour sa femme, Fani, et ses enfants, Franz reste un homme libre. Une vie cachée raconte l'histoire de ces héros méconnus.

    AlloCiné : Le film est basé sur des faits réels. Aviez-vous connaissance de ce comportement héroïque durant la Seconde guerre mondiale ?

    August Diehl : Pas moi. Cette histoire n'est pas une histoire très connue en Allemagne, peut-être en Autriche.

    Valerie Pachner : Mais en France non plus. Il y a eu un film [le téléfilm Verweigerung, NdlR] et une pièce, mais ce n'est pas un fait très populaire.

    Il y a aussi eu un livre d'un sociologue américain sorti en 1964 racontant pour la première fois cette histoire.

    VP : Oui, c'était Gordon Zahn, qui a découvert cette histoire et Erna Putz qui a édité les lettres [que Jägerstätter a écrit à sa femme lorsqu'il était en détention - le livre date de 1985, NdlR]. Ce n'est qu'avec cela que l'histoire a commencé à se faire connaître.

    Comment avez-vous préparés vos rôles ?

    AD : La préparation a été très intense, notamment pour le travail au champ. Nous avons passé plusieurs mois à apprendre comment utiliser ces outils anciens. Nous sommes arrivés sur place très en amont du tournage. Et évidemment, j'ai lu les lettres de Franz Jägerstätter.

    VP : Les lettres ont été indispensables pour nous, pour découvrir les personnages. Elles contiennent tellement de choses, la simplicité de leur vie, de leur amour et de leur vie religieuse. Ces lettres m'ont grandement aidé. Et j'ai aussi fait du travail de ferme.

    On voit à l'écran ce dur travail des champs, étiez vous prêts pour cette épreuve physique ?

    AD : C'était difficile ! (rires)

    VP : Essayez, c'est parfait pour faire du sport ! (rires) Plus sérieusement, c'était un vrai travail de ferme toute la journée du tournage. Et entre les deux, nos deux personnages se disputaient mais nous faisions surtout du travail physique.

    Je reviens une minute sur votre travail de recherche, vous disiez que les documents historiques vous aidaient à comprendre les personnages. Que vous ont-ils appris ?

    AD : A quel point cet homme et cette femme étaient proches et le sont restés jusqu'à la fin. Malgré leur immense souffrance, ils sont toujours restés ensemble. C'est très puissant et très rare de nos jours.

    VP : On pouvait lire entre les lignes, car ce sont des fermiers qui utilisaient des mots simples, leur expression de l'amour était simple, mais on sentait la puissance de cet amour, [qui n'était pourtant jamais vraiment écrite].

    Après avoir vu le film, je comprends pourquoi Terrence Malick a décrit ce film comme n'étant pas un film de guerre. On est plus face à une romance et même à un film anti-guerre. Est-ce que ces thèmes vous parlaient particulièrement ?

    VP : Bien sûr. C'est une approche intéressante d'aborder l'héroïsme. Si [ce couple] n'avait pas été mis dans cette situation par le Troisième Reich, ils n'auraient jamais été confronté à ces questions et n'auraient sans doute pas eu cette force et ce courage.

    Comment vous a-t-il dirigé ?

    AD : Il travaille de façon à s'ouvrir à ses acteurs et cherche à ce que vous soyez ouverts aussi. Il est très curieux de vous et de votre vie personnelle, où vivez-vous ? Où avez-vous grandi ? Que pensez-vous de ceci ou de cela ? Et il est très humble, ce qui incite à s'investir dans l'histoire que l'on va raconter. C'est son grand talent. Tout le monde dans l'équipe ne travaillait pas pour lui mais pour le film (...).

    VP : Absolument.

    Malick aime l'improvisation : avez-vous pu répéter ?

    Ensemble : Absolument pas !

    AD : Nous avons tourné les répétitions.

    VP : Nous avons tout filmé et sommes entrés dans le monde des plans séquences.

    AD : A partir du moment où les lumières étaient placées, nous ne faisions pas de pause.

    VP : Et à part une ou deux fois, il n'y avait jamais d'interruption pour mieux faire ceci ou cela. Nous tournions tout et si quelque chose n'allait pas, nous refaisions la scène la semaine suivante. (...) Il voulait que nous le surprenions ou me demandait de surprendre August, donc il y avait beaucoup d'improvisation. C'était notre défi, pouvoir contribuer au film [en faisant des propositions].

    Une vie cachée a été tourné en 2016. Entretemps, Malick a tourné d'autres films. Etiez-vous tenu au courant de ce qui se passait dans la salle de montage durant ce long processus ?

    AD : Je dois admettre que je me suis demandé pourquoi cela prenait autant de temps. Mais lorsque j'ai vu le film terminé, j'ai compris. Je n'avais jamais vu ce genre de montage auparavant. Maintenant je sais pourquoi c'était long.

    Le film a été principalement tourné en Autriche, parfois à Radegund même. Quel souvenir gardez-vous d'avoir filmé Une vie cachée dans les lieux réels de ces événements dramatiques ?

    VP : C'était très émouvant. Nous tournions dans la chambre à coucher, et l'une des vraies filles de Franz est entrée, c'était prenant.

    AD : Je me souviens que sur la maison de Franz était écrit "de quoi avez-vous peur ?".

    VP : Nous n'avons tourné que deux jours à Radegund mais cela vous donne la confirmation que cette histoire s'est réellement passée et dès lors, vous voulez la représenter avec respect et véracité.

    "Une vie cachée", actuellement en salles :

     Propos recueillis à Cannes par Corentin Palanchini le 20 mai 2019.

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