Publié en 2017, "The Hate U Give" n'est pas le récit d'une histoire vraie mais trouve son origine dans un fait divers : le meurtre d'Oscar Grant par deux policiers en 2010. Raconté par Ryan Coogler au cinéma dans Fruitvale Station, cet événement tragique a été le point de départ du premier roman d'Angela Thomas. Ancienne rappeuse, celle-ci s'appuie sur divers cas pour étayer son oeuvre, avec comme volonté principale de se focaliser sur le côté humain.
Un best-seller qui est aujourd'hui devenu un film coup de poing, sous la direction de George Tillman Jr. La très prometteuse Amandla Stenberg (Hunger Games, Everything, Everything) y trouve son rôle le plus fort à ce jour : celui de Starr, ado américaine dont la vie est bouleversée lorsque son ami d'enfance est victime d'une bavure policière. Un sujet qui est toujours d'actualité, peut-être plus encore lorsque nous rencontrons Angela Thomas, dans le cadre de la présentation de The Hate U Give au Festival du Film de Londres en octobre 2018, que lorsqu'elle l'a écrit.
AlloCiné : Voir son propre livre adapté sur grand écran est forcément quelque chose, mais j'imagine que cela doit être encore plus marquant pour vous que le film sorte aujourd'hui, alors que son propos paraît encore plus pertinent.
Angela Thomas : C'est malheureusement toujours d'actualité car ces choses se produisent encore aux États-Unis. Nous devons encore faire face aux violences policières mais également au fait d'être Noir. Il y a des Blancs qui appellent la police pour qu'elle intervienne auprès de Noirs qui ne font que vivre leur vie. Il y a eu des changements à plusieurs niveaux mais il y a toujours cette peur sous-jacente, cette frustration. Je crains que cette histoire ne reste longtemps pertinente, mais j'espère qu'en la racontant nous arriverons à réduire ce temps et aider à ce que les choses changent.
Vous pensez donc qu'un film tel que "The Hate U Give" peut changer les mentalités, aider les gens à comprendre ?
Je pense que oui. Je l'espère. L'art du récit est, pour moi, l'une des meilleures façons de générer de l'empathie, qui est bien plus puissante que la sympathie. Si vous passez 400 pages dans la peau d'un personnage, ou 2 heures et quelques minutes à ses côtés, vous en ressortirez en le comprenant mieux ainsi que d'autres personnes semblables, avec de l'empathie. C'est pour moi la première étape du changement. Lutter contre l'injustice commence avec de l'empathie, il nous en faut plus, et plus de compréhension aussi. J'ai vraiment foi dans le récit en général.
Beaucoup de ce que nous racontons n'est pas nouveau, mais aujourd'hui les réseaux sociaux permettent d'en être davantage conscients
Les derniers mois ont donc dû vous rendre optimiste, avec des mouvements tels que #MeToo, Time's Up, Black Lives Matter... Avez-vous eu le sentiment que la réalité et votre fiction se rejoignaient ?
Ce qui est malheureux, c'est que notre histoire n'est pas originale car ce genre de choses s'est déjà produit de plusieurs façons. Beaucoup de ce que nous racontons n'est pas nouveau, mais aujourd'hui les réseaux sociaux permettent d'en être davantage conscients. Nous vivons cependant une époque intéressante, car les gens osent parler. J'espère que le film va donner envie à plus de personnes de le faire. Les problèmes évoqués ne sont pas nouveaux, le fait que les gens se servent de leur voix pour se faire entendre à ce sujet, si. Aujourd'hui plus que jamais, les gens deviennent activistes de leur propre chef.
C'est le cas de votre actrice principale, Amandla, qui est aussi activitste. En quoi était-elle la Starr parfaite pour vous ?
Beaucoup de ce qu'elle est correspond à ce que je veux que Starr soit. Elle a beaucoup de force et de sagesse, ainsi que cette passion pour ce en quoi elle croit. Elle ne recule jamais, elle ose parler et dénoncer lorsqu'elle estime que c'est nécessaire. J'ai eu comme l'impression que c'était écrit depuis le début, car je pensais à elle en écrivant le livre, très inspirée par le travail qu'elle avait accompli. C'est quelqu'un qui n'a jamais hésité à embrasser son activisme et faire parler son coeur. Elle m'a parue être la personne idéale pour le rôle.
Y a-t-il une scène du livre qui vous a particulièrement marquée dans sa façon d'être transposée sur grand écran ?
Il m'est difficile de réduire le film à une seule scène, mais toutes celles centrées sur la famille Carter sont mes préférées. On arrive à ressentir la chaleur entre eux, et cela vient du travail de George [Tillman Jr.] en tant que réalisateur, et au fait qu'ils aient passé du temps ensemble pour créer ces liens, afin qu'ils aient l'air naturels lorsqu'on les voit à l'écran. Lorsque j'ai découvert le film, j'ai eu le sentiment de voir une vraie famille, en me disant que lorsqu'on ne les voit pas, ils doivent être en train de dîner ensemble quelque part (rires) J'ai toujours voulu que cette partie soit importante dans le film, et j'espère qu'ils finiront un jour sur les listes des meilleures familles de cinéma.