Il y a vingt ans jour pour jour, le 28 juillet 1999, Le Projet Blair Witch, de Daniel Myrick et Eduardo Sánchez sortait sur les écrans français. A l'époque, c'est un petit événement, car le film, tourné en found footage - comme un faux documentaire -, bénéficie d'une campagne de marketing virale à grande échelle qui le présente comme un véritable documentaire.
Le synopsis annonce la couleur : "En octobre 1994, trois jeunes cinéastes, Heather Donahue, Joshua Leonard et Michael Williams, disparaissent en randonnée dans la foret de Black Hills au cours d'un reportage sur la sorcellerie. Un an plus tard, on a retrouvé le film de leur enquête. Le Projet Blair Witch suit l'itinéraire éprouvant des trois cinéastes a travers la foret de Black Hills et rend compte des événements terrifiants qui s'y sont deroulés. A ce jour, les trois cinéastes sont toujours portés disparus."
De son côté, la production a créé un site Internet qui atteste des différentes étapes de préparation du documentaire, présente des rapports détaillés sur les recherches des trois étudiants et des images des réactions de leurs familles et des experts. Les trois acteurs ont été priés de s'abstenir de comparaître en public et ce n'est qu'à la première du film que le public apprend que tout cela n'était qu'un plan de com'. La mayonnaise prend, ainsi que le bouche à oreille et Le Projet Blair Witch rencontre un énorme succès.
Tourné en huit jours seulement, il rapporte près de 249 millions de dollars à l'international alors qu'il n'en a coûté que 60 000 et devient ainsi le film le plus rentable de l'Histoire (titre qu'il conservera jusqu'en 2009, dix ans plus tard, lorsqu'il sera détrôné par Paranormal Activity et ses 193 millions de dollars de recettes dans le monde pour 15 000 dollars de budget).
Un succès mérité ?
Les critiques et le public sont alors très enthousiastes. Pour les journaux de l'époque, le pari est réussi, car le film "fait très peur". Il a le mérite (ou pas) de lancer la mode du found footage, déjà expérimenté à partir des années 1960-1970 et exploité efficacement par Ruggero Deodato dans Cannibal Holocaust en 1980. Toutefois, vingt ans après et après épuisement du found footage sous toutes les formes possible et imaginables, la formule ne convainc plus qu'à moitié.
Certes, on a vu pire depuis (le remake de Blair Witch de 2016 fait encore moins peur que Paranormal Activity), mais on a aussi fait beaucoup mieux (l'excellent The Visit de M. Night Shyamalan en tête, talonné par le très bon Dernier exorcisme, par exemple). Non seulement Blair Witch n'a plus grand chose de terrifiant, mais ses qualités cinématographiques sont également proportionnelles à son budget : proches de zéro.
Par souci d'authenticité, une partie des images ont été tournées par les comédiens eux-mêmes. Et cela se voit, même si cela a donné lieu à quelques heureux accidents - notamment, le gros plan désormais culte sur le visage de Heather alors qu’elle enregistre sa vidéo d’adieu, involontaire et obtenu parce que l'actrice avait trop zoomé sur l'appareil photo. La caméra portée, éternel gimmick du found footage, donne quand même sacrément le mal de mer. D'ailleurs, certains spectateurs en salle ont été pris de nausées et ont dû sortir pour vomir.
Autre problème, et non des moindres, le jeu des acteurs laisse tout de même franchement à désirer. En fin de compte, n'a-t-on pas été davantage hantés par les hurlements incessants de Heather que par l'angoisse de se faire couper la langue dans notre sommeil par la sorcière de Blair ? Si Les Dents de la mer a incontestablement contribué à développer des angoisses de mort chez les baigneurs en bord de plage, pas sûr qu'il en soit de même pour Le Projet Blair Witch avec les amateurs de camping et de balades en forêt.
Pour finir, au-delà du coup marketing, cette randonnée vaguement angoissante aux accents sataniques ne raconte pas grand chose, ni sur la société, ni sur la jeunesse, ni sur les sorcières d'ailleurs. Dommage. Il reste que grâce à son succès et à sa bonne réception de l'époque, Le Projet Blair Witch demeure souvent cité parmi les meilleurs films d'épouvante de tous les temps. Pour autant, malgré la phrase d'accroche de l'affiche française - "On n'a pas eu autant les jetons au cinéma depuis Shining" -, on lui préférera... Shining.
La bande-annonce du Projet Blair Witch :