Après Geena Davis, Sienna Miller est la seconde actrice de cette 45ème édition à recevoir un Deauville Talent Award. Et c'est avec un vrai premier rôle que celle qui s'illustre habituellement au second plan (ou avec des partenaires masculins à ses côtés en haut de l'affiche) a fait le déplacement : celui d'une mère qui tente de se reconstruire après la disparition de sa fille dans American Woman, le beau drame signé Jake Scott. Un long métrage qui fait presque figure d'exception à une époque où les beaux personnages féminins semblent se trouver davantage sur petit que sur grand écran : "Il est rare de lire des scénarios de ce genre, avec de grandes performances pour une actrice", nous répond la principale intéressée.
"Je n'ai pas le sentiment d'en avoir vu beaucoup en grandissant. Mais tout dépend aussi de si les gens voient American Woman. C'est un petit film et il est difficile de faire bouger les gens de devant leur télé aux États-Unis, de les faire sortir de chez eux comme ils le faisaient avant. Je pense que les femmes voient plus de films que les hommes et méritent d'être mieux représentées au cinéma dans ce sens. Mais j'ai le sentiment que les choses changent et qu'elles ne sont pas équilibrées."
A-t-elle le sentiment que la situation s'améliore pour les actrices depuis l'affaire Weinstein à Hollywood et les naissances des mouvements #MeToo et Time's Up ? "Je sens qu'il y a du progrès. Il y a une partie de cette industrie qui a été opaque et les femmes ont été maltraitées. Grâce aux réseaux sociaux qui permettent l'expansion de ce type d'information ou le fait que des millions de gens discutent d'un sujet quelques secondes après qu'il se soit produit, la voie peut être pavée pour d'éventuels vrais changements. Pour ce qui concerne le fait que les femmes soient sous-payées, ce qui est vrai problème dans ce milieu, il y a beaucoup plus de transparence quant à ce que les gens touchent, et beaucoup plus de courage de la part des femmes pour ne pas accepter quelque chose d'injuste. Mais le combat continue et les femmes sont immensément puissantes. L'engouement d'un homme pour une femme a renversé des royaumes, et en répercussion de ce pouvoir, les hommes ont réprimé les femmes, donc j'aime cet état de soulèvement."
Le cinéma français était ce que je respectais le plus en grandissant, donc recevoir un trophée en France pour du cinéma est un honneur incroyable
"Bien sûr que j'ai été victime de sexisme. Il m'est arrivé d'entrer dans une pièce remplie d'hommes et de me sentir intimidée et inférieure. Ou que l'on pense de moi que j'étais banale, ou jolie, mais que l'on ne me prenne pas au sérieux. Je n'ai jamais subi de harcèlement sexuel sur un plateau, on ne m'a jamais offert un rôle en échange de faveurs sexuelles, dieu merci ! J'ai fait l'expérience du harcèlement sexuel dans la vie, de la même façon que tout le monde autour de cette table a vécu ce problème. Mais le pire c'est que je l'ai accepté. Et c'est très difficile de mettre en sourdine la voix qui te dit 'Je suis contente d'être ici, j'ai de la chance', pour dire que je veux être estimée pour ce que je fais. Et répondre à ce type d'hommes : 'Ok tu as eu un orgasme, moi j'ai fait grandir un être humain en moi et je lui ai donné la naissance, donc tu peux aller te faire foutre (rires) Car je suis sans doute plus forte que toi.' Quand on fait le calcul, c'est effarant. 'Merci pour ta contribution à l'humain que je viens de produire. Maintenant va-t-en.' J'aime les hommes et j'ai de super amis masculins ainsi qu'un père merveilleux. Je les respecte mais je pense qu'il devrait y avoir une égalité."
En attendant, le Festival met cette année plus de femmes que d'hommes en lumière avec ses Deauville Talent Awards, remis à un acteur (Pierce Brosnan), contre trois actrices. Dont Sienna Miller, récompensée pour sa jeune mais déjà riche carrière : "Le cinéma français était ce que je respectais le plus en grandissant, donc recevoir un trophée en France pour du cinéma est un honneur incroyable. Je n'ai jamais eu l'occasion de me pencher sur ce que j'avais fait car, de mon point de vue, je débute seulement. Je suis dans le déni par rapport à où j'en suis dans la vie, donc c'était quelque chose d'étrange que de devoir se poser pour écrire un discours et jeter un coup d'œil dans le rétroviseur. Je ne fais pas cela d'habitude car je vis dans le présent mais, en me penchant sur les différents rôles que j'ai joués, les vrais personnages, je me sens heureuse d'avoir pu faire cela, au lieu d'être seulement 'la fille'."
"American Woman" n'a pas encore de date de sortie en France :
