AlloCiné : Quand avez-vous découvert le roman de Rhidian Brook, Dans la maison de l'autre ?
James Kent : Il y avait déjà un script pour Coeurs Ennemis, et il y avait le roman. On m'a envoyé le scénario, je l'ai adoré et j'ai immédiatement voulu faire le film. Cette maison, cette femme dans cette maison, son dilemme, son conflit intérieur, son parcours, tout cela me touchait beaucoup, certainement parce que j'ai réalisé beaucoup de projets sur les femmes et parce que j'ai beaucoup de femmes très fortes et très émotives dans ma famille, ma mère, mes soeurs... Je pense que j'ai reconnu certains de leurs traits chez Rachel.
Étiez-vous davantage intéressé par la dimension historique ou pas l'aspect intime du récit ?
Je pense que c'était vraiment la rencontre des deux. C'était le fait d'avoir cette histoire incroyablement intime au beau milieu de ce champ de ruines qu'est Hambourg à un moment de l'Histoire - assez peu connu par les Anglais finalement - qui se situe juste après la guerre. Comment réagit-on, en tant que nation victorieuse, face à des gens qui ont été complètement détruits par leur propre camp autant que par le vôtre ? Ce refus absolu de se rendre, l'idée qu'ils allaient tomber en se battant, c'était une caractéristique assez kamikaze du Troisème Reich. Les enfants étaient appelés pour devenir soldats, il ne restait personne ! Cela me semblait être une période particulièrement passionnante à étudier.
Le film est à la frontière de différents genres, le mélodrame, le film de guerre, le thriller... Comment avez-vous amené le thriller au sein du mélodrame ?
D'une certaine manière, le mélodrame vit par lui-même pendant un certain temps, puis le thriller commence à se développer lorsque Freda se rapproche d'Albert, le jeune soldat allemand et les deux arcs narratifs se rejoignent pour conduire au climax. Au montage, c'était très compliqué, on mettait un peu de thriller à un endroit, mais ça gênait la romance, alors on en ajoutait ailleurs, on en enlevait un peu... Il a fallu essayer différentes choses sur la table de montage pour que les deux se nourrissent l'un l'autre.
Comment avez-vous travaillé avec ces trois acteurs, Keira Knightley, Alexander Skarsgård et Jason Clarke ? Le choix de ce trio était-il évident dès le départ ?
Non, ce n'était pas évident. On a commencé par se rapprocher de Keira, qui a accepté rapidement et aux Etats-Unis, elle est dans la même agence qu'Alexander, donc ça a simplifié les choses. Il a adoré le rôle et il a rejoint l'aventure. Ensuite, on a mis du temps à trouver un acteur qui puisse convenir pour le personnage de Lewis, car c'est un rôle pivot, en quelque sorte, c'est le rôle le plus difficile car il est assez sévère et fermé, amsi on doit finir par croire qu'il est le bon pour elle. Il fallait être très subtile, comme Jason, pour pouvoir jouer ce personnage.
Pouvez-vous nous parler de l'influence de David Lean ?
Bien sûr, David Lean est une véritable inspiration pour moi, particulièrement Brève rencontre, qui est un film merveilleux et qui s'intéresse vraiment à ce qui se passe dans l'esprit d'une femme. Dans un registre plus épique, il y a Docteur Jivago et Lawrence d'Arabie, ces plus gros films dans lesquels il fait en sorte que l'on ait ces scènes très épiques sans pour autant négliger l'histoire intime des protagonistes.
Ridley Scott, qui produit le film, a vécu à Hambourg à l'époque où s'y déroule le film. Comment s'est passée la collaboration ?
Ridley a beaucoup soutenu le film, qui est produit par sa société de production, et il avait un engagement personnel envers l'histoire car il vivait à Hambourg à cette époque avec son grand frère et son père, il avait environ dix ans, il roulait en vélo au milieu des ruines. Il a rencontré des enfants allemands bien avant que les adultes ne se réconcilient. Les enfants ne font pas de distinction, même s'ils ne parlent pas la même langue, ils jouent ensemble, aux soldats, aux cowboys et aux Indiens, c'est un langage universel. Ils se lient tout simplement. C'est fantastique de regarder les enfants, car ils ne se soucient pas de la couleur de peau, de la nationalité, ni de la religion, ça ne leur traverse même pas l'esprit. Ne serait-ce pas génial d'être comme eux ? N'est-ce pas ironique, que l'on juge bien plus qu'eux ? On leur apprend toutes ces choses, mais leur innocence pourrait nous apprendre beaucoup.
La bande-annonce de Coeurs ennemis, en salle dès aujourd'hui :