Avec John Cassavetes, elle avait écrit quelques-unes des plus belles pages du cinéma américain. Pour lui, elle avait été Une femme sous influence et Gloria... Gena Rowlands nous a quittés ce mercredi 14 août, à l'âge de 94 ans. Elle souffrait depuis 5 ans de la maladie d'Alzheimer, un mal que ses proches avaient rendue publique en juin dernier.
Fille d'un sénateur du Wisconsin, Gena Rowlands, très tôt passionnée par le théâtre, prend des cours de comédie à l'American Academy of Dramatic Arts. Venu assister à une représentation, un ancien étudiant la remarque : John Cassavetes, alors jeune acteur lui aussi. Gena Rowlands épouse en 1954 celui qui deviendra l'un des chefs de file du cinéma indépendant américain.
Des débuts dans l'ancien Hollywood
La comédienne, qui fait ses débuts à Broadway dans Sept ans de réflexion, triomphe dans la pièce Middle of the night aux côtés d'Edward G. Robinson et participe à plusieurs séries télévisées, avant de trouver son premier rôle au cinéma dans L'Amour coûte cher en 1958. Elle sera bientôt la partenaire de Kirk Douglas (dans Seuls sont les indomptés en 62) et de Sinatra (dans Tony Rome est dangereux), mais, très vite, ce sont ses prestations dans les films de son mari qui retiennent l'attention. Figurante dans Shadows, elle tient un rôle plus conséquent dans le mélo Un enfant attend, film de studio impersonnel.
Muse de John Cassavetes
Cassavetes offrira ensuite à son égérie de beaux personnages de femmes décalées et généreuses, qui permettent à l'actrice de développer un jeu très physique, avec un art consommé de la démesure. Prostituée dans Faces, puis compagne d'un Seymour Cassel beatnik dans Ainsi va l'amour, Gena Rowlands incarne Mabel, mère de famille au bord de la folie dans Une femme sous influence, rôle pour lequel elle reçoit le Golden Globe de la Meilleure actrice, et une nomination à l'Oscar. Elle se glisse également dans la peau d'une comédienne alcoolique dans Opening Night (prix d'interprétation à Berlin), puis d'une détective attendrie par un enfant dans Gloria, un film de commande qui sera le plus gros succès du couple, et vaudra à l'actrice une seconde nomination aux Oscars. En 1983, Cassavetes et Rowlands incarnent un frère et une soeur aux rapports passionnels dans Torrents d'amour, leur dernier film en commun, récompensé d'un Ours d'or à Berlin.
Passage chez Allen et Jarmusch
Si Gena Rowlands tourne presque exclusivement dans les films de son mari, jusqu'à la mort de celui-ci en 1989, on la retrouve dès 1988 dans Une autre femme, de Woody Allen, dans lequel elle est un professeur de philosophie en pleine crise existentielle. Passagère du taxi conduit par Winona Ryder dans Night on Earth de Jarmusch, elle est la tante exubérante du jeune héros de La Bible de neon de Terence Davies, en 1995. L'année suivante, elle tourne Décroche les étoiles sous la direction de son fils Nick Cassavetes, aux côtés de Gérard Depardieu, qui, en distribuant en France plusieurs films de John Cassavetes en 1992, contribue à la redécouverte du cinéaste et de son actrice-fétiche, devenue un modèle pour la jeune génération de comédiennes.
Dévouée envers le cinéma indépendant
La collaboration de Gena Rowlands avec son fils s'avère fructueuse puisqu'elle figure également au casting de She's so Lovely, où elle partage l'affiche avec le couple Penn (Robin et Sean) l'année suivante. Spécialiste de la promotion de premier film, l'actrice participe ainsi à la première réalisation de Forest Whitaker en 1998 intitulée Ainsi va la vie. Cette année-là est riche en films pour la femme de John Cassavetes mais ses principaux rôles suivants (Les Puissants ou La Carte du coeur) s'inscrivent dans des productions qui ne rencontrent pas forcément le succès escompté.
Son travail avec des réalisateurs "confidentiels" est une vraie marque de fabrique et l'actrice perpétue inexorablement cette vocation. C'est ainsi qu'on la voit successivement chez Mira Nair (Debby Miller, une fille du New Jersey) en 2002 puis sous la direction de D.J. Caruso et Iain Softley respectivement pour Taking lives et La Porte des secrets. Le cinéma étant définitivement une affaire de famille chez les Cassavetes, Rowlands participe une nouvelle fois aux films de ses enfants Nick (N'oublie jamais en 2004, Yellow en 2012), et Zoe dont la carrière débute en 2008 avec son film Broken English.