Cinq ans après le lancement d'Irresponsable sur OCS, Frédéric Rosset, son créateur, peine à accepter l'idée que la série s'achève. "Je suis encore dans le déni, je n'ai pas compris que c'était vraiment fini... 2020 sera sans doute l'année de la déprime ! " s'amuse-t-il. Sébastien Chassagne, qui porte le rôle-titre de la série depuis ses débuts, part au contraire sur une note positive : "c'est un peu comme rentrer à la maison après de très bonnes vacances. C'était très bien que ma soeur (Allison Chassagne, ndlr) fasse partie de cette aventure et de cette petite famille que nous avons créée. Ca me rend assez heureux !"
La série a été pensée en trois saisons dès sa création : "premièrement parce que toutes les séries OCS qui sont allées jusqu'à leur terme ont fait trois saisons, et ensuite pour des raisons budgétaires", explique Camille Rosset, coscénariste d'irresponsable. "Après le tournage de la saison 1, on a compris que c'était compliqué de tourner une série avec un budget aussi serré (environ un million d'euros pour du 10X26', ndlr), on y laisse beaucoup de plumes. On est toujours à deux doigts de l'accident industriel, donc il ne faut pas tirer trop longtemps sur la corde !" renchérit son frère et co-auteur.
La saison de la maturité
Irresponsable n'étant pas une sitcom au sens traditionnel, "où les personnages ne bougent pas, ils évoluent", les auteurs souhaitaient également ne pas laisser l'histoire s'étirer indéfiniment. La seule consigne ayant été fixée pour initier cette dernière saison étant le fait que le fils, Jacques, quitte le nid. Une amorce qui "sonnait juste" pour signer la fin de la série. Dans cette saison, "on est arrivés à un stade où Julien et Marie sont ensemble, et où lui commence, mine de rien, à devenir un peu plus adulte", pour Frédéric Rosset. "Si on avait continué, le concept même de la série aurait été dépassé. Il fallait s'arrêter là !" En effet, l'ado attardé et immature attachant des débuts apprend peu à peu à faire face à ses responsabilités. "On était tous novices au départ, et on a un peu grandi ensemble. C'est une génération [de talents] qui débarque !" s'amuse Camille Rosset.
Cette saison est peut être aussi celle où le personnage de Marie, incarnée par Marie Kauffman, a le plus de problématiques personnelles, qui se révèlent incompatibles avec celles de Julien. Pour ses créateurs, c'est sans doute le développement le plus accompli de tous : "c'est le personnage qui évolue de la façon la plus intéressante : au début, elle avait la fonction de clown blanc par rapport à Julien, c'était un peu Prunelle face à Gaston Lagaffe. Ca ne me plaisait pas, et on a essayé avec Camille de trouver un truc pour que Marie n'agisse pas simplement en réaction à Julien." A l'inverse de son amour de jeunesse, elle n'a pas eu d'adolescence, et va faire sa crise d'ado sur le tard. Il leur semblait important de comparer leurs deux regards, et de fragiliser leur couple au moment où leur fils Jacques s'apprête à quitter le foyer. Julien ressent alors qu'il n'a jamais été un vrai père avec lui, et veut compenser avec l'arrivée d'un autre enfant... Ce qui n'est pas l'avis de Marie. "Parler des femmes qui ne veulent pas d'enfant était un sujet très intéressant pour Marie, qui d'autant plus ne veut pas se relancer là-dedans après avoir été une très jeune mère", explique Camille Rosset. Une problématique double traitée avec justesse et sincérité : le désir de paternité pour rattraper les années perdues d'un côté, et le non-désir de maternité pour une femme dans la trentaine, que la société a tendance à accabler.
OCS/Tetra Media Studio
Un travail à quatre mains
Au fil des saisons, les deux auteurs coécrivent tout ensemble, créant une vraie continuité de ton dans la série. "On brainstormait ensemble les arches et les épisodes, jusqu'à arriver à des séquenciers, et ensuite on se répartissait les dialogues", explique Camille Rosset. "C'est pas la meilleure tactique pour écrire à un rythme industriel et livrer une saison par an, mais de toute façon ce n'était pas le but de la chaîne !" renchérit Frédéric Rosset. Antoine Szymalka, producteur de la série pour Tetra Media Studio, était ainsi leur premier lecteur mais aussi leur premier interlocuteur : OCS ne faisant pas du tout de retours sur les scénarios, son travail était crucial pour les pousser à s'améliorer.
Issu de la première promotion de la formation séries TV de la Fémis, Irresponsable a été le premier projet de fin d'études à être optionné par un diffuseur. "Ça, on ne me l'enlèvera jamais !" plaisante Frédéric Rosset. "Maintenant c'est fini, il y en a plein qui arrivent, sur Canal+ notamment." HP, autre création originale OCS sur laquelle Camille Rosset a collaboré, a été écrite par deux anciennes camarades de promo, Angela Soupe et Sarah Santamaria-Mertens. Mental, sorti en octobre sur Francetvslash, est également signée par deux anciens élèves de la Fémis, Victor Lockwood et Marine Maugrain-Legagneur. "On envahit progressivement le petit écran !" s'amuse Frédéric Rosset. Une formation de plus en plus reconnue dans le paysage audiovisuel français par la qualité des scénaristes qu'elle forment.
Le gène de la comédie
Allison Chassagne, nouvelle recrue de cette saison, partage l'écran pour la première fois avec son frère, tous les deux s'étant orientés vers une carrière d'acteurs et mutuellement influencés. "On n'avait jamais joué ensemble avant - enfin si, à la maison, on jouait ensemble quand on était petits" ironise Sébastien Chassagne. Allison voulait faire du théâtre "comme son grand frère", avant de s'éloigner temporairement de cette voie, puis d'y revenir par le biais de la comédie en créant la chaîne humoristique Glamouze sur Youtube avec son acolyte Camille Fievez. "Allison avait fait de la figuration sur la saison 2, et j'avais proposé à Frédéric de jouer avec ma sœur. Camille et lui adoraient Glamouze tous les deux", explique Sébastien Chassagne. "Ils ont écrit le personnage de Julie en pensant à moi, avec l'idée que les deux personnages de Julien et Julie se ressemblent par leur côté lunaire, le fait de parler sans trop réfléchir... Elle apporte quelque chose de plus stable, elle est plus ancrée et traverse les épreuves avec plus de sérénité que lui", selon Allison.
Irresponsable aura finalement été un tremplin indéniable pour le comédien : "je viens du théâtre essentiellement, et ça a été la plus belle des manières de commencer à faire de la fiction." Un rôle qu'il qualifie de "vraie chance", et où on lui a laissé "beaucoup de liberté, que ce soit dans les dialogues ou dans la mise en scène." Bien qu'on lui ai ensuite fatalement proposé beaucoup de rôles d'adulescent, la série reste "une super carte de visite." Loin de s'enfermer dans un seul registre, on retrouvera prochainement Sébastien Chassagne à l'affiche du films à sketchs Selfie et en rôle principal de la série dramatique Une Belle histoire sur France 2, créée par Frédéric Krivine (Un Village Français). L'acteur se fend même d'une petite apparition dans La Vérité, le prochain film de Kore Eda prévu pour février 2020. Quant à sa soeur, elle apparaîtra dans les séries Derby Girl et Détox sur la plateforme de France TV, également prévues pour le premier trimestre 2020. Un début d'année prometteur, en somme !
Irresponsable saison 3, tous les jeudis à 21h sur OCS MAx et en intégralité sur OCS TV :
Propos recueillis le 14 septembre 2019
