Il est impossible de dissocier l’histoire de la série Neon Genesis Evangelion avec celle de son créateur Hideaki Anno. Bien qu’à première vue, la série animée, disponible dès le 21 juin sur Netflix, reprend les principaux codes d’une série de mecha classique (un jeune adolescent devient malgré lui pilote d’un robot géant afin de combattre des monstres géants,), l’intrigue va peu à peu évoluer vers quelque chose de tout à fait autre,délaissant alors les scènes d'action pour prendre les traits d'un récit expérimental consacré à la psychologie de ses personnages tourmentés.
Pour mieux comprendre ce lien autographique qui lie l’auteur à son œuvre, revenons sur le parcours d’Hideaki Anno. Né à Ube le 22 mai 1960, Anno développe dès son plus jeune âge une passion pour le cinéma, qui le pousse à réaliser dès ses 20 ans ses propres courts métrages 8 mm : devant et derrière la caméra, il signe ainsi Ultraman et Ultraman Deluxe – deux films parodiques du célèbre super-héros japonais.
Sa carrière décolle en 1984 grâce à une annonce publiée dans le magazine spécialisé Animage. Alors en pleine préparation de son second long métrage Nausicää la vallée du vent, Hayao Miyazaki – alors surtout connu comme un réalisateur de télévision – est impressionné par les planches que lui présente Hideaki Anno, au point de nommer le jeune homme au poste prestigieux d’animateur clé. Depuis, bien que leurs chemins se soient séparés (après Nausicää, Miyazaki co-fonde les studios Ghibli, et Anno la compagnie Gainax), les deux hommes ont conservé un respect mutuel, en témoigne la participation d'Anno au doublage du film Le Vent se lève, dernière réalisation en date de Miyazaki.
Grâce aux studios Gainax qui lui offrent une liberté créative totale, Hideaki Anno gravit tous les échelons de l’animation, pour enfin s'essayer à la mise avec la série d’OAV Top o Nerae! Gunbuster (1988). En 1990, sa carrière connaît un nouveau tournant majeur grâce à la série Nadia, le secret de l’eau bleue, une relecture du roman 20 000 lieues sous les mers de Jules Verne d’après une idée développée dix ans plus tôt par Miyazaki, dont il se voit confier la réalisation. Le nom Hideaki Anno - alors âgé d'à peine trente ans - devient célèbre dans tout le Japon.
Les Chevaliers du Zodiaque, Ultraman, Neon Genesis Evangelion... Netflix dévoile les dates de sortie des animés 2019Louée par le public mais également par la critique (le magazine Animage la nomme Grand prix de l’année 1991), Nadia, le secret de l’eau bleue permet à Hideaki Anno de se faire un nom mais aussi d’y développer les thématiques qui feront au fil des années le succès de son oeuvre : la mort, la religion et un éternel questionnement philosophique sur la place de l'homme dans un monde technologique.
Ce succès a un prix; alors que trente épisodes avaient été initialement commandés, la chaîne NHK en exige davantage. Face à un planning intenable, le perfectionniste Hideaki Anno se rédoud à déléguer la réalisation de quelques épisodes, réalisés dans l'urgence pour une qualité nettement inférieure à ceux auparavant produits. Peu après la diffusion du grand final de l'animé, une adaptation cinémographique est mise en chantier (Nadia et le Mystère de Fuzzy), à laquelle ne participe pas Anno, éreinté et quelque peu dégoûté par l'expérience.
Le réalisateur tombe alors dans une grave dépression : on lui diagnostique un trouble de la personnalité borderline, une maladie très répandue chez les fans japonais d'animés, qui plongent les patients dans un isolement total, des cycles d'hyper-émotivité et, dans les cas les plus extrêmes, des tendances suicidaires. A plusieurs reprises, Hideaki Anno tente de mettre fin à ses jours avant qu'un suivi intensif ne l'aide à retrouver la lumière. Après quelques années de thérapie, le réalisateur est enfin prêt à retrouver le chemin des studios et justement sa maladie, lui a inspiré l'idée d'une toute nouvelle série.
Empruntant les traits d’un animé mecha classique, Neon Genesis Evangelion est pour son créateur une cathartique, puisque les trois personnages au coeur de l’intrigue Shinji, Rei et Asuka empruntent chacun un trait de la personnalité d’Hideaki Anno. Après quelques épisodes, le récit bascule vers une toute direction, celle de l'introspection psychanilitique, avec en point d’orgue un double-épisode final expérimental se déroulant intégralement dans la tête du jeune héros en proie à une crise existentielle majeure. Une fin sombre parachevée d'un dénouement optimiste, qui tranche avec l'idée originale d'Anno qui souhaitait conclure sa série par la disparition de l'humanité (les traumatisme du séisme de Kyoto et de l'attentat du métro de Tokyo en 1995 et des contraintes budgétaires l'ont finalement convaincu de changer ses plans).
Toutefois, le message transmis par Neon Genesis Evangelion sur les dangers de l’isolation et du refermement sur spi-même ne semble guère avoir été compris par une partie de la communauté otaku. Pire, furieux de cette fin ésotérique, des fans adressent des courriers haineux à Hideaki Anno, les plus extrêmes n'hésitant pas à menacer de mort le réalisateur. La fin d'Evangelion fait polémique au Japon, mais qu'importe puisque le créateur avait un message à faire passer, et tant pis si le final n'a pas été au goût de tout le monde.
Plusieurs films verront ensuite le jour : Death & Rebirth en 1997, un résumé de la série auquel s'ajoutent 15 minutes inédites annonçant The End of Evangelion, une fin alternative conforme à la vision initiale d'Hideaki Anno. Déclinée également en manga, jeux vidéo, jouets et autres types de produits dérivés, Neon Genesis Evangelion est considérée aujourd'hui comme l'une des plus importantes séries animées japonaises mais également comme une licence particulièrement lucrative, avec des recettes estimées à plus de 14 milliards de dollars récoltés en l'espace d'un quart de siècle.
Les 26 épisodes de la série Neon Genesis Evangelion et les deux films Death & Rebirth et The End of Evangelion sont à retrouver dès demain sur Netflix.
La bande-annonce de l'animé Neon Genesis Evangelion, à (re)découvrir sur Netflix :