D'Iron Man à Avengers Endgame : notre bilan des 3 Phases du MCU, film par film
Maximilien Pierrette
Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

Alors que "Avengers Endgame" sort en DVD/Blu-Ray et que la Phase III du MCU vient de s'achever avec "Spider-Man - Far From Home", l'heure est venue de faire un bilan de ce premier cycle, film par film.

The Walt Disney Pictures

Au début des années 2000, Kevin Feige avait un rêve un peu fou : le jeune producteur voulait en effet transposer sur grand écran le modèle des comic books avec les super-héros, alors en disgrâce au cinéma depuis Batman & Robin, à savoir mêler histoires solo et cross-overs dans un univers où tout le monde coexiste et se voit lié par un fil rouge, chaque opus contenant des références aux autres. Une approche sérielle du blockbuster à laquelle peu de gens croyaient en 2008, lorsqu'Iron Man en a été le fer de lance. Onze ans plus tard, la donne a changé et le Marvel Cinematic Universe est devenu le roi d'Hollywood. Alors qu'un premier cycle vient de s'achever avec la conclusion de la Phase III, l'heure est venue de faire le bilan, film par film.

PHASE I (2008 - 2012)

The Walt Disney Pictures

IRON MAN (2008)

Celui par qui tout a commencé. Si une telle entreprise relèverait de l'évidence aujourd'hui, réussi à enfin s'imposer sur grand écran tout en comptant sur le banni Robert Downey Jr. que Kiss Kiss Bang Bang venait tout juste de remettre en selle était un double-pari pour Marvel, qui risquait la faillite en cas d'échec. Mais les producteurs ont pu pousser un ouf de soulagement face aux 585,2 millions de dollars récoltés dans le monde, alors que le film de Jon Favreau instaure un ton et un modèle qui seront régulièrement repris par la suite, où l'humour vient alléger l'action, tandis que l'accent est autant mis sur les effets spéciaux que sur le côté humain du héros.

"Je suis Iron Man", déclare Tony Stark dans la dernière scène, comme pour (se) le prouver. À l'époque, le public ne sait pas encore que cette réplique s'applique aussi à son interprète, dont la personnalité finira par se fondre dans celle de son personnage au fil des ans. Ni que les méchants oubliables et interchangeables comme Obadiah Stane (Jeff Bridges), négatif un peu trop évident du héros, seront l'un des défauts récurrents du Marvel Cinematic Universe, dont la naissance est officalisée à l'issue du générique lorsque Samuel L. Jackson débarque sous les traits de Nick Fury pour évoquer une certaine "Initiative Avengers".

L'INCROYABLE HULK (2008)

À peine Iron Man a-t-il quitté les salles que, déjà, survient le premier accroc. Comme son personnage principal, L'Incroyable Hulk est emmené par un équivalent de Dr. Jekyll et Mr. Hyde : alors qu'il a accepté de porter sur ses épaules le second opus du MCU, Edward Norton ne se prive pas de réécrire des scènes sur le plateau, ni de cracher sur le résultat final alors que seule sa bande-annonce a été dévoilée. Des propos qui lui vaudront une mise à l'écart du projet Avengers au profit de Mark Ruffalo (qui, ironie, était le premier choix du réalisateur Louis Leterrier), même s'il faut reconnaître que l'acteur n'avait pas entièrement tort.

En tant que blockbuster, cet Incroyable Hulk est plus efficace que la version beaucoup plus "auteur" d'Ang Lee, sortie en 2003. Non content de nous offrir une poignée de séquences réussies, le long métrage n'en oublie pas la psychologie pour autant, et Edward Norton se révèle être un Bruce Banner plus convaincant qu'Eric Bana. Mais le résultat est aussi handicapé par son écriture bancale, son combat final 100% numérique et un style encore trop impersonnel, autre défaut dont souffriront beaucoup trop de films de la saga par la suite. Avec un box-office mondial à peine supérieur à celui de son prédécesseur (263,4 millions de dollars contre 245,4), l'opus est, aujourd'hui encore, considéré comme l'un des plus faibles d'un MCU dont les auteurs ne sauront que trop rarement quoi faire avec le géant vert.

IRON MAN 2 (2010)

Ne pas confondre vitesse et précipitation. Désireux d'accélérer la mise en place d'Avengers, Marvel lance le tournage d'un Iron Man 2 alors que le scénario n'est pas terminé. Et les interventions constantes des producteurs sur le plateau auront autant raison de la patience de Jon Favreau que de la cohérence de l'histoire, dont le méchant incarné par Mickey Rourke est le grand perdant, l'acteur ayant depuis affirmé que bon nombre des scènes ayant pour but de développer son personnage avaient été coupées au montage. Dans son rôle de wannabe Tony Stark, Sam Rockwell n'est pas beaucoup mieux loti, alors que la personnalité de Pepper Potts (Gwyneth Paltrow) change radicalement dès l'ouverture, à tel point que l'on se demande s'il ne s'agit pas d'une autre personne.

Bavard et surchargé, Iron Man 2 n'en reste pas moins divertissant avec son final explosif, même si la saga y perd beaucoup du charme acquis avec le premier opus. Beaucoup plus préoccupé par son univers étendu que par le film qui se déroule sous nos yeux, Marvel pave la route qui mène au final de la Phase I et, sur ce plan, s'en sort mieux : le S.H.I.E.L.D., via Nick Fury, occupe une plus grande place dans l'intrigue ; la Veuve Noire Natasha Romanoff fait ses débuts sous les traits de Scarlett Johansson ; et des easter eggs tissent des liens avec Captain America tandis que la scène post-générique tease Thor. Après trois longs métrages, le bilan qualitatif du MCU n'est donc pas franchement positif. Mais dans les salles, ça marche. Et les 623,9 millions de billets verts engrangés dans le monde par ce film le prouvent.

THOR (2011)

Avec Thor, le MCU quitte la Terre pour explorer le pan spatial et mythologique de son univers. Et c'est à un vrai auteur que la tâche est confiée : Kenneth Branagh. Tout juste sorti de son remake catastrophique du Limier, ce dernier réalise son premier (et à ce jour dernier) film de super-héros. Si son goût pour les cadres penchés (ou "dutch angles", technique popularisée par Le Troisième homme) lui vaut quelques tensions avec les producteurs, son obsession pour la tragédie shakespearienne colle très bien avec l'histoire du fils d'Odin, envoyé sur Terre pour y vivre comme les humains, lui dont l'arrogance a mené au retour d'une guerre ancestrale.

Si la dimension fantastique est encore plus prononcée que dans Iron Man ou L'Incroyable Hulk, lors des scènes se déroulant au royaume d'Asgard, Thor s'inscrit dans la lignée des opus qui l'ont précédé en cherchant l'humanité derrière les pouvoirs, le temps d'un parcours à l'issue duquel le héros aura mérité son statut. Et contrairement à bon nombre de films du MCU, c'est davantage sur le fond que la forme qu'il tire son épingle du jeu : il a en effet très mal vieilli sur le plan visuel, l'humour sur fond de choc des cultures rappelle celui des Visiteurs et la romance avec Jane Foster est convenue. Mais il y a Loki, ce demi-frère adopté qui veut régner à la place de l'héritier, et un vrai bon personnage de méchant. Enfin. Un antagoniste complexe et sournois que ses successeurs auront bien du mal à égaler.

Côté casting, Marvel frappe encore fort avec Chris Hemsworth et surtout Tom Hiddleston. Partenaire de Kenneth Branagh dans Les Enquêtes de l'Inspecteur Wallander, il avait d'abord, comme Cillian Murphy pour Batman Begins, auditionné pour incarner le héros. C'est finalement du méchant dont il a hérité et, quoi que l'on pense de la saga Thor, celle-ci nous aura offert l'un des meilleurs acteurs du MCU, avec un méchant que les producteurs ne veulent toujours pas laisser partir. Pour le plus grand plaisir du public.

CAPTAIN AMERICA - FIRST AVENGER (2011)

C'est l'un des héros les plus emblématiques du catalogue Marvel... mais le dernier à se lancer dans la Phase I. Parce que les producteurs ont préféré tabler sur Iron Man pour éviter de se griller une cartouche d'entrée de jeu ? Ou pour mieux installer la marque au cinéma avant de faire intervenir un personnage certes iconique, mais dont l'image est quelque peu désuète au début des années 2010 ? Mystère. C'est en tout cas à l'époque de sa naissance sur papier, pendant la Seconde Guerre Mondiale, que Steve Rogers fait ses premiers pas, dans un long métrage qui fonctionne comme un miroir de Thor.

Car contrairement à ce dernier, le personnage principal possède les qualités d'un héros à défaut du physique. Jusqu'à ce que le fameux sérum du Super Soldat ne vienne changer la donne, dans un film d'aventures à l'ancienne que Joe Johnston inscrit dans la lignée de son Rocketeer, avec un peu plus de succès en salles, même si First Avenger est l'un des opus les moins lucratifs du MCU avec 370,6 millions de dollars de recettes au compteur. Une injustice au vu du résultat, original dans sa façon de trancher avec les blockbusters du moment et qui nous présente celui qui deviendra le plus intéressant des Avengers, un homme qui, dès le début de ses aventures, n'aura jamais été à sa place : trop malingre pour partir au front, puis trop fort, en décalage permanent lorsqu'il se réveille à notre époque après hibernation forcée...

Beaucoup plus surprenant que ce à quoi son physique de quarterback pourrait le destiner, Chris Evans est parfait dans la peau du personnage dont l'évolution colle avec la sienne en tant qu'acteur. Et qu'importe si son méchant, un nazi plus méchant que les nazis, et un poil caricatural : Captain America - First Avenger est l'un des opus du MCU qui résiste le mieux à l'épreuve du temps, à tel point que l'on peut se demander comment Joe Johnston aurait poursuivi la saga à notre époque, après avoir posé le dernier pion de la Phase I avant Avengers. Prisonnier des glaces après avoir sauvé le monde, le héros se réveille en effet à notre époque, et sa force surhumaine ne sera pas de trop selon Nick Fury, ce que le teaser du prochain film suivant caché dans le générique vient prouver.

AVENGERS (2012)

Malgré le succès d'Iron Man (ou The Dark Knight chez DC), faire un film mettant un seul super-héros relevait encore du pari à cette époque. Alors en réunir six... Bien que confié à Joss Whedon, le projet est attendu avec davantage de circonspection que d'enthousiasme, et la surprise n'en a été que meilleure. Car ça marche. Si l'on peut regretter le traitement de Captain America, dont le leadership ne compense que trop peu les moments où il est tourné en ridicule car en décalage, les interactions entre les personnages se révèlent être le point fort d'un long métrage qui nous offre quand même une gigantesque séquence d'action en guise de climax. L'équilibre trouvé par le réalisateur et scénariste tient presque du miracle, et celui-ci se concrétise au box-office, alors que les spectateurs découvrent qu'une menace encore plus imposante que Loki plane sur les héros.

Plus gros démarrage américain de l'Histoire et troisième plus gros succès de tous les temps jusqu'à 2015, grand vainqueur de l'année 2012 aux États-Unis et dans le monde (devant le très attendu The Dark Knight Rises)... Après des débuts encourageants, l'entreprise de Marvel prend son envol de façon spectaculaire avec un film qui ne l'est pas moins. Mais qui ne fera pas que du bien au MCU, car il instaure aussi une formule dont les longs métrages suivants auront bien du mal à s'écarter, où humour, action et références se mélangent de façon parfois trop attendue, encadrés par une photo terne. Et avec beaucoup moins de réussite que dans cet Avengers, conclusion de la Phase I dont le succès ouvre une nouvelle ère à Hollywood.

BOX-OFFICE DE LA PHASE I

3 811 244 484 $ - Avoir du succès avec des films de super-héros n'était pas gagné d'avance à l'époque, car pour un Spider-Man, combien de Ghost Rider et autres Elektra ? Aller à l'encontre de la noirceur alors en vigueur grâce aux Dark Knight de Christopher Nolan paraissait aussi risqué. Mais le pari de Marvel s'est avéré payant, et ce dès la sortie d'Iron Man. La suite s'est révélée plus hésitante, sur l'écran et/ou au box-office, mais la patience de Kevin Feige a été récompensée de façon fulgurante avec le carton plein du premier Avengers.

Un succès qui s'est étendu au-delà des salles obscures, puisque ses répercussions se sont faites sentir au sein des autres studios, qui ont alors voulu, eux aussi, leur univers partagé, comme lorsque le Young Adult était devenu la référence après Harry Potter et Twilight. Parmi les concurrents de Marvel, on retrouve bien évidemment Warner avec le catalogue DC, qui s'est hélas trop précipité façon Iron Man 2, là où leurs oeuvres ne manquaient pas d'intérêt. Surtout que, dans le même temps, la Maison des Idées n'a pas manqué l'occasion de confirmer.

PHASE II (2013 - 2015)

The Walt Disney Pictures

IRON MAN 3 (2013)

Un an après la déflagration Avengers, c'est l'heure de la confirmation pour Marvel, avec son fer de lance : Tony Stark, alias Iron Man. C'est encore lui qui ouvre le bal dans un film qui témoigne d'une volonté de faire preuve d'un peu de noirceur (le héros souffre de stress post-traumatique suite à son affrontement avec l'armée de Loki et Thanos) et de s'ouvrir de nouveau à un auteur. Lequel n'est autre que Shane Black, scénariste star d'Hollywood grâce à L'Arme fatale à qui Robert Downey Jr. doit sa seconde résurrection. Dans la première moitié du film, sa patte a pourtant du mal à se faire sentir et on le sent respectueux du cahier des charges qui fait naître un léger ennui car le spectateur se sent en terrain un peu trop connu, malgré l'évolution du personnage principal, et la présence de l'un des plus célèbres ennemis, le Mandarin.

Alors que beaucoup craignaient une représentation trop proche des comic books, donc caricaturale, c'est un joli twist que nous réserve Shane Black, puisque le méchant en question n'est qu'une marionnette, un comédien engagé par le vrai antagoniste du film, Aldrich Killian (Guy Pearce). Une révélation qui permet au réalisateur et scénariste de dynamiter le MCU de l'intérieur et de transformer la seconde moitié du long métrage en buddy movie, son genre de prédilection, dans lequel il n'est pas difficile de reconnaître son style. Le succès est même au rendez-vous puisque Marvel franchit le cap du milliard de dollars dans le monde pour la deuxième fois d'affilée, mais le résultat divise, entre ceux qui saluent la prise de liberté et les fans qui n'ont toujours pas pardonné la façon dont la figure du Mandarin a été bafouée.

À tel point que Marvel a rétropédalé en deux temps : d'abord avec le court métrage Longue vie au Roi, où il est fait mention d'un "vrai" Mandarin, outré par la manière dont son nom a été usurpé ; puis grâce à Shang-Chi and the Legend of the Ten Rings, attendu le 12 février 2021 dans nos salles et dans lequel le méchant sera campé par Tony Leung. Mais quelque chose s'est sans doute créé avec cette "polémique", car il est ensuite devenu difficile pour les réalisateurs choisis de sortir du cadre pré-établi, comme si la Maison des Idées, devenue une machine à succès, craignait qu'un retour de bâton ne vienne l'arrêter dans sa lancée.

THOR - LE MONDE DES TÉNÈBRES (2013)

Dans les classements des films du MCU du pire au meilleur, Thor - Le Monde des ténèbres arrive souvent dans les derniers. À juste titre. Miné par des problèmes de production (initialement engagée pour le mettre en scène, Patty Jenkins quitte le navire et provoque la colère de Natalie Portman qui veut elle aussi partir ; puis il se murmure qu'Alan Taylor et le compositeur auraient été mis à l'écart pendant la post-production), le long métrage concentre la plupart des défauts récurrents de la franchise : humour souvent forcé, histoire sans grande incidence sur l'univers à l'exception de la présence de l'une des Pierres de l'Infini, méchant accessoire (sans doute le pire à ce jour), refus de faire mourir des personnages clés… Rares sont les motifs de satisfaction pour ce long métrage certes efficace, et qui lorgne autant sur Game of Thrones que Star Wars.

Hormis son final qui navigue d'un monde à l'autre, cet épisode doit son salut à ses deux acteurs principaux : Tom Hiddleston, toujours aussi intéressant et fourbe dans la peau d'un Loki de plus en plus présent, au point de transformer ce nouveau Thor en Loki Show ; et Chris Hemsworth, que l'on sent plus à l'aise et dans la lignée de sa prestation dans Avengers, où l'humour est plus nuancé et ne vient pas parasiter l'héroïsme dont peut faire preuve son personnage, qui acquiert cette dimension de gentil looser que l'on retrouvera par la suite. Même si tout ceci est encore bancal et montre que les scénaristes ne savent pas exactement quoi faire avec lui. De son côté, Kevin Feige a les idées plus claires et la scène post-générique dans l'espace le prouve, en étant plus intéressante et intrigante que ce qui a précédé.

CAPTAIN AMERICA - LE SOLDAT DE L'HIVER (2014)

La Phase II prend enfin son envol et c'est, ironie du sort, grâce au personnage le moins intéressant d'Avengers, celui dont on avait du mal à saisir l'apport dans le monde actuel. Il fallait pourtant regarder du côté des œuvres d'Ed Brubaker, à qui l'on doit le Soldat de l'Hiver ; dans "La Sentinelle de la Liberté" qui inscrit le héros dans l'après-11-Septembre ; et les "Ultimates" de Mark Millar, version modernisée du héros à la solde d'un pays aux moyens peu recommandables et dans une époque bien plus complexe que la sienne. Autant d'éléments dans lesquels piochent les réalisateurs Joe et Anthony Russo avec les scénaristes Christopher Markus et Stephen McFeely, déjà auteurs du premier opus.

Après les films d'aventures façon Indiana Jones, les thrillers politiques des années 70 sont l'influence majeure d'un long métrage dont le scénario bouleverse le MCU (et sauve la série Agents of S.H.I.E.L.D., alors à la peine narrativement parlant), en révélant que le gouvernement est gangréné par H.Y.D.R.A. depuis de nombreuses années. Devenu fugitif, Steve Rogers incarne alors l'image contrastée que renvoie son pays dans le reste du monde depuis le 11-Septembre et la seconde Guerre en Irak. Et le choix du Soldat de l'Hiver comme antagoniste, avec l'étoile rouge qu'il arbore sur son bras métallique, fait écho à la Guerre Froide alors que les relations entre les États-Unis et la Russie se sont de nouveau rafraîchies. Surprenant, bien rythmé, sec dans ses combats, ce nouveau Captain America interroge également la notion de héros dans le monde actuel, et se rapproche ainsi de Batman v Superman ou The Dark Knight sur ce plan.

Même s'il oppose son personnage principal à son gouvernement, Captain America - Le Soldat de l'Hiver reste quand même dans les clous du divertissement grand public, puisque les autorités sont les méchants de l'histoire. Mais, non content de faire de Steve Rogers le héros le plus intéressant du MCU, le long métrage plante les graines d'une intrigue qui sera développée jusqu'à la fin de son arc narratif et lancera même la Phase III, après avoir infusé dans Avengers 2.

LES GARDIENS DE LA GALAXIE (2014)

Si Le Soldat de l'Hiver dynamite le MCU de l'intérieur, Les Gardiens de la Galaxie se charge d'élargir son horizon. Et prouver que la marque Marvel est désormais aussi forte, voire plus, que les personnages qu'elle met en scène. Car qui, parmi le grand public, connaissait Star-Lord, Groot, Rocket et consorts avant l'existence de ce projet ? 773,3 millions de dollars de recettes plus tard, la donne a clairement changé. Outre le talent de James Gunn, qui a pu imposer sa patte (dans la mesure du possible) sur un opus aux enjeux moindres pour Marvel, le film prouve le savoir-faire acquis en matière de marketing par le studio, qui donne immédiatement le ton et délivre des bandes-annonces imparables, jouant sur l'humour et la BO qui seront au coeur de l'ensemble.

Lequel s'ancre pleinement dans le versant spatial du MCU, dans la lignée de la scène post-générique de Thor 2, et fait revenir le grand méchant Thanos (désormais incarné par Josh Brolin) qui se fait toujours attendre, alors qu'une autre Pierre de l'Infini se trouve au cœur du récit. Mais c'est surtout grâce à ses personnages que le film se distingue : des héros malgré eux, passés par la case prison, et dont James Gunn va chercher l'humanité, non sans forcer le côté cool. Pas assez pour enrayer le tube de l'été 2014 et le fait que, à l'instar de l'intrigue qui les voit sauver une planète alors que personne n'aurait misé sur eux, Les Gardiens de la Galaxie passent du statut d'outsiders à celui de chouchous des spectateurs.

AVENGERS - L'ÈRE D'ULTRON (2015)

Avec Star Wars - Episode VII, c'était le film le plus attendu de 2015, et la première bande-annonce l'a prouvé en faisant exploser les compteurs et promettant des visions apocalyptiques. Que l'on retrouve, certes, mais avec un impact moins important que prévu, symptomatique d'une Phase II qui rechigne à plonger dans la noirceur. Il y a pourtant de la matière, avec le lien entre Tony Stark et le grand méchant Ultron, ou la façon dont la nouvelle venue Scarlet Witch altere la réalité et préfigure des événements tragiques… qui n'arriveront pas, la seule mort notable étant celle de Quicksilver (Aaron Taylor-Johnson), au cœur d'un flou juridique entre Disney et la Fox, et que Marvel semble céder de bonne grâce aux X-Men. A l'instar du personnage, tout va très vite. Trop peut-être.

De retour derrière la caméra, Joss Whedon parle d'un premier montage de 3h30, et cela se ressent dans le rythme. Comme Tony Stark, il semble avoir donné naissance à une créature qui lui a échappé, et ira même jusqu'à qualifier le tournage de "cauchemar". Déçevant au premier abord et au vu des attentes suscitées, L'Ere d'Ultron ne démérite pourtant pas. Sa mise en place renoue avec ce qui faisait le charme de l'opus précédent et son méchant est solide, mais tout dérape dans un dernier acte qui fait redite avec celui du premier et paraît précipité par rapport à tout ce qui a été développé avant. Sans compter que le traitement maladroit du personnage de Black Widow, qui se qualifie de monstre car ne pouvant avoir d'enfants, vaut au réalisateur des accusations de sexisme qui le poussent à quitter Twitter.

Couronné par le public geek trois ans auparavant, Joss Whedon quitte Marvel, épuisé, par la petite porte, avec un box-office moins important pour L'Ere d'Ultron (1,405 milliard de dollars contre 1,519), qui fait moins bien que Fast & Furious 7 et Jurassic World. Le film est pourtant efficace, intéressant lorsqu'il se focalise sur Hawkeye ou la brouille naissante entre Tony et Steve, mais il a sans doute été victime du statut acquis par Marvel avec le premier Avengers, qui lui a permis de devenir un mastodonte hollywoodien. Avec la tentation de limiter les risques au profit de la rentabilité. De là à dire que le cinéaste a été victime de la formule qu'il contribué à instaurer, et qu'il s'est retrouvé coincé entre ses ambitions et une feuille de route à respecter…

ANT-MAN (2015)

Plus encore que Thor 2, Ant-Man arrive dans les salles avec une mauvaise image. Et pour cause : alors qu'il travaillait dessus depuis 2006 et avait déjà bouclé le casting, le réalisateur Edgar Wright claque la porte à quelques semaines du tournage, lassé par le cahier des charges que Marvel cherche à lui imposer et les réécritures qui se font dans son dos. Orphelin de l'un des chouchous de la sphère geek, le film est récupéré par Peyton Reed (Yes Man) et ne manque pas de qualités, entre Paul Rudd, les jeux d'échelles lorsque le personnage grandit ou rapetisse et les monologues de Michael Peña. Mais on ne peut s'empêcher de se demander à quoi aurait ressemblé la version originale, alors que celle-ci s'intègre un peu trop parfaitement dans le cadre du MCU, jusque dans ses défauts (le méchant, encore et toujours).

Presenté comme la conclusion de la Phase II, Ant-Man fait davantage office d'épilogue destiné à préparer la suite, ce que la scène post-générique appuie en présentant l'une des scènes de Civil War. Malgré son envie de la jouer modeste, en restant circonscrit à la ville de San Francisco, le film résume ce deuxième tour de piste à lui tout seul, tant en bien (efficacité certaine, formule rôdée, castings réussis) qu'en mal (récit qui manquent d'enjeux et semblent juste être là pour nous faire patienter jusqu'au prochain Avengers, structure trop familière, humour forcé qui désamorce les instants dramatiques et héroïques). C'est sympathique et ça marche (519,3 millions de dollars pour celui-ci), mais trop rares sont les surprises.

BOX-OFFICE DE LA PHASE II

5 271 691 209 $ - Soit pas loin de 900 millions de billets verts par film en moyenne. Avec la Phase II, Marvel a donc transformé l'essai sur le plan financier, en prouvant qu'il n'était plus un outsider mais l'un des nouveaux patrons du box-office, que Warner et Sony ont tenté de suivre avec plus ou moins de réussite. Un poids lourd dont le nom est désormais aussi important, voire plus, que les titres qu'il dirige vers les salles obscures, comme l'a démontré le succès des Gardiens de la Galaxie. Question qualité, ce second tour de piste a alterné les hauts et les bas : si le long métrage de James Gunn a fait souffler un vent de fraîcheur, pendant que Le Soldat de l'Hiver secouait l'univers et qu'Iron Man 3 se jouait de nos attentes, le MCU a trop souvent donné l'impression de ronronner, avec des épisodes qui ne racontent finalement pas grand-chose et une difficulté à sortir de la formule couronnée de succès d'Avengers.

La Phase II est aussi celle des tensions en coulisses, car Marvel a épuisé/poussé vers la sortie pas moins de quatre réalisateurs (en comptant Patty Jenkins, partie avant le début du tournage de Thor 2) en l'espace de six films, et désavoué le parti pris de Shane Black concernant le Mandarin dans Iron Man 3. Alors que son statut a changé au sein d'Hollywood, le MCU semble être devenu une entité plus forte que tous ceux qui s'en emparent, comme Joss Whedon l'a appris à ses dépens pendant le tournage et la post-production d'Avengers 2, qui a finalement déçu comme ses résultats au box-office. Grand patron doté d'une vision à long terme, Kevin Feige paraît alors être le seul capable de dompter cette créature, lui dont le rêve de donner vie à univers entier de comic books sur grand écran se réalise bel et bien, son pari fou étant devenu le modèle à suivre dans le monde des blockbusters américains. Et un champion incontesté en puissance.

PHASE III (2016 - 2019)

The Walt Disney Pictures

CAPTAIN AMERICA - CIVIL WAR (2016)

Captain America 3... ou Avengers 2.5 ? Pour lancer sa Phase III, Marvel ne lésine pas sur la quantité de personnages et réunit la grande majorité de ses héros (seuls Thor, Hulk et les Gardiens manquent à l'appel) autour de l'adaptation de l'un des plus célèbres arcs narratifs de son catalogue : Civil War, ou l'affrontement des gentils divisés en deux camps autour de la notion d'identité secrète. Dans les comic books du moins, car à l'écran, c'est une histoire de contrôle des Vengeurs conjuguée au retour du Soldat de l'Hiver que Steve Rogers tient à innocenter qui met le feu aux poudres, et oppose Iron Man à Captain America. Ce dernier confirme que son histoire est bien la plus intéressante et complexe de cet univers, lorsqu'il questionne le symbole qu'il est censé représenter et ce gouvernement dans lequel il ne se reconnaît plus.

Confié au quatuor gagnant du Soldat de l'Hiver (les réalisateurs Joe et Anthony Russo, et les scénaristes Christopher Markus et Stephen McFeely), Civil War ne possède pas l'ampleur de son modèle, qui aurait nécessité plus d'un long métrage pour être traité en profondeur. Mais le résultat se révèle solide dans sa progression, et jouissif lorsque les héros se retrouvent face-à-face pour en découdre sur un tarmac d'aéroport en Allemagne. On aurait certes pu rêver moins cheap comme décor, mais il n'empêche que ça fonctionne, car le côté humain vient se mêler à l'action et persiste jusque dans l'affrontement final orchestré par le Colonel Zemo (Daniel Brühl), méchant plus complexe et nuancé que d'habitude, et dont les motivations sont compréhensibles.

Non content de chambouler l'univers et les dynamiques entre ses héros, Civil War nous en présente deux nouveaux : l'impressionnant Black Panther (Chadwick Boseman), dont l'importance ne fera que grandir au cours de la Phase III ; et le nouveau Spider-Man, désormais incarné par Tom Holland et que Marvel a pu emprunter à Sony. Une association dont tout le monde sort gagnant et qui illustre bien la façon dont les rapports de force ont changé, car le studio qui possède les droits sur l'Homme-Araignée doit maintenant, pour subsister dans le genre, s'allier à la Maison des Idées, qui appuie un peu plus sa suprématie en s'offrant le plus gros succès mondial de 2016, devant le premier spin-off de Star Wars. Tout un symbole.

DOCTOR STRANGE (2016)

Un peu de sang neuf dans le MCU ! Mentionné au détour d'un dialogue dans Le Soldat de l'Hiver, Stephen Strange fait enfin ses débuts sur grand écran. Et sous les traits de Benedict Cumberbatch, qui a hérité d'un rôle pour lequel Joaquin Phoenix avait été approché. Un choix qui relève presque de l'évidence, tant le mélange de charisme et d'arrogance rapproche le Maître des Arts Mystiques du Sherlock qu'il a incarné sur la BBC. Le tout dans un origin story qui n'est qu'un décalque du premier Iron Man dans sa structure, sa thématique centrale (qu'est-ce qui fait de nous un héros ?) et même son méchant joué par Mads Mikkelsen, qui montre ce qu'il pourrait devenir s'il sombrait du côté obscur de la Force. Sans parler de la romance banale avec le personnage de Rachel McAdams.

Doctor Strange est pourtant l'un des meilleurs opus de la Phase III, et il le doit majoritairement à son univers visuel. Sous la direction de Scott Derrickson (Sinister, L'Exorcisme d'Emily Rose), le long métrage nous ouvre les portes de la branche mystique du MCU, à grands renforts de visions psychédéliques et de distorsions de l'image. C'est parfois flashy et certains plans rappellent Inception, mais ça fonctionne et impressionne, tout en prouvant que la photo terne de certains opus du studio n'est pas une fatalité. Le long métrage s'offre même le luxe de se jouer de l'une des critiques récurrentes auxquelles ses prédécesseurs ont fait face, le temps d'un climax où il n'est pas question de détruire une ville mais... de la reconstruire, tout en s'amusant du côté répétitif du genre, lorsque le héros effectue sans cesse la même action. Contrairement au fond, la forme est la grande force de cet épisode, qui élargit les possibilités de l'univers et repousse ses limites, en plus de contenir l'une des Pierres de l'Infini convoitées par Thanos.

LES GARDIENS DE LA GALAXIE 2 (2017)

Contrairement à Scott Derrickson, venu comme lui du milieu de l'horreur, James Gunn a su s'imposer sur la forme et le fond en arrivant chez Marvel. Et le hasard veut qu'il succède à son compère dans le calendrier de la Phase III avec un défi de taille : confirmer. En 2014, personne n'attendait ces anti-héros, qui ont donc fait leurs débuts dans les salles avec une pression modérée. Trois ans plus tard, c'est une autre histoire pour ces nouveaux chouchous du public. Surtout que la campagne marketing a été aussi réussie que celle du premier opus, jouant sur la coolitude et la notion de famille dysfonctionnelle.

Un thème qui est plus que jamais au coeur du récit, centré sur les origines de Star-Lord qui retrouve son père, Ego (Kurt Russell), et doit l'affronter alors que celui qui s'est chargé de son éducation (Yondu, joué par Michael Rooker) meurt au cours de l'aventure. À défaut d'un personnage principal, Les Gardiens de la Galaxie 2 a le mérite de faire mourir un protagoniste important, ce qui était alors assez rare dans le MCU pour être souligné. Plus lucratif que son prédécesseur, le long métrage ressemble un peu plus encore à son auteur, dans ses scènes absurdes ou lorsque la violence se déchaîne (avec modération, mais plus que d'habitude), deux aspects qui font de Rocket la star d'un show qui cherche à explorer le côté humain de ses héros.

Cela fonctionne sur la mort de Yondu. Mais malgré un humour plus organique que dans le premier volet, qui révèle l'énorme talent comique de Dave 'Drax' Bautista, l'ensemble paraît bavard et son rythme bancal, pris entre les contraintes de l'univers et les tentatives de James Gunn de sortir un peu de sa formule. Divertissant mais un poil décevant, Les Gardiens de la Galaxie 2 ne parvient pas non plus à faire avancer la grande histoire, à un an de la sortie d'Avengers - Infinity War et s'apparente trop à l'un de ces épisodes destinés à nous faire patienter sagement. Malgré la super bande-originale et les effets bluffants pour rajeunir Kurt Russell.

SPIDER-MAN - HOMECOMING (2017)

Attention, événement ! Le second reboot des aventures de Spider-Man se déroule dans le Marvel Cinematic Universe, grâce à un accord entre Disney et Sony qui a débuté dans Civil War pour mieux se poursuivre ici. Sur les bancs du lycée où Homecoming (qui désigne aussi bien le bal de fin d'année qu'un retour à la maison) nous renvoie en compagnie de Peter Parker. Ce qui est déjà un bon point, puisque le long métrage de Jon Watts se penche sur une période vite expédiée chez Sam Raimi et Marc Webb, et évite ainsi de faire doublon. Surtout qu'il ne rejoue pas la carte de l'origin story avec mort de l'Oncle Ben à la clé, car le personnage a déjà ses pouvoirs lorsque le récit débute, et veut à tout prix devenir un Avenger.

Traversé par une énergie juvénile bienvenue, qu'il doit autant à l'influence du cinéma de John Hughes qu'à Tom Holland, Spider-Man - Homecoming entonne lui aussi le refrain "un grand pouvoir implique de grandes responsabilités", de façon détournée grâce à la présence d'un mentor nommé Tony Stark, qui ne phagocyte heureusement pas le récit, sa présence étant moins prononcée que ce que les bandes-annonces pouvaient laisser entendre. Intégré au MCU dont il hérite de quelques défauts (humour pas toujours pertinent, photo oubliable), le long métrage a une portée plus modeste que d'autres opus de l'univers, et ne rate pas son méchant : le Vautour, traité de façon réaliste et présenté comme le pendant négatif d'Iron Man. Un modèle qui ferait sombrer Peter vers le côté obscur si celui-ci se mettait à suivre sa voie. Interprété par un Michael Keaton glaçant, il est l'un des gros points forts de cet épisode, qui offre une seconde seconde jeunesse à Spidey, et fait souffler une bouffée de fraîcheur sur son nouveau monde, tout en préparant son avenir.

THOR - RAGNAROK (2017)

Troisième film solo... et troisième approche différente de Thor. Mais la meilleure à ce jour. Dans la lignée de ce que Le Monde des ténèbres laissait entrevoir, et de la personnalité développée par Chris Hemsworth en-dehors des plateaux, Taika Waititi pousse le curseur de l'humour à son maximum. Réussissant à imposer son style, le Néo-Zélandais bricole un buddy movie flashy rythmé par les guitares électriques et synthés de la bande-originale très 80's de Mark Mothersbaugh, dans lequel l'héritier du trône d'Asgard doit faire équipe avec Hulk, qu'on n'avait plus vu depuis Avengers 2. Alors oui, ça n'est pas avec ça que les critiques reprochant au MCU de désamorcer le sérieux par le rire de façon quasi-systématique vont cesser, mais il faut reconnaître que cela fonctionne, avec un niveau d'efficacité proche de celui des Gardiens de la Galaxie, dont le long métrage se rapproche avec son côté space opera rigolo.

Faisant table rase du passé dès le début (bye bye Hogun, Volstagg et Fandral !), Thor - Ragnarok nous offre quelques plans sublimes et se révèle beaucoup moins creux qu'on ne pourrait le penser, car le héros est toujours embarrassé par ses histoires de famille auxquelles viennent se mêler sa meurtrière de soeur, et il a à peine eu le temps d'hériter de la couronne d'Odin qu'il doit se résoudre à la destruction de son royaume et à l'exode de son peuple, ce qui aura des conséquences fatales comme l'annonce la scène post-générique qui, enfin, ouvre directement sur Avengers - Infinity War. Car pour le reste, c'est surtout la petite histoire (celle du héros) qui avance à défaut de la grande, et on regrettera que méchante incarnée par Cate Blanchett soit finalement classique et que ça ne soit toujours pas ça pour Hulk.

Grâce à Taika Waititi et ses scénaristes, une solution pour l'avenir de personnages comme le géant vert se dégage néanmoins de cet opus : Ragnarok prouve en effet qu'il n'est pas nécessaire de s'obstiner à donner des aventures solo à chacun quand il n'y a plus rien à raconter mais qu'on ne veut pas les laisser de côté. En réunir au sein d'une même histoire peut se révéler plus productif en jouant sur des dynamiques qui ne demandent qu'à êtres développées, comme celle entre Sam 'Faucon' Wilson et Bucky Barnes dans leur future série.

BLACK PANTHER (2018)

Apparu dans Civil War, Black Panther aura dû patienter deux ans avant de revenir, en solo avec un réalisateur étonnant derrière la caméra : Ryan Coogler, metteur en scène énervé de Fruitvale Station et Creed. Dans le giron de Marvel, l'Américain se calme un peu, mais parvient quand même à glisser quelques légères références aux enlèvements perpétrés par Boko Haram au Nigéria ou aux émeutes de Watts en 1992. Le tout dans un long métrage beaucoup plus politique que ses prédécesseurs du MCU réunis, dans sa façon d'oeuvrer pour la diversité avec un casting composé à 90% d'acteurs noirs et la place qu'occupent les femmes du Wakanda dans le récit des débuts de T'Challa.

Un héros qui, comme dans Civil War, paraît encore un peu raide (dans le sérieux comme dans l'humour) et se fait voler la vedette par à peu près tout le monde, d'Andy Serkis en sosie maléfique de Regis Laspalès à la pétillante Shuri (Letitia Wright) en passant par les Dora Milaje d'Okoye (Danai Gurira) et Erik Killmonger, incarné par Michael B. Jordan, l'acteur fétiche de Ryan Coogler. Car, non content de reprendre la trame du premier Thor, Black Panther s'en rapproche en rendant l'antagoniste plus intéressant et complexe que le héros. À ceci près que, contrairement à Loki, ce méchant ne devrait pas revenir.

Un peu faiblard côté scénario, le long métrage bute aussi sur un combat final aux effets spéciaux moyennement convaincants. Mais le principal n'est pas là. Il réside plutôt dans l'impact qu'a eu le film, et notamment aux États-Unis, auprès de la communauté noire-américaine qui se sent, enfin, représentée dans la vague de super-héros qui inonde les salles obscures depuis 2008. Entre son box-office (1,347 milliard de dollars dans le monde ! Des recettes plus élevées qu'Avengers - Infinity War outre-Atlantique !) et l'engouement qu'il suscite, Black Panther n'a pas volé son statut de phénomène dont l'impact dépasse le cadre des multiplexes. Marvel s'y impose, plus que jamais, en roi d'Hollywood, même si l'on peut regretter la frilosité du studio, qui aura mis une décennie avant de propulser un super-héros noir en haut de l'affiche.

AVENGERS - INFINITY WAR (2018)

"Plus le méchant est réussi, plus le film l'est", disait, en substance, Alfred Hitchcock. Et Avengers - Infinity War l'a bien compris. Plus encore que le premier opus de Joss Whedon, celui-ci relevait du projet impossible car devant réunir TOUS les personnages qui se sont illustrés dans le MCU depuis 2008, autour d'un ennemi qui nous a tellement été teasé au fil des ans que le risque d'être déçus n'a fait que grandir au gré des annonces. Et pourtant, c'est un petit miracle qui se produit. Il y a certes un déséquilibre entre les héros, certains étant réduits à un échange de punchlines, d'autres tout simplement absents des débats. Mais les frères Russo et leurs scénaristes parviennent à mélanger les tonalités propres à chaque saga pour créer de nouvelles dynamiques.

Avec un montage qui rappelle celui de L'Empire contre-attaque, en faisant se dérouler plusieurs actions en parallèle avant que tout le monde ou presque ne se rejoigne, Avengers - Infinity War rassemble enfin les fameuses Pierres de l'Infini aperçues dans quelques-uns des épisodes précédents, et dresse un vrai obstacle de taille sur la route de ses héros. De ce fait, le film est moins celui des Vengeurs que celui de Thanos, antagoniste nuancé dont les motivations mégalomaniaques sont compréhensibles, au point qu'il parvient à nous émouvoir lorsqu'il consent à sacrifier sa fille adoptive pour mener sa mission à bien. Gamora n'est d'ailleurs pas la seule à mourir, puisque Loki passe lui aussi l'arme à gauche dans une scène en forme de passage de relais du statut de "meilleur méchant du MCU".

Le Marvel Cinematic Universe montre ainsi qu'il sait encore comment tuer des personnages majeurs, chose que les films qui ont précédé Infinity War semblaient avoir oubliée. Riches en moments héroïques (les retours de Steve Rogers et Thor en tête), le long métrage se conclut avec l'un des moments les plus marquants de toute la saga : la défaite des gentils qui ne peuvent empêcher Thanos de claquer des doigts une fois le Gant de l'Infini orné de toutes ses Pierres, et faire disparaître la moitié de l'humanité. Donc des Avengers. Ceux qui restent et ont vu les autres partir en poussière sont désemparés, abasourdis comme les spectateurs qui ont fait un triomphe en salles (2,048 milliards de dollars de recettes, plus gros succès de 2018) à cet opus. L'un des meilleurs du MCU, qui récompense tous ceux qui se sont accrochés devant des épisodes de remplissage comme celui qui suit.

ANT-MAN ET LA GUÊPE (2018)

Comment passer, en quelques mois, de l'un des sommets du MCU à l'un de ses opus les plus faibles. Absent d'Infinity War, Ant-Man est de retour en solo avec un film dans lequel on promet de nous raconter pourquoi il n'a pas participé au combat contre Thanos. Et c'est peu dire que la réponse est décevante, tant elle est peu intéressante. Peu de temps après avoir réussi à se faire pardonner pour ses quelques écarts de conduite, le Marvel Cinematic Universe retombe dans ses travers avec un personnage dont on avait déjà fait le tour à l'issue du premier opus. Et ça n'est pas avec celui-ci que les choses changent. Malgré de nouveaux jeux de taille. Malgré Evangeline Lilly en Guêpe. Malgré une méchante potentiellement complexe mais vite mise de côté. Et malgré cette scène post-générique qui donne un indice sur la façon dont les événements du dernier Avengers pourraient se résoudre.

Comme Hulk et, à un degré moindre, Thor, Ant-Man ne semble plus avoir les épaules pour porter un film en solo et gagnerait à être associé à un autre héros. À moins que les enjeux ne se mettent à grandir comme lorsque Scott Lang se transforme en Giant-Man, que la réalisation devienne moins impersonnelle et l'humour moins systématique, malgré toute la sympathie que Paul Rudd nous inspire.

CAPTAIN MARVEL (2019)

Les mauvaises langues diront qu'il a fallu attendre le succès de Wonder Woman pour que Marvel se décide à confier le haut de l'affiche à l'une de ses super-héroïnes. Ce qui n'est sans doute pas totalement faux, même si ce projet avait été annoncé plusieurs années auparavant, car le spin-off sur Black Widow aurait peut-être vu le jour plus tôt dans ce cas. Mais c'est à Carol Danvers que revient cet honneur. Et dans les années 90, histoire de justifier le fait de n'avoir jamais entendu parler de celle qui pourrait bien être une solution pour vaincre Thanos, au vu de ses pouvoirs. Comme Ant-Man et la Guêpe, le long métrage souffre de son emplacement entre Infinity War et Endgame, en plus d'être réalisé de façon impersonnelle par Ryan Fleck et Anna Boden, venus du circuit indé. À ceci près qu'il a plus de qualités que l'opus de Peyton Reed.

Et pas seulement parce qu'il oeuvre davantage pour la diversité, avec une héroïne qui fait office de lien entre les Avengers et Les Gardiens de la Galaxie (dont nous retrouverons deux des personnages secondaires), puisque liée à la Terre comme à l'espace. Ou que l'humour, un peu mieux dosé, fonctionne très bien entre Brie Larson, impeccable dans le rôle-titre, et Samuel L. Jackson, grâce à une alchimie qui saute aux yeux. Avec cet opus qui conjugue SF et buddy movie, Marvel parvient à renouveler son approche de l'origin story. Sans aller jusqu'à la révolution de palais, car le fond reste le même. Mais la forme change un peu, puisque c'est au gré des souvenirs du personnage principal que l'on apprend son passé et que ses certitudes sont bousculées lorsqu'elle réalise que les méchants et gentils ne sont pas forcément ceux auxquels elle pensait.

Un twist grâce auquel le long métrage se révèle proche des derniers Captain America et ses questionnements sur ce qui constitue un héros et l'instrumentalisation de ce dernier par un peuple, un gouvernement. Sans aller jusqu'au bout de l'idée, qui aurait mérité que l'on passe plus de temps dessus, mais avec une volonté de préparer l'avenir et de présenter celle qui pourrait succéder à Tony Stark et Steve Rogers comme leader des Vengeurs. Des présentations que le public n'a pas manquées (pas plus que la scène post-générique qui ouvre directement sur Endgame) malgré les critiques reçues par Brie Larson sur les réseaux sociaux et autres campagnes de dénigrement consécutives à ses propos féministes, puisque le long métrage a engrangé 1,128 milliard de dollars, avec un impact proche de celui de Black Panther un an plus tôt.

AVENGERS - ENDGAME (2019)

Même Star Wars - Episode IX n'a pas pu résister : alors que l'année 2019 commençait à peine, son film le plus attendu n'était pas celui de J.J. Abrams mais bien la suite d'Infinity War, dont la fin a tenu les fans en haleine pendant un an. Trop peut-être, car la barre et les enjeux étaient incroyablement hauts : il s'agissait de régler le problème Thanos et faire revenir les disparus de l'opus précédent tout en bouclant un arc narratif développé pendant plus d'une décennie et disant adieu à certains de ses piliers. Un travail de titan que les frères Russo et leurs scénaristes Christopher Markus et Stephen McFeely ont globalement accompli, sans trop de surprises tant il paraissait évident que le voyage dans le temps serait au coeur du récit, et qu'il fallait se préparer à voir disparaître au moins l'un des Avengers originaux.

Écrire Avengers Infinity War & Endgame : "L'un des plus grands puzzles que nous ayons eu à résoudre"

Si le quatuor livre ce qui était promis, Avengers - Endgame souffre de son statut de film le plus attendu de l'année et de suite d'Infinity War, qui avait réconcilié certains spectateurs avec Marvel. L'ensemble est pourtant efficace, épique et amusant, nostalgique dans sa façon de revisiter son propre univers, et grisant lorsqu'il réunit, enfin, tous les héros du MCU sous la houlette de Steve Rogers, plus que jamais le meilleur personnage que la Maison des Idées a développé sur grand écran depuis 2008, et à qui une fin émouvante et cohérente est offerte. Mais quelque chose manque. Bien que déjà très long, le récit aurait pourtant gagné à rallonger les passages calmes, lorsque nous retrouvons les protagonistes cinq ans après la mort de Thanos et que les acteurs ont des choses un peu plus consistantes que d'habitude à jouer.

Disney a certes consenti à ce que le long métrage dure trois heures, mais en coupant tout ce qui pouvait l'être, au détriment du rythme et, parfois, de la cohérence. Il n'y a qu'à voir la façon dont les scénaristes et réalisateurs doivent fréquemment apporter des précisions sur la façon dont leur voyage dans le temps fonctionne, alors qu'ils avaient surpris en prenant le contrepied des règles en vigueur dans le cinéma et les séries sur le sujet. Pris en tant que tel, Avengers - Endgame déçoit plus ou moins. En tant que presque conclusion de trois Phases, c'est beaucoup plus réussi, et l'émotion qui se dégage à la fin permet de passer outre les défauts de cette apothéose qui marque un cap et la fin de deux époques : la saga de l'Infini, développé pendant plus de vingt films, et le règne d'Avatar sur le box-office mondial.

Avec presque 2,8 milliards de dollars de recettes, Avengers - Endgame a pris le pas sur le film de James Cameron, ce qui illustre on-ne-peut mieux la façon dont Marvel a pris la mesure du box-office mondial : les énormes succès de Black Panther et Captain Marvel l'avaient déjà montré, mais le studio est désormais le roi du monde, sur le plan financier comme en matière de stratégie, vu la façon dont les autres veulent aussi leur équivalent du MCU, un univers partagé prêt à s'étendre au petit écran.

SPIDER-MAN - FAR FROM HOME (2019)

Comme la Phase II, la III ne s'achève pas avec les Avengers mais un héros au nom d'insecte : Ant-Man en 2015, Spider-Man quatre ans plus tard. À la surprise quasi-générale, car c'est au moment de la sortie d'Endgame qu'il a été annoncé que c'est finalement Far From Home qui servirait de conclusion, contrairement à ce qui avait été acté auparavant. La vraie raison de ce changement est, aujourd'hui encore, floue. Et peut-être que Marvel n'a tout simplement pas voulu faire de Peter Parker le fer de lance de sa Phase IV pour éviter de se retrouver dans une impasse si ses négociations avec Sony autour du renouvellement de leur accord sur les droits du personnage devaient ne pas aboutir. Le long métrage de Jon Watts se retrouve ainsi dans une position étrange, alors que les spectateurs n'ont pas encore digéré l'opus des Russo, et ne va pas être aidé par sa bande-annonce, qui lâche le terme tant attendu : "Multivers".

Et si ce nouveau Spider-Man avait été placé en queue de peloton pour, en plus de montrer les conséquences d'Endgame et du retour de ceux qui avaient disparu pendant cinq ans, ouvrir en grand les portes du MCU, qui se verrait doté de perspectives quasi-infinies ? Sur ce plan, Far From Home est clairement déceptif, la notion de multivers étant en réalité un mensonge de Mysterio, le plus cinématographique des ennemis de Spider-Man qui fait enfin ses débuts sur grand écran. Des éléments suggèrent que l'option n'est pas écartée (et elle devrait se concrétiser avec le prochain Doctor Strange), mais ça n'est pas avec ce récit que se dessine l'avenir de Marvel Studios.

Après le big bang Endgame, on a le sentiment que le MCU retombe dans ses travers, ce qui n'est pas entièrement faux. Mais le film n'en reste pas moins un divertissement de qualité, qui s'appuie sur les qualités du précédent (son énergie adolescente, le duo Tom Holland - Zendaya, un méchant intéressant et traité avec le plus de réalisme possible...) tout en gommant certains défauts : même si ça n'est pas encore la folie, la mise en scène de Jon Watts est un peu meilleure et les séquences d'illusions crées par Mysterio restent parmi les meilleures vues dans l'univers depuis 2008. Et il y a sans doute un côté méta dans ces dialogues qui disent qu'il ne faut pas croire tout ce qui s'écrit sur internet ou avec ce méchant qui manipule la réalité comme le studio ses bandes-annonces, à grands renforts d'images trompeuses. Épilogue plus que vraie conclusion, Far From Home remplit toutefois son contrat avec assez d'efficacité pour que le public, peut-être appâté par les révélations promises, n'ait permis à Spider-Man de passer le cap du milliard pour la première fois de son Histoire cinématographique.

BOX-OFFICE DE LA PHASE III

13 487 036 403 $ - Soit, en moyenne, 1,2 milliard par film. Si la Phase I était celle de l'introduction et la II celle de la confirmation, la III aura sans aucun doute été celle de la domination. Alors que certains ont pu faire illusion par le passé (Fast & Furious 7, Star Wars - Le Réveil de la Force, Jurassic World), aucun n'a résisté au rouleau compresseur qu'est officiellement devenu Marvel, dont la force de frappe permet d'oublier les loupés que peuvent être Ant-Man et la Guêpe. Le rêve de Kevin Feige n'a aujourd'hui plus rien de fou car chaque opus du MCU se présente comme un succès programmé, et ce troisième tour de piste de prendre un peu plus de risques (calculés), avec Black Panther et Captain Marvel. Sans totalement gommer les défauts récurrents, ce qui lui laisse une marge de progression.

Et maintenant ? Que faire une fois que l'on a atteint le sommet d'Hollywood et du box-office ? Pas la même chose, à savoir une longue histoire développée sur plusieurs films et séries, et c'est vers cela que tend la Phase IV, dénuée de tout rassemblement type Avengers. Certains personnages devraient néanmoins interragir entre eux, mais les récits seront peut-être un poil plus indépendants les uns des autres entre 2020 et 2021, et une répartition entre petit et grand écran. Reste alors à savoir pendant combien de temps ce modèle perdurera et si beaucoup de personnes, qui se sont forcées à tenir jusqu'à Endgame, vont ensuite aller voir ailleurs, victimes de la "superhero fatigue" qui guette l'Usine à Rêves.

Que nous réserve la Phase IV du Marvel Cinematic Universe ?

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