Ils ont débuté avec Moi, Peter Sellers puis la saga Narnia, et ont signé le scénario de No Pain No Gain. Mais c'est grâce au Marvel Cinematic Universe que Christopher Markus et Stephen McFeely se sont fait connaître du grand public. Après leur baptême du feu avec Captain America, dont ils ont signé la quasi-totalité de l'arc narratif, Kevin Feige et les frères Russo leur ont confié le bouquet final des trois premières phases : le dyptique Infinity War - Endgame. Et c'est quelques mois après la sortie du second volet, devenu le plus gros succès de tous les temps devant Avatar, que nous revenons avec eux sur cette aventure.
AlloCiné : Félicitations à vous qui avez signé le scénario du plus gros succès de tous les temps.
Stephen McFeely : Merci beaucoup, ça nous fait bizarre.
Christopher Markus : Ça n'était pas notre but, mais c'est un très bel accomplissement.
Comment vous sentez-vous maintenant que ce très long voyage est enfin terminé ?
Stephen McFeely : Fatigués (rires)
Christopher Markus : Mais très satisfaits. La plupart du temps, avec les franchises ciné ou les séries télévisées, vous écrivez jusqu'à un certain point, et puis ça continue sans vous.
Stephen McFeely : Ou c'est annulé (rires)
Christopher Markus : Avec Avengers Endgame, nous avons eu cette opportunité très rare d'emmener l'histoire vers sa conclusion organique. De boucler les arcs narratifs de personnages auxquels il fallait mettre un terme. Je ne pense pas que nous ayons encore cette chance un jour, donc je suis heureux que cela se soit aussi bien passé dans les salles.
Comment avez-vous travaillé sur "Infinity War" et "Endgame" ? Comme s'il ne s'agissait que d'une seul film en deux parties, ou de deux longs métrages distincts ?
Stephen McFeely : Bonne question. Nous avons établi leurs structures respectives et les avons écrits en même temps, donc notre vision était basée sur le fait que nous savions qu'il s'agirait de deux films. Mais nous voulions qu'ils soient très différents l'un de l'autre, au lieu d'en écrire un gros que nous aurions coupé en son milieu, ce qui nous a amenés à prendre quelques décisions fortes, comme mettre Steve et Natasha un peu en retrait dans Infinity War car nous avions beaucoup de choses à raconter sur eux dans Endgame. Pour résumer, il s'agissait d'un gros projet composé de deux films très différents.
Nous avons toujours su qui allait mourir et quelles seraient les fins de Tony Stark et Steve Rogers
À quel moment l'histoire de "Endgame" que nous avons vue, avec cette trame et ces morts, s'est-elle imposée à vous ?
Stephen McFeely : Cela remonte à l'automne 2015, lorsque nous étions en train de définir les contours du récit global. Certaines actions et circonstances ont ensuite changé, mais nous avons toujours su qui allait mourir et quelles seraient les fins de Tony Stark et Steve Rogers.
Y a-t-il des personnages qui ont failli mourir mais ont été sauvés durant la phase d'écriture ?
Christopher Markus : Nous avons brièvement débattu pour savoir qui de Clint ou Natasha devait mourir, mais nous avons vite fait notre choix au vu de l'histoire que nous voulions raconter. Car l'idée n'était pas de tuer un personnage pour le simple plaisir de le faire. Ceux qui sont morts sont ceux dont le destin paraissait irrévocable par rapport au récit.
Stephen McFeely : Le but de ce deuxième film était de dire au revoir aux six Avengers originaux. Certains allaient donc mourir, d'autres vieillir, devenir autre chose... Plutôt que de tenter de tuer six personnes, nous avons cherché à leur dire au revoir.
Si "Infinity War" et "Endgame" vous ont permis d'écrire une conclusion à plusieurs arcs narratifs, tout porte à croire que l'écriture a dû être un véritable puzzle pour vous, entre les personnages pour lesquels vous aviez déjà écrit comme Captain America, les autres et tous les tons que vous avez dû combiner. Quelle a été votre méthode pour y parvenir ?
Stephen McFeely : C'est exactement ça. Nous avons vu ce travail comme l'un des plus grands puzzles que nous ayons à résoudre. Et pour des scénaristes, c'est assez effrayant car il nous faut prendre des petites décisions, nous les approprier et bâtir la suite à partir de là.
Nous avons, par exemple, déterminé que le claquement de doigts serait la fin du premier film, et nous avons écrit l'avant et l'après en fonction de cet événement. Puis nous avons décidé que le second film marquerait les adieux à certaines personnes et que, pour résoudre le problème, quelqu'un allait devoir mourir à un moment précis. L'idée est de poser des drapeaux sur le sol, pour vous guider. Cela peut être effrayant si l'on met le mauvais drapeau, mais tout semble avoir fonctionné.
À quel moment du processus avez-vous posé le drapeau du voyage dans le temps sur le sol ?
Christopher Markus : Pendant que nous définissions la structure de l'histoire. Le récit du premier film avait été établi de façon quasi-définitive et nous savions qu'il s'achèverait avec le claquement de doigts de Thanos. Nous voulions qu'il s'agisse d'un vrai événement, d'une défaite des héros. Quelque chose qui compte et que nous ne pourrions pas régler immédiatement dans le film suivant.
L'idée du voyage dans le temps nous est venue rapidement lorsque nous cherchions comment raconter cette histoire, et nous l'avons d'abord rejetée tout aussi vite car elle paraissait trop facile. Et c'est lorsque nous avons réalisé que nous avions Ant-Man, qui avait le Royaume Quantique où le temps est une notion complètement différente selon les physiciens quantiques, que nous avons compris que nous pouvions construire une machine à voyager dans le temps qui soit raccord avec l'univers dans lequel l'histoire se déroule.
L'idée du voyage dans le temps nous est venue rapidement lorsque nous cherchions comment raconter cette histoire, et nous l'avons d'abord rejetée tout aussi vite car elle paraissait trop facile
À quel point vous a-t-il été difficile d'établir les règles du voyage dans le temps de "Endgame", qui diffèrent pas mal de ce que nous sommes habitués à voir au cinéma et dans les séries ?
Stephen McFeely : Tout le monde pense que le voyage dans le temps fonctionne comme dans Retour vers le futur, car c'est un super film. Mais lorsque nous avons parlé avec des physiciens, ils nous ont confirmé que le voyage dans le temps n'était pas possible, mais que s'il l'était, il tournerait autour de cette idée de réalités alternatives et pas d'événements qui se substituent aux autres. C'est-à-dire que si vous allez tuer votre père dans le passé, vous donneriez naissance à un nouvel univers dans lequel il meurt mais vous ne disparaissez pas car votre naissance a déjà eu lieu.
Nous ne sommes pas dans une chronologie continue, mais plusieurs chronologies. Et cela nous arrangeait car nous avions six Pierres de l'Infini à aller chercher. L'autre façon d'aborder le voyage dans le temps, la méthode Retour vers le futur, ne nous aurait pas aidés car elle aurait créé beaucoup de confusions.
Le voyage dans le temps du film soulève encore des questions chez les fans. Lisez-vous celles qui sont postées sur internet ?
Christopher Markus : Occasionnellement, oui. Mais on peut trouver toutes sortes d'opinions sur internet, au même titre que des gens qui ne cherchent qu'à critiquer autant qu'ils le peuvent. Il y a quand même des théories que je trouve plutôt intrigantes, mais nous avons fait ce que nous avons fait (rires)
Il y a d'ailleurs plusieurs théories sur Captain America qui est, en quelque sorte, votre bébé puisque vous avez écrit son histoire dans le MCU du début à la fin. Comment avez-vous vécu ce point final, et à quel moment avez-vous décidé que son arc narratif se terminerait ainsi ?
Stephen McFeely : Il y a peu de scénaristes à qui l'on permet d'écrire plusieurs gros films autour d'un même personnage en même temps que la chance d'y mettre un terme. Ce qui arrive le plus souvent, c'est que vous faites un film, ça ne marche pas très bien, et c'est fini.
Mais là nous avons pu planifier la fin de Steve Rogers. Et pour nous, l'option la plus forte était qu'il retourne vivre la vie qu'il avait mise entre parenthèses pour devenir Captain America. Il n'était pas question qu'il meure pour nous, mais plutôt qu'il accomplisse enfin ce qu'il avait voulu faire dans tous ses films. L'enjeu était qu'il apprenne à abandonner son bouclier pour repartir, comme un soldat qui reviendrait de la guerre. Nous avons eu cette idée il y a quatre ans.
"Avengers Endgame" est sorti en DVD/Blu-Ray ce 30 août :