AlloCiné : Les deux derniers épisodes ont été réécrits en urgence. Est-ce que vous pouvez nous raconter pourquoi ?
Marine Gacem, co-scénariste et productrice artistique de Philharmonia : Il y a deux raisons, l'une de l'ordre de la création, l'autre de l'ordre de la production. Je vais commencer sur la création. Le personnage d'Hélène Barizet ne jouait plus tout du violon après la mort de sa mère, c'était presque comme un point d'honneur. Elle enterrait son violon dans le cercueil de sa mère, d'ailleurs. Mais je sentais qu'il y avait quelque chose d'inachevé. Je me disais finalement qu'en allant vers la rédemption, il fallait qu'elle soit capable de retourner vers son violon. Et quel que soit le résultat du test. Puis concernant Séléna, je me demandais ce qui pouvait la convaincre de sortir de sa cachette, je me persuadais que jouer la nouvelle création du mari d'Hélène pouvait lui suffire. Ce qui me posait problème c'est que c'était très chimique, pas très palpable et qu'il fallait forcément que ça passe par des dialogues. Et le jour où j'ai découvert que Marie-Sophie Ferdane savait jouer du violon, que c'était magique, ça m'a fait tilt : il fallait les faire jouer ensemble ! Séléna allait venir parce qu'elle avait réussi à réconcilier Hélène et son violon. Les voir toutes les deux avec cette puissance-là, ce charisme-là, je savais que ça marcherait. Donc j'ai demandé à changer certaines séquences.
L'autre changement vient du fait qu'on avait peu de jours de tournage à la Philharmonie de Paris, il nous en restait peu, il y avait des séquences de l'épisode 5 avec des scolaires qu'on n'a pas pu tourner du coup. Deux actes sont tombés, donc il a fallu réécrire en urgence.
Est-ce que tuer le personnage de Séléna à la toute fin a toujours fait partie de vos plans ?
Toujours, je n'ai jamais hésité. Pour moi, ça fait partie de la trame de Séléna, c'est l'aboutissement inévitable. Il y a quelque chose du film Mommy dans cette séquence de suicide. C'était mon inspiration, mais je sais que ça peut surprendre. Le personnage de Séléna a eu trois mères : une mère biologique qui l'a abandonnée, même si c'était pour son bien; une mère adoptive avec qui ça n'a pas collé, alors que celle-ci n'était pas défaillante mais la rencontre n'a pas eu lieue; et une mère qu'elle s'est choisie, Hélène, qui d'après elle l'a trahie. Après tout ça, c'est le bout du chemin. Comme le héros de Mommy qui échappe à ses infirmiers à la fin et qui se jette dans le vide. Je pense qu'il n'y a pas plus grand poison qu'une mère dans une vie, et en même temps on ne peut pas vivre sans une mère. C'est très paradoxal...
Pendant toute la saison, on sent bien que quelque chose cloche chez Séréna; on se dit qu'elle est peut-être la fille cachée d'Hélène. Est-ce que vous avez essayé de jouer là-dessus, sur ce mystère qui pousse le spectateur à élaborer des théories ?
Il y avait une construction en trois mouvements à laquelle il ne fallait surtout pas toucher. L'idéal, c'était que la fin soit surprenante et qu'elle donne envie de revoir le premier. Parce que tout est là dès le départ en fait. C'était ça la difficulté. Le rythme permet justement que le téléspectateur n'ait pas le temps de se poser trop de questions, mais il fallait que ça ait du sens et que ça ne sorte pas de nulle part. Pas le truc qui vient de l'extérieur et auquel on ne pouvait donc évidemment pas penser, ça arrive parfois et ça me fait pester. Il fallait à tout prix éviter les grosses ficelles qui se voient. La progression du personnage de Séléna de jeune fille timide au début à femme puissante dans le dernier, elle devait avoir quelque chose de naturel et ça tient à la fois au jeu de Lina El Arabi, qui m'a mise des frissons, et à la mise en scène très respectueuse de Louis Choquette. Il y a une évolution dans ses costumes aussi, noirs, discrets dans les premiers épisodes, et cette belle robe rouge dans sa dernière scène. Ce sont des détails mais très importants.
Sur la maladie d'Hélène, nous n'avons pas de réponse. C'était un moyen d'ouvrir la porte à une saison 2 ?
Au départ, j'ai pensé Philharmonia en 3 saisons, un triptyque. Donc la réponse sur la maladie d'Hélène n'était pas là à la fin pour cette raison. Puis France 2 m'a dit qu'ils préféraient privilégier désormais les mini-séries événementielles. On a tourné deux fins différentes. Une qui y répond, une qui ne le fait pas. J'ai malgré tout choisi de garder la deuxième parce que je me suis rendue compte que ce n'était plus vraiment un enjeu. Non pas que l'on s'en fiche, mais quelle que soit la réponse, elle va continuer. Si elle est porteuse de la maladie, elle est suffisamment bien entourée désormais pour poursuivre sa carrière. Il n'y avait pas là de perversité de ma part.
Pour autant, une saison 2 de Philharmonia peut-elle malgré tout voir le jour ?
Oh oui, la balle est dans le camp de France 2. Personne n'y est opposé que ce soit du côté de la production, Merlin, que des comédiens. Certains l'appellent même de leur voeu. Mais je ne suis pas mécontente que ce soit une mini-série événementielle. Cette fin me convient. Je ne suis pas frustrée. Puis il y a toujours un risque à s'absenter trop longtemps. On n'a pas lancé d'écriture... Mais si besoin, je sais comment faire évoluer la série, je sais si Hélène est malade ou pas...
Avez-vous de nouveaux projets de série après cette première création réussie ?
Oui, j'ai signé une nouvelle série avec France 2 qui s'intitule "Mascarade", à nouveau de 6 épisodes de 52 minutes. Elle se déroule dans l'univers de l'opéra, plus précisément celui du chant lyrique, autour de trois personnages, deux femmes et un homme. Ce sera moderne, pas du tout en costume, vraiment dans la lignée de Philharmonia, donc très contemporain, et dans un sous-genre qui ne sera pas le thriller mais l'espionnage.
Propos recuellis le 15 janvier 2019