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    Philharmonia selon sa créatrice : "Je voulais une série populaire, chic et diversifiée, comme Shonda Rhimes le fait"

    France 2 diffuse ce mercredi soir les épisodes 3 et 4 de sa série "Philharmonia". Rencontre avec sa créatrice Marine Gacem, qui nous parle, sans filtre, de Shonda Rhimes, de diversité, de musique, de l'actrice Marie-Sophie Ferdane...

    Jean Claude LOTHER - MERLIN PRODUCTIONS - FTV

    AlloCiné : Les premiers épisodes de "Philharmonia" avaient été projetés en avant-première au Festival de la Fiction TV à la Rochelle en septembre dernier et le public avait été emballé. Quelle sensation ça fait, pour une scénariste, d'assister à la projection de sa série sur un grand écran, chose assez rare ?

    Marine Gacem, créatrice et productrice de PhilharmoniaJe suis sortie de mon corps, je n'étais pas moi-même. J'avais hyper peur en fait. Je savais que la bande-annonce avait bien plu et je me demandais si la série serait à la hauteur des attentes. La veille, j'avais rêvé que la salle se vidait au fur et à mesure et que je me retrouvais un peu comme Hélène et Séléna dans l'épisode 2 : seule dans la salle. Lors de la projection, j'ai trouvé les épisodes longs, mais longs... c'est normal, je les avais déjà vus 120 fois ! J'entendais rire, j'entendais bouger, j'étais fébrile. Puis il y a eu des appaludissements à la fin du premier épisode, ce qui n'est pas habituel apparemment, donc ça m'a rassurée. La standing ovation à la fin du 2e m'a estomaquée, j'étais hyper heureuse. Ensuite j'ai eu des retours de plein de gens différents, et pas que des professionnels, pour qui la série avait réveillé des choses intimes, liées à la musique. Certains me parlaient de leur prof de piano, ou d'un souvenir sur Les Quatre saisons de Vivaldi. 

    Quel est votre rapport intime avec la musique ?

    Je ne suis pas musicienne. J'ai fait un peu de piano petite mais j'ai vite compris que ça n'allait pas le faire. Quand vous vous agacez vous-même, il vaut mieux arrêter. Mais j'ai découvert la musique avec ma grand-mère, comme beaucoup de monde j'imagine. C'est par l'opéra que j'y suis revenue vers 18 ans. Je ne m'en suis jamais éloignée, même quand je n'avais pas de sou j'y allais. Puis j'ai épousé un féru d'opéra, qui a continué à alimenter ma passion. J'aime le spectacle vivant en général et l'opéra en particulier, parce que des gens qui se réunissent pour chanter, ça m'émeut toujours. 

    Quelle était l'ambition de la série lorsque ce n'était encore qu'un projet ?

    Avec la productrice Rose Brandford Griffith, nous voulions faire une belle série sur la musique classique, qui soit accessible et dans le partage. Je n'aime pas le mot de "démocratisation", parce que c'est surtout une question d'accès, je préfère l'idée de partage d'émotions. Quand elle est venue me chercher, ça été une évidence. J'écoute Mozart comme d'autres écoutent Shakira ou les Beattles. 

    Il y a un mélange de morceaux classiques très connus et de versions classiques de tubes pop dans Philharmonia. Comment s'est déroulée cette phase de sélection, notamment avec France 2 ? Est-ce que ça a donné lieu à d'âpres négociations ?

    Les morceaux de musique étaient présents dès les scénarios. Je les ai choisis en fonction des séquences. Pour prendre un exemple parmi d'autres, lorsque je cherche un morceau pour la scène avec les sourds dans l'épisode 2, il me faut une oeuvre qui sonne chez eux, qui vibre particulièrement. Il fallait de nombreuses percussions, du violon. Il fallait rester réaliste. J'ai cherché parmi les ouvertures d'opéras que je savais dynamique et j'ai trouvé Les Noces de Figaro.

    Dès l'écriture, j'étais partie dans l'idée de ne faire que de la musique classique pour être honnête. C'est la productrice qui a souhaité aussi des musiques plus rock, plus variétés, pour donner d'autres couleurs et pour faire venir un autre public, qui pense à raison ou à tort que le classique n'est pas pour lui. Et elle a eu raison. Il fallait trouver quand les placer. Pour le générique de Mission: impossible, c'était une évidence car propice à un bizutage en régle. Il n'y a pas eu de débat. Il y a la question des droits qui entre en jeu car l'argent qu'on met là-dedans ne va pas ailleurs. Pour Boys don't cry, il y a eu débat. J'étais partie sur Bowie, mais ça n'était pas possible; puis il a été question de Bohemian Rhapsody de Queen; mais je trouvais très sincérement que le personnage de Jeff pouvait être fan de Bowie, mais de The Cure, ça me semblait moins évident. Après, j'aimais évidemment ce que la chanson racontait. J'ai retravaillé un peu le script pour que ça colle. Rose, la productrice, avait pensé à du Edith Piaf pour la scène d'enterrement de l'épisode 2. J'étais contre, on en a discuté. Pour moi, dans une famille de violonistes, on ne joue pas du Piaf à un enterrement. Mais tout ça, on l'a arbitré dès l'écriture. Quand le réalisateur est arrivé, tout était déjà posé.

    Il y a des similitudes, dans l'écriture de Philharmonia, avec du soap dans le style de Shonda Rhimes. On peut penser à la Meredith de Grey's Anatomy à travers Hélène; et ce mélange de thriller et d'histoires intimes résonne avec Murder. Est-ce que c'est quelqu'un qui vous a influencée, une parenté que vous revendiquez ?

    Shonda Rhimes, c'est tout ce que j'aime. Donc j'en serais très flattée s'il y avait des similitudes. Murder, je la regardais en parallèle de l'écriture. L'idée de femme forte mais tourmentée est là, en effet. De femme qui évolue dans un milieu majoritairement peuplé d'hommes. L'idée que le féminisme n'est pas revendiqué. Il est là mais cette question ne se pose pas chez les personnages. Si Shonda Rhimes l'est, ses personnages ne le sont pas forcément, pas frontalement en tout cas.

    La question de la diversité m'importe beaucoup également. J'essaye d'en mettre sur chaque fiction sur laquelle je travaille. Notamment sur Chérif, qui est un héros de prime-time d'origine maghrébine, traité comme n'importe quel français républicain. Avoir une femme chef d'orchestre, qui prend une jeune fille comme Séléna comme premier violon, c'était fort mais pas si évident que ça car dans la réalité, il y a peu de diversité dans les orchestres. Ce qui m'intéresse dans mon métier, c'est de montrer une partie du monde telle que je la vois aujourd'hui, que ce soit la réalité ou non, et telle que je la voudrais demain. Comme Shonda Rhimes le fait. Je voulais une série populaire, chic et diversifiée. 

    C'est très agréable d'entendre ce discours, car on l'entend encore trop peu en France...

    Ah mais je rame, vous savez ! (rires) Sur cette question-là, de la couleur à l'écran, ce que je veux ce ne sont pas des rôles dédiés à, écrits dans cette idée-là, mais une distribution avec de la diversité choisie au moment du casting. Il y a un consensus de politiquement correct qui fait que souvent on vous dit oui a priori et ça ne se concrétise pas au moment des décisions. 

    Vous avez dû batailler sur Philharmonia pour imposer certains choix de casting, qui ne répondaient pas forcément aux normes habituelles ?

    Oui évidemment, ça a été difficile jusqu'au moment où ça ne l'a plus été. Pour le rôle d'Hélène Barizet, on a eu plein de propositions très différentes, on a vu des tas de comédiennes très variées, autant dans le style que dans l'âge. Puis on a eu Marie-Sophie Ferdane qui est arrivée en fin de recrutement, qui nous a été amenée par le directeur de casting. Quand on l'a vue, on a été instantanément d'accord qu'elle serait parfaite. En plus, à la fin, ce n'était pas du tout demandé mais elle nous a fait un morceau au violon. Il se trouve qu'elle est elle-même violoniste. Sa soeur est chef d'orchestre, tout cet univers lui était très familier. Il a fallu convaincre la chaîne, la productrice nous y a aidé.

    Ce n'était pas une évidence et je le comprends : elle fait déjà le pari d'une série sur la musique classique, donc un projet qui ne va pas forcément fédérer, alors choisir une excellente actrice mais encore peu connue des téléspectateurs, ce n'est pas si facile. Au final, ils ont dit oui. Et je préfère me souvenir de ça. C'était une prise de risque et je tiens à le souligner, d'autant qu'aujourd'hui ils en sont très contents. Je pense que pour l'avenir de nos séries, on gagnerait tous à le dire quand ça arrive. Quand on a Marie-Sophie et Lina El Arabi dans les deux rôles principaux, il faut accepter d'être plus souple sur les personnages secondaires où la chaîne a besoin de visages plus populaires. C'est dans l'intérêt de tout le monde. L'essentiel c'est de se dire les choses clairement. 

    C'est une série qui parle beaucoup du collectif, à travers cet orchestre soudé, et d'une certaine façon ça résonne avec les manifestations qui se déroulent dans toute la France. Vous ne pouviez pas le prévoir, mais la série dit quelque chose là-dessus...

    Modestement, consciemment ou inconsciemment, il y a de ça. Ce qui est sûr, c'est que ce qui m'a guidée au tout début, ce n'est pas la question du collectif mais celle de la place des femmes dans un monde d'hommes. Après, le sujet du collectif m'a toujours habitée. Avant d'être scénariste, j'étais urbaniste, la question de l'aménagement du territoire est intimement liée à ça. Les gilets jaunes j'adore, ce lien que vous faite me plait beaucoup et me parle. Le personnage de François Vincentelli, Yvan, est un syndicaliste pas du tout caricaturé pour moi. J'aime les syndicalistes, ils défendent nos droits. Il n'était pas question de faire de lui un bas du front, vindicatif, caricatural. François lui amène une normalité qui me plaît. Il y a plein de personnages torturés et égotiques dans la série, lui il est dans l'exact inverse, il est très sain. 

    C'était important pour vous d'avoir deux personnages de jeunes gens, pour vous adresser aussi à ce public-là, en faire des portes d'entrée à cet univers ?

    C'était primordial et une évidence même. Les jeunes écoutent de la musique tout le temps. Ils remplissent les conservatoires. J'ai deux ados, ils sont devant leurs écrans, ils jouent beaucoup aux jeux vidéo et la musique classique y est très présente. Ils y sont sensibilisés. Ce qui est intéressant, c'est que pour plaire au public jeune, il fallait avoir une écriture très rythmée, et la réalisation de Louis Choquette y a grandement participée. Peu de séries françaises ont ce rythme-là.

    Propos recueillis le mardi 15 janvier 2019

    La bande-annonce de Philharmonia, tous les mercredis soirs sur France 2 :

     

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