Ça parle de quoi ?
Dans un Los Angeles froid et guère accueillant, Martin Jones est un policier en uniforme aux pratiques compromettantes. La mort de son partenaire le plonge dans une spirale de violence au milieu des gangs, de la mafia et des cartels.
A quoi ça ressemble ?
C’est avec qui ?
Dans le rôle principal, Nicolas Winding Refn troque Ryan Gosling pour Miles Teller. A ses côtés, Nell Tiger Free joue sa petite amie mineure (Janey), qui a pour père William Baldwin. Complètent la distribution, Callie Hernandez (Amanda), John Hawkes (Viggo) et Jena Malone (Diana).
La série est réalisée par Nicolas Winding Refn en personne qui co-signe également les scénarios avec Ed Brubaker, écrivain et célèbre scénariste de comic-books aux ambiances ésotérico-noirs, ainsi qu’une intense production mainstream, on lui doit notamment la création du Soldat de l’Hiver chez Marvel.
Ça vaut le coup d’oeil ?
Quand une personnalité aussi forte que celle de Nicolas Winding Refn (NWR) s’essaie à la série, il ne faut pas s’attendre à un résultat tiède et conventionnel. Son cinéma est déjà marqué par des gestes forts, aucune chance de le voir s’assagir sur le format long. Au contraire, Too old to die young est une extension de son travail, s'accommodant ainsi des durées pour un résultat aussi fascinant qu’agaçant.
Pendant un temps, Nicolas Winding Refn a eu des visions de la mort du cinéma. De quoi ravir Jean-Luc Godard. Finalement, pour le réalisateur il sera moins question des funérailles d’un art que la destruction progressive de sa cathédrale : la salle. En revanche, ce qui est bien décédé, ce sont les séries linéaires qui passent à la télévision : « je ne voulais pas faire une série pour la télé, car pour moi, la télévision est morte et enterrée, c’est devenu un canal de diffusion pour les informations, le sport et la télé-réalité. Le nouveau canal de diffusion pour les séries, c’est le streaming, donc, quand j’ai décidé de faire mon propre show, je ne voulais pas que ce soit pour la télévision mais un show « streaming », ce qui signifiait que je pouvais vraiment faire un long film ».
Les deux mots qui froissent le plus les sériephiles sont lâchés : long film. On ne reviendra pas sur les distinctions mécaniques qui séparent le cinéma et les séries mais cette note d’intention est souvent accompagnée d’une sorte de mépris de position où les longs métrages sont muséifiés quand les séries tiennent du produit de consommation. Seulement chez Refn, la parole rejoint le geste. Comprendre qu’en regardant Too old to die young, on n’est pas certain d’être devant une série. « Vous savez, le père biologique de ma femme est Fritz Lang et je me suis demandé ce que mon beau-père aurait fait s’il était encore vivant aujourd’hui : il ferait un très long film. Et le streaming vous en donne la possibilité. Nous vivons un moment très excitant ». L’intéressé n’étant plus là pour confirmer, on laissera à NWR la pertinence de cette supposition, qu’on prend néanmoins avec beaucoup de pincettes étant donné que Liv Corfixen n’est pas la fille de Fritz Lang (#troll).
Et donc comment qualifier cet objet étrange, voire non identifiable ? Peut-être que la réponse se situe dans la compréhension du streaming par Refn, ce qu’il explique pour Vanity Fair : « [le streaming] est un flux d’images ininterrompu, un flux de conscience, un flux d’amour… ». On n’est pas loin dans l’idée de la proposition d’un David Lynch, où il est davantage question d’ambiance, de sensation que de narration. Mais un Lynch mixé aux études contemplatives urbaines de Michael Mann pour un ensemble qui verse dans le néo-noir cher au réalisateur de The Neon Demon. Le résultat oscille entre la publicité pour parfum (c’est joli mais il n’y a rien à comprendre), le surréalisme (William Baldwin qui imite un tigre caché derrière une peluche - pourquoi ? parce qu’il le peut) et des éclats de violences brutes dans un Los Angeles synthétique. Mais ce qui marque le plus, c’est le rapport au temps.
Effectivement, Too old to die young est un flux. Une diffusion continue d’images. La série devient ce pur « show streaming » recherché par Refn, où l’écoulement du temps deviendrait subjectif. C’est une vraie et intense proposition artistique mais qui aurait presque davantage sa place dans un musée d’art contemporain. Finalement, Too old to die young ne serait-il pas une relecture du 24 Hour Psycho de Douglas Gordon (version de Psychose d’Hitchcock ralenti à 2 images par secondes, ce qui fait durer le film 24 heures contre 109 minutes) mais appliquée, dans un mouvement un peu narcissique, à son propre cinéma ? La grammaire visuelle de Refn étirée sur 13 heures (pour dix épisodes). C’est fascinant, épuisant, génial ou ridicule. Et frustrant.
Il y a un côté sans surprise à voir ainsi un réalisateur au style si marqué proposer une série qui ressemble à… un long film de Nicolas Winding Refn et une frustration de constater que les théories enthousiastes sur les vertus du streaming et de la forme (très) longue finissent sur un résultat aussi prévisible. Les adorateurs du cinéaste seront aux anges, tous les ingrédients de ses derniers films étant présents (personnage taciturne, maniérisme appuyé et éclairé aux néons, musique du fidèle Cliff Martinez, violence sèche et brutale). Les allergiques pourront passer leur chemin devant un étalage aussi flagrant de ses marqueurs personnels qu’il en frôle la caricature...
Too Old to Die Young est disponible depuis le 14 juin sur Amazon Prime Vidéo.