Après Ayrton Senna et Amy Winehouse, Asif Kapadia se penche sur Diego Maradona, dans son nouveau documentaire. Lequel parle aussi bien de la star que du monde du football, de l'Italie et même des années 80, ce qui le rend accessible à tous, et pas seulement aux fans de ballon rond. Et qui sait si le long métrage présenté au dernier Festival de Cannes ne va pas vous donner envie d'en voir d'autres sur le sujet. Auquel cas, voici notre sélection.
Maradona par Kusturica
Pour compléter le film d'Asif Kapadia... - Avec Diego Maradona, Asif Kapadia revient sur les années 1984-1991, qui ont vu la star argentine toucher le soleil du bout des doigts et se brûler les ailes, dans un vrai concentré de tragédie grecque écrite dans le sud de l'Italie et rythmée comme un thriller. Un documentaire qui revient sur les prémisses du statut de dieu vivant acquis par le Pibe de Oro, dont l'aura a su résister à une fin de carrière indigne de son talent et à de nombreuses frasques. C'est ce qu'entend démontrer Emir Kusturica avec ce long métrage de 2008, en retraçant toute sa carrière.
En cela, il se rapproche de Maradona, un gamin en or, sorti deux ans plus tôt, mais se révèle plus rock, à l'image de son réalisateur qui se met beaucoup en scène. Un peu trop même, au point d'effleurer certains sujets qui auraient mérité d'être approfondis, et de devenir un portrait du cinéaste autant que du joueur filmé. Maradona par Kusturica... et inversement ?
Les Yeux dans les Bleus
Pour vivre France 98... - Est-il vraiment nécessaire de présenter l'équivalent de Zinédine Zidane parmi les documentaires sur le football ? Diffusé quelques mois après la victoire de l'Équipe de France dans sa Coupe du Monde, Les Yeux dans les Bleus fait autant figure de journal de bord que de portrait des membres de la bande emmenée par Didier Deschamps, qui réalise peu à peu la page d'Histoire du sport qu'elle est en train d'écrire. Un modèle du genre qui permet de découvrir les hommes derrière les héros du Mondial, devenues des stars sur-exposées au lendemain du fameux 12 juillet 1998.
Sans le savoir, le réalisateur Stéphane Meunier chronique alors la fin d'une époque, et aide Aimé Jacquet à prendre, pour de bon, sa revanche sur les médias : alors qu'il était décrié avant la compétition, son importance dans la victoire finale ne fait plus aucun doute. Et ses punchlines sont encore dans toutes les têtes, de "Muscle ton jeu Robert" à sa façon d'appeler Bernard Diomède "Petit bonhomme", en passant par son discours, sévère mais galvanisant, à la mi-temps de la demi-finale contre la Croatie.
Deux suites verront le jour, avec nettement moins de succès : une première sur la préparation à la Coupe du Monde 2002, et la seconde sur le fiasco de la compétition, que les Bleus quittent à l'issue des matches des poules, sans victoire ni but marqué.
98 - Secrets d'une victoire
Pour revivre France 98... - 20 ans plus tard, on prend les même et on recommence. Alors qu'il s'apprête à offrir au maillot tricolore sa deuxième étoile, Didier Deschamps est l'un des acteurs du documentaire signé Nicolas Glimois et Grégoire Margotton, devenu le commentateur des matches des Bleus depuis l'Euro 2016. Devant leur caméras, tous reviennent sur leur épopée fabuleuse, de la préparation compliquée à la victoire finale, avec beaucoup de franchise. C'est ainsi que Zidane évoque sa nervosité qui lui a valu un carton rouge contre l'Arabie Saoudite, Dugarry les sifflets à son encontre ou qu'Aimé Jacquet reconnaît que, sans la maladresse de ses joueurs devant le but, le Brésil aurait quitté le Stade de France avec une sacrée valise au soir de la finale.
Sans oublier ce moment où Youri Djorkaeff revient sur le premier but de Lilian Thuram lors de la demi-finale contre la Croatie et avoue avoir regretté de lui avoir passé le ballon sur le moment, le défenseur étant alors connu pour ses pieds carrés et son manque d'efficacité face aux gardiens adverses. Ce que le principal intéressé semble confirmer : "Je crois que je voulais tirer d'un côté, et que la balle est partie de l'autre." Des séquences honnêtes et amusantes, qui permettent à 98 - Secrets d'une victoire de ne pas tomber dans l'auto-célébration, mais de se muer en parfait complément des Yeux dans les Bleus, dont il serait la vraie suite deux décennies plus tard. Avec du recul sur les événements et un sens aigu du montage, qui nous fait trembler devant des extraits de matches dont on connaît pourtant l'issue. Dans le genre, un petit exploit.
Les Bleus - Au coeur de l'épopée russe
Pour aller chercher cette deuxième étoile... - Diffusé deux jours après la victoire de l'Équipe de France en finale de la Coupe du Monde 2018, ce documentaire manque clairement de recul et ressemble davantage à un assemblage des modules postés, jour après jour, sur les réseaux sociaux pendant la compétition. Mais un vrai charme se dégage de cette Épopée qui, à l'instar des Yeux dans les Bleus, brille lorsqu'elle nous montre le côté humain des joueurs et la cohésion du groupe, et asseoit Didier Deschamps comme le successeur d'Aimé Jacquet dans son management, à la fois proche de ses hommes et dur quand il faut les secouer, comme après le match inaugural contre l'Australie où personne n'est épargné.
S'il ne devrait pas devenir aussi culte que Les Yeux dans les Bleus, Au coeur de l'épopée russe fonctionne comme un témoignage sur la conquête de cette deuxième étoile par un groupe dans lequel cohabitaient aussi bien des personnalités effacées (N'Golo Kanté, Nabil Fekir) que de vrais leaders de vestiaires, à l'image d'Antoine Griezmann et - surtout - Paul Pogba, dont le discours avant le huitième de finale contre l'Argentine donne envie de tout donner avec eux. Même si l'on est derrière son poste de télévision et que l'événement est déjà passé.
Le Moment de briller - Les Bleues en route vers le Mondial
Pour faire connaissance avec l'autre Équipe de France... - Tous les supporters rêvaient de les voir sur le toit du monde, un an après leurs homologues masculins. Mais le parcours de l'Équipe de France Féminine s'est arrêté aux portes des demi-finales de son Mondial, où les Bleues auront eu le malheur de tomber trop tôt sur les favorites (et futures championnes) américaines. Sportivement, le bilan est donc mitigé et laisse un goût d'inachevé. Médiatiquement, c'est autre chose, car nombreux sont ceux qui se sont passionnés pour les joueuses de Corinne Diacre, à qui Géraldine Maillet a consacré un documentaire diffusé au début du mois de juin sur TF1.
Comme la réalisatrice l'explique dans l'interview qu'elle nous a accordée à cette occasion, les Bleues y apparaissent beaucoup plus spontanées que les hommes ne le sont depuis que France 98 a transformé ses héros et leurs successeurs en stars. Le Moment de briller réussit ainsi à donner un coup de projecteur à l'équipe tricolore en même temps qu'au football féminin, et nous présente celles qui triompheront, peut-être, pendant la prochaine compétition internationale.
Les Bleus - Une autre Histoire de France
Pour sortir du rectangle vert... - Nul ne peut oublier les images des supporters en liesse sur les Champs-Élysées, dans la nuit du 12 au 13 juillet 1998. "La France entière plongeait dans une ivresse", dit Grégoire Margotton en ouverture de Secrets d'une victoire, rappelant au passage que la victoire des Bleus était aussi celle de tout un peuple. Au même titre que l'échec en finale de l'Euro 2016 a revêtu des allures de gueule de bois pour les supporters. "C'est que du foot, mais c'est plus que du foot", résume l'ancien sélectionneur Raymond Domenech dans ce documentaire disponible sur Netflix, là où Lilian Thuram affirme que "le sport est de la politique".
Étalé sur deux décennies, le film de Pascal Blanchard, Sonia Dauger et David Dietz s'étend de 1996 (début du renouveau à l'Euro en Angleterre sous la houlette d'Aimé Jacquet) à 2016 (année où les Bleus rassemblent de nouveau, avec leur Euro) et va au-delà du simple cadre sportif pour montrer la façon dont le football est devenu le miroir de notre société, quitte à se teinter de politique. Il y a en effet eu les "Zidane président" du 12 juillet 1998, les débats relatifs à la Marseillaise, le match amical contre l'Algérie où l'unité de la "France black-blanc-beur" s'est fissurée, ou encore la grève des joueurs en 2010 discutée à l'Assemblée Nationale. Et la façon dont la croissance hexagonale est repartie à la hausse dans la foulée de la victoire en finale de la Coupe du Monde.
Même si ses effets sont plus appuyés, Une autre histoire de France se rapproche de Diego Maradona, qui évoque autant la star argentine et le sport qui l'a portée sur le toit du monde que les rapports entre l'Italie du Nord et l'Italie du Sud. Les questions d'immigration et d'intégration y côtoient donc des images d'archives déjà connues, les émeutes en banlieue et la crise économique vont de pair avec la dégradation de la réputation des Bleus auprès de l'opinon publique, qui les qualifie de "racailles". Un "je t'aime moi non plus" certes linéaire, qui permet de mieux saisir l'importance que revêt le ballon rond dans l'Hexagone, en même temps que les contradictions que notre société.
Zidane, un portrait du XXIe siècle
Pour vivre un match sur le terrain... - On aurait pu parler de Becoming Zlatan, sur les débuts d'Ibrahimovic, avant qu'il ne devienne celui dont les buts spectaculaires, qui conjuguent football et taekwondo, font encore le tour du monde ; ou Antoine Griezmann - Champion du Monde, qui ressemble davantage à un coup de communication même s'il permet de mieux saisir les valeurs du nouveau joueur de Barcelone et la façon dont il s'est battu pour réaliser son rêve. Mais s'il fallait ne retenir qu'un seul documentaire sur un footballeur, ce serait Zidane, un portrait du XXIe siècle de Philippe Parreno et Douglas Gordon, au croisement entre le long métrage, la retransmission sportive et l'oeuvre d'art.
Grâce à dix-sept caméras, les deux réalisateurs nous permettent de suivre le numéro 5 du Real Madrid, en temps réel, du début à la fin d'un match de championnant contre Villareal. Comme souvent sur le rectangle vert, le film présenté hors-compétition au Festival de Cannes 2006 est inégal dans son rythme, mais la musique signé Mogwai permet de le rendre fascinant par moments, voire hypnotique. Et surtout, il montre ce que l'on a peu l'occasion de voir : des séquences de jeu sans ballon, la concentration du meneur de jeu... Au final, la meilleure équipe du monde s'impose face à son adversaire du jour, par deux buts à un. Mais Zidane y écope d'un carton rouge. En toute fin de partie heureusement, sans quoi ce Portrait du XXIe siècle se serait mué en court métrage.
Notons quand même que le film a sans doute inspiré les diffuseurs, tant il n'est pas fréquent que des émissions consacrées au football nous proposent le résumé d'un match entièrement focalisé sur un seul joueur.
Take the Ball, Pass the Ball
Pour mieux comprendre le foot d'aujourd'hui... - C'est un phénomène qui revient tous les quatre ans : chaque Coupe du Monde de football consacre une façon de jouer, souvent celle du nouveau champion. Entre 2008 et 2012, la tactique espagnole, également appelée "tiki taka", était le modèle à suivre, en sélection comme en club, où le FC Barcelone marchait sur l'Europe, sous les ordres de Josep 'Pep' Guardiola, dont le documentaire détaille la méthode héritée de la légende hollandaise Johan Cruyff. Basé sur le livre "Barça: The Making of the Greatest Team in the World" écrit par le journaliste sportif Graham Hunter, le film s'appuie sur beaucoup d'interviews pour décrypter la façon de faire de celui qui a gagné pas moins de quatorze trophées pendant son mandat catalan, souvent au nez et à la barbe de son meilleur ennemi, José Mourinho, alors coach du Real Madrid.
Un documentaire qui, par rapport à d'autres de cet article, est un peu passé inaperçu, mais permet de mieux saisir la méthode de jeu, basée sur la possession de balle et les transmissions rapides (d'où le titre du film, que l'on peut traduire par "Prends le ballon, passe le ballon"), dont beaucoup se réclament encore aujourd'hui. En attendant le prochain bouleversement.
Football infini
Pour découvrir les futures révolutions... - Si "Take the Ball, Pass the Ball" se concentre sur l'un des styles de jeu les plus en vogue du XXIe siècle, Football infini nous présente peut-être les prochaines évolutions du sport. Passé par la Compétition cannoise au mois de mai avec Les Siffleurs, Corneliu Porumboiu suit un certain Laurentiu Ginghina. Un fonctionnaire roumain qui, au premier abord, peut passer pour un dingue, lui qui passe ses nuits à réinventer les règles du sport, pour donner plus de vitesse au jeu et réduire les fautes.
Division des équipes en deux sous-équipes, segmentation plus poussée des zones du terrain dont les coins tels qu'on les connaît sont supprimés... Le long métrage a le bon goût de ne pas se moquer de celui qui apparaît parfois comme un illuminé, avec son projet improbable. Mais une forme de poésie se dégage de sa candeur et de son jusqu'au-boutisme, et on se dit que, peut-être ses idées seront un jour entendues.
Boca Juniors - Un club à part
Pour vivre une saison en coulisses... - C'était une blague récurrente sur les réseaux sociaux : entre les défaites improbables, les blessures en cascade, son président invisible dans les médias et l'altercation entre son joueur star et un supporter, beaucoup ont vu dans la fin de saison 2018/2019 du Paris Saint-Germain des ingrédients et rebondissements dignes d'une série télé. Cela ne s'est pas fait mais, de toute façon, le club n'aurait pas été le premier à y avoir droit, car plusieurs ont déjà eu cet honneur avant. Il n'y a qu'à voir rien que sur Netflix : Barça Dreams décrypte la philosophie de jeu de Barcelone ; Sunderland - Envers et contre tous montre comment les Black Cats échouent à remonter en Première Division Anglaise et connaissent une nouvelle relégation ; Club de Légende - Juventus chronique le tournant de la saison 2017/2018 de l'équipe turinoise en trois épisodes ; et River - El Mas Grande retrace l'Histoire de l'autre grand nom du football argentin.
Et puis il y a la série documentaire consacrée au plus grand rival de River Plate : Boca Juniors. Un Club à part, comme le titre l'indique bien, qui a vu passer Diego Maradona à ses débuts, et dont l'aura est intacte près de 115 ans après sa naissance, comme l'a récemment prouvé l'arrivée de la légende de l'AS Roma Daniele De Rossi. Une équipe qui suscite une véritable passion, que d'aucuns trouveront exagérée, et dont le show permet de saisir la teneur en nous faisant vivre une saison entière, entre terrain et coulisses. Si beaucoup considèrent le football comme une religion, ce ne sont pas les supporters de Boca qui affirmeront le contraire.
This is Football
Pour comprendre la passion... - "Ça n'est que du football", entend-on parfois, ce qui a le mérite d'énerver les passionnés. Lesquels vont peut-être se faire comprendre grâce à cette série en six épisodes, disponible sur Amazon Prime Video depuis le 2 août, et dans laquelle est mise en avant la façon dont le sport rassemble les peuples et aide à se dépasser, le tout avec un langage universel.