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    Watchmen sur OCS : que sont les émeutes de Tulsa et la 7e cavalerie ?
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Dès le premier épisode de sa série Watchmen, diffusée depuis hier soir sur OCS, le showrunneur Damon Lindelof part du présent pour mieux plonger dans une douloureuse Histoire américaine, pas si lointaine...

    HBO

    Si la BD Watchmen était ancrée dans l’Amérique de la fin de la Guerre Froide, la série prend quant à elle le parti de s’inspirer du climat politique actuel, et notamment des années Trump. Les thématiques développées dans Watchmen sont profondément liées à l’Histoire des Etats-Unis, et même à certaines de ses pages les plus sombres.

    La série plante ainsi son cadre à Tulsa, Oklahoma, de nos jours. Il y a trois ans de cela, un groupe de suprématistes blancs appelés «La septième Cavalerie» s’est attaqué à tous les policiers de la ville ainsi qu’à leurs familles. Afin de protéger leur identité depuis cette attaque poétiquement surnommée "La Nuit Blanche", les policiers portent désormais un bandana jaune afin de conserver leur anonymat. Profondément marqués par cette nuit tragique, Angela Abar (Regina King) et le chef de la police de Tulsa, Judd Crawford (Don Johnson), décident d’enquêter de concert sur ce groupuscule et ses adeptes.

    Partir du présent pour éclairer le passé donc. Car dès le premier épisode, le showrunner Damon Lindelof convoque de douloureux souvenirs de la mémoire collective américaine, dont l'un fut pour une large part presque totalement relayé aux oubliettes de l'Histoire : les émeutes de Tulsa.

    Événement peu connu de l’histoire américaine, en tout cas hors Etats-Unis, les émeutes raciales de Tulsa est l’un des plus violents épisodes de brutalités raciales aux États-Unis. Elle eut lieu dans le quartier de Greenwood à Tulsa (Oklahoma), en juin 1921, et fit selon les estimations entre 100 et 300 morts. Une émeute au cours de laquelle une foule d’Américains blancs attaquèrent les habitants de cette communauté afro-américaine. Ce quartier fut surnommé le Black Wall Street en raison de l’essor économique qu’avaient réussi à mettre en place ces résidents dans une Amérique où la ségrégation était toujours active, et dans un contexte où les tensions étaient amplifiées par la renaissance du Ku Klux Klan.

    Fait assez rare dans l’Histoire américaine, une commission fût réunie des décennies plus tard, en 1996, pour déterminer les divers degrés de responsabilité des émeutes de Tulsa, ce qui déboucha en juin 2001 sur une loi baptisée 1921 Tulsa Race Riot Reconciliation Act. Mais ce fut une loi a minima, comme la création d'un mémorial en souvenirs de ceux qui sont morts durant les émeutes, ou encore la création de plus de 300 bourses d'études supérieures pour les descendants des résidents de Greenwood. Le rapport de la commission d'enquête, rendu en février 2001, préconisait quant à lui d'aller plus loin : le dédommagement immédiat de tous les descendants des survivants des émeutes; un mémorial pour le ré-enterrement des dépouilles des victimes du soulèvement; ou encore la mise en place d’une zone d’entreprise pour le centre de développement économique du quartier historique de Greenwood.

    La 7e cavalerie et la Destinée manifeste

    Bien que le groupe de suprémacistes blancs qui se fait appeler "la 7e cavalerie" soit fictif, il plonge là aussi ses racines dans le passé. Tout comme le massacre de Tulsa est dans Watchmen une manière de rappeler les persécutions et brutalités perpétrées contre la communauté afro-américaine, le showrunneur esquisse aussi un parallèle avec le génocide des peuples amérindiens, dont le célèbre 7e régiment de cavalerie prendra une large part.

    Créé le 28 juillet 1866, le régiment fut en quelque sorte un prolongement, le bras armé si l'on veut, de ce que l'on a appelé la Destinée manifeste; une idéologie née en 1845 selon laquelle la nation américaine avait pour mission divine l'expansion de la "civilisation" vers l'Ouest. Dans la pratique, les immigrés d'origine non-européenne, dont les esclaves (Noirs) et les Amérindiens, sont exclus de cette destinée. Les Amérindiens, dont les concepts de propriété terrienne sont aux antipodes de ceux de la nation en expansion, sont un obstacle à la Destinée manifeste. Ils doivent se laisser civiliser et entrer dans le mode de vie américain. S'assimiler, ou être éliminés par la force, comme le préconise certains fanatiques, tel le général Philip Sheridan (1831-1888), raciste notoire et largement favorable au massacre des Amérindiens.

    Ce fameux 7e régiment de cavalerie, c'est aussi l'ombre du Lieutenant-colonel Custer qui plane. Si ce dernier décéda les armes à la main ainsi que cinq compagnies lors de la bataille de Little Big Horn le 25 juin 1876, écrasés par une coalition de Cheyennes et de Sioux constituée à l'initiative du grand chef Sitting Bull, Custer et son régiment sont connus pour de nombreux pillages, massacres et destructions de foyers du peuple Lakota Sioux et de Cheyennes.

    Si la victoire de Little Big Horn accorda aux Amérindiens un bref répit, les années qui suivirent furent marquées par des violences toujours plus grandes à leurs égards, tandis que leurs droits fondaient à vu d'oeil. Le point d'incandescence fut le terrible massacre de Wounded Knee, commis par le 7e régiment de cavalerie. Le 29 décembre 1890 à Wounded Knee dans le Dakota du Sud, aux États-Unis, entre 150 et 300 Amérindiens de la tribu Lakota miniconjou (dont plusieurs dizaines de femmes et des enfants) furent encerclés et tués.

    Pour Evelyn Red Lodge, journaliste et membre de la tribu Sioux des Rosebud, auteure d'un billet publié en 2017 intitulé "Racism against Native Americans persists", ce 7e régiment de cavalerie "est toujours célébré aujourd'hui pour avoir aidé à gagner l'Ouest", soulignant qu'il s'agit "d'un parfait exemple de racisme inconscient". Si ce régiment fut créé pour faire notamment des opérations de police dans le Sud des Etats-Unis, il fut aussi selon Evelyn Red Lodge "un régiment expressément créé dans le but de mener des raids sur les villages des Amérindiens, et protéger les exploitants agricoles, qui étaient le plus souvent des colons blancs cherchant à s'accaparer les terres des Amérindiens".

    Malgré les siècles, la douleur et les traumas du passé restent vifs dans la mémoire collective des Amérindiens, comme le raconte cet article d'un journaliste de The Guardian, Sam Levin, daté de février 2017, où une descendante de Custer est venue rendre visite à des représentants de la communauté des Sioux. "La perte de Custer fut un coup dévastateur pour l'armée américaine, et nous en payons encore le prix" lâche Wasté Win Young, un des Amérindiens présents à cette rencontre historique.

    Ci-dessous, la bande-annonce de la saison une de Watchmen, actuellement diffusée sur OCS...

     

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